1 L’ELUCIDATION OU L’ECLAIRCISSEMENT DU TESTAMENT DE RAIMOND LULLE Par lui-même

1 L’ELUCIDATION OU L’ECLAIRCISSEMENT DU TESTAMENT DE RAIMOND LULLE Par lui-même. (Bibliothèque des Philosophes Alchimiques, Vol. IV. Paris, 1754) Mis à jour le 28 juin 2002 Plan : Introduction - Eléments biographiques [Gérardin - Hoefer -Sadoul] - Vrais testaments d'Arnaud de Villeneuve et de Raymond Lulle (extrait du Journal des Savants, 1896) - Testament de R. Lull [extrait de la Revue Historique, 1896)- l'Elucidation - I. Introduction C'est le second texte attribué à Raymond Lulle que nous insérons dans nos traités commentés. Il s'agit là d'un texte « de repos », court, qui permet de faire le point sur des aspects importants du processus alchimique. Ce type de texte nous a permis d'insérer un fragment important du Dictionnaire mytho- hermétique de Dom Pernety, dont nous avons parlé tant de fois dans d'autres sections et qui n'a d'égal à nos yeux que les Fulcanelli. Le texte qu'on lira plus bas apparaît dans la Bibliothèque des Philosophes Chimiques, au volume IV, n° 26. Il n'est pas cité, semble-t-il par Fulcanelli ni E. Canseliet. L. Gérardin, dans son Alchimie, consacre un chapitre à Lulle mais ne cite pas le l'Elucidation.Voici en revanche quelques lignes qu'il a écrites sur Lulle : II. Eléments biographiques 1)- L. Gérardin [Alchimie, Art, Culture, Loisir, 1972] [...] Le personnage paraît envoûtant et complexe. Missionnaire exalté, il cherche le martyre.Logicien forcené, il invente les premières machines à raisonner, préfiguration des modernes ordinateurs. Poète, il écrit des vers et des romans allégoriques que les Catalans admirent toujours.Alchimiste, on le révère comme un maître incontesté. De famille noble, Ramon Lull naquit en 1235 à Palma de Majorque. Destiné à la vie de cour, il fut nommé grand sénéchal d'Aragon par la faveur de son suzerain, le roi Jacques Ier. Sa famille avait essayé de lui faire poursuivre quelques études, mais un gentilhomme espagnol héritier d'une noble et riche famille n'avait guère besoin d'être savant. Dans une cour dissolue, il trouvera moyen de se faire remarquer par sa débauche. On le maria ; il fit des enfants à la riche héritière qu'on lui avait choisie, mais n'en continua pas moins à donner la sérénade. Poursuivant de ses assiduités une femme mariée, Dona Ambrosia, il poussa l'extravagance jusqu'à la poursuivre à cheval dans une église. Et puis, brusquement, il eut des visions mystiques : le Christ lui apparut. Abandonnant sa famille, Lull se retira pour méditer sur le mont Randa, une croupe aride dont les arêtes charpentent l'île de Majorque. Ses amis ne virent là qu'une nouvelle extravagance, mais lui y trouva sa vérité. Une nuit, il eut la révélation d'un Art admirable qui expliquait tout, et il descendit, transformé, du mont Randa. Devant le scepticisme de ses concitoyens, il décida d'utiliser son Art pour convaincre les musulmans de l'incohérence logique de leurs croyances afin de les convertir. Il apprit l'arabe et voulut persuader de la valeur de ses projets le pape, puis le roi d'Aragon rencontré en 1289 à Montpellier. Il aurait à ce moment suivi les leçons d'Arnauld de Villeneuve, ce qui ne semble pas impossible. Faisant une nouvelle tentative en 1291 auprès du pape Nicolas IV, il fut éconduit et traité de fou. Il l'était sans doute un peu puisqu'il décida d'aller seul à Tunis pour convaincre les docteurs musulmans. Le bey condamna à mort le malheureux missionnaire, mais un musulman influent, instruit et tolérant, fit admettre qu'on ne pouvait exécuter un fou ! Relâché, chassé, Lull fut ramené à Gênes, d'où il descendit à la cour de Naples, vers 1292. Arnauld de Villeneuve s'y trouvait aussi et les deux hommes ont pu à nouveau se rencontrer. Le Majorquin essaie une fois de plus de persuader le pape Clément V, puis Boniface VIII son successeur, du bien-fondé de sa mission. Aucun succès. Déçu, Lull se remet à voyager: Montpellier, Gênes, Majorque, Paris où il séjourne en 1298 pour faire approuver l'enseignement de son Art. En 1305, âgé de soixante-dix ans, il retourne en Afrique et réussit à convertir des musulmans à Bône. On l'arrête à Alger et on le chasse de la ville. A Bougie, on le jette en prison. Relâché en 1307, i1 revient en Italie et fait naufrage en vue des côtes.Une fois de plus, il veut convaincre la cour papale de la justesse de ses vues. Se heurtant à une nouvelle fin de non-recevoir, il décide de prêcher seul la croisade. Revenu à Tunis, il y est maltraité par la populace qui le laisse pour mort sur place. Des marchands génois le recueillent et il meurt à bord de leur vaisseau. Que contenait ce Grand Art qui devait convaincre les musulmans de leurs erreurs ? Les érudits en ont longuement discuté. Malgré les nombreux ouvrages laissés par le logicien majorquin, il reste de nombreuses incertitudes. La chose n'a rien d'étonnant : les volumineux traités de Lull ont été étudiés par des philosophes et des historiens alors que sa méthode ressort de la logique formelle et s'apparente aux mathématiques les plus modernes. Pour avoir réellement compris Lull, il n'y a guère que Leibniz, un des fondateurs du calcul infinitésimal, de surcroît grand logicien et profond philosophe. Le Grand Art se présente comme une méthode qui permet de tout expliquer grâce à sa logique particulière. Pour Lull, chaque branche du savoir se ramène à un petit nombre de catégories de base. Leurs combinaisons fournissent l'indéfinie diversité des connaissances accessibles à l'esprit humain. Ainsi, les combinaisons deux à deux de seize éléments de base fournissent cent vingt possibilités différentes. Si les combinaisons incluent chacune huit éléments, cela fait douze mille huit cent soixante-dix possibilités. Lull donne des règles pratiques pour former ces combinaisons ; il voyait dans son Grand Art une sorte de super-science - une métascience, dirions-nous aujourd'hui. L'ambition du visionnaire majorquin se révéla trop en avance sur son temps. Vraie dans son principe: découvrir des combinaisons logiques à l'aide d'un dispositif mécanisé, donc sans erreur, sa tentative devait tourner court car les aides mécaniques dont il disposait restaient trop sommaires. Mais jusqu'où serait-il parvenu s'il avait disposé de la puissance logique des calculatrices électroniques ? Descartes avait étudié l'Art de Lull et y avait décelé le danger d'une mécanisation de la pensée : « J'avais un peu étudié étant jeune » entre les parties de la philosophie à la logique [...]. Mais en les examinant,je pris garde que, pour la logique, ses syllogismes [...] servent plutôt à expliquer à autrui les choses qu'on sait ou même, commel'Art de Lull,à parler sans jugement de celles qu'on ignore, qu'à les apprendre. » Mais l'Art eut d'ardents défenseurs : Leibniz en parle avec éloge [Dissertatio de Arte Combinatiora, Leipzig, 1666] ; il voyait dans l'Art une sorte d'algèbre universelle utilisable pour évaluer logiquement n'importe quelle proposition, même en morale et en métaphysique: « Grâce à l'emploi de cet Art, il ne devrait pas plus y avoir matière à discussion entre philosophes qu'il n'y en a entre comptables. Il leur suffirait de prendre en main leur crayon, de s'asseoir devant un tableau et de se dire mutuellement: " Eh bien! calculons."» Leibniz s'efforça, sans y parvenir, de construire une machine capable d'épuiser automatiquement toutes les combinaisons de principes. Ce mode de raisonnement porte malheureusement en lui un germe empoisonné : le risque signalé par Descartes de tomber dans la mécanisation de la pensée. Certains lullistes du XVIIe et du XVIIIe siècle donnèrent en plein dans le travers. Il fut facile de les critiquer comme le fit avec beaucoup d'esprit (et une pointe de méchanceté) l'humoriste Swift. Dans les Voyages de Gulliver, ce dernier décrit une machine, inventée par un savant de Laputa, qui combinait au hasard des lettres et : « permettait ainsi au plus ignorant, au prix d'un petit travail physique, d'écrire des livres philosophiques, de la poésie, des traités sur la politique, la théologie ou les mathématiques sans le moindre secours du génie ou de l'étude. Trente-six élèves travaillaient avec cette machine six heures par jour [...] et le professeur pensait que le public devrait fournir les fonds nécessaires pour établir cinq cents machines semblables dans le »royaume » [...] Le Majorquin étudia en particulier la théorie des Eléments. On y trouve d'habiles subtilités qui rappellent celles d'Artéfius. Lull fut-il alchimiste ? La question reste très controversée. On lui attribue de nombreux traités d'alchimie : cinq cents, affirment certains biographes. Mais sont-ils de sa main ou non ? Dans des écrits authentiques, il a donné son opinion, en particulier lorsqu'il se pose la question: « L'alchimie est-elle véritable ou à tout le moins rationnelle ? » Pour répondre, il faut, dit-il, revenir aux principes dont sont constitués les cinq métaux. De même qu'on ne peut changer une plante en une autre, on ne peut changer un métal en un autre, car si on donnait la perfection de l'or ou de l'argent à un autre métal, on priverait ce dernier de sa propre essence, ce qui est rationnellement impossible. Le fer a sa fin qui lui est propre et, de ce point de vue, il est meilleur que l'or pour fabriquer uploads/Philosophie/ lulle-raimond-l-x27-elucidation-ou-l-x27-eclaircissement-du-testament.pdf

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