Notre individualisme est un texte écrit à la première personne, à la fois visio
Notre individualisme est un texte écrit à la première personne, à la fois vision personnelle de l’individualisme anarchiste et présentation volontairement accessible de cette pensée souvent méconnue ou caricaturée. Le besoin s’en faisait ressentir depuis déjà pas mal de temps, voici donc une modeste contribution, une goutte d’eau dans la mer des débats sur l’anarchisme, suivie de quelques classiques dépoussiérés pour l’occasion ou de textes plus récents qui ont attiré notre attention sur le sujet. Ravage Éditions, juin 2011. Sommaire • Notre individualisme - Aviv Etrebilal | p3 • Liberté individuelle et société - Max Stirner | p10 • L’Individu contre l’Etat - Max Stirner | p15 • Sur la responsabilité individuelle | p17 • L’Individualisme - Albert Libertad | p24 • L’important ce n’est pas de savoir d’où on vient mais de décider où on va | p30 • Contre l’organisation - Giuseppe Ciancabilla | p33 Notre Individualisme « Le sage considère la société comme une limite. Il se sent social comme il se sent mortel. » Han Ryner, 1903. Si le mot « individualisme » peut paraitre confus de nos jours, c’est que des décennies d’âpre propagande sont passées par là, qu’elle soit capitaliste, libérale, bourgeoise ou marxiste et anti-capitaliste. L’individualisme, c’est chacun pour soi et dieu pour tous, c’est l’atomisation engendrée par l’inconscience de classe, la perte des idéaux collectivistes au profit de l’égoïsme à courte vue et de la réussite sociale ou encore un symptôme du malaise de la société moderne. Voici, pour faire court, les quelques stéréotypes auxquels nous devons, anarchistes individualistes, faire face. C’est pourquoi, il me semble aujourd’hui nécessaire de défaire quelques nœuds en exposant ce que j’entends par là et ce que je combat. Il faut rester conscients cependant, que rarement un terme n’aura autant été débattu, approprié et réapproprié que celui d’« individu ». L’individu, pour moi, n’est pas une unité transcendantale, une conception mystique, spirituelle ou métaphysique sur laquelle disserter sur les bancs moisis des universités. C’est une réalité vivante, en mouvement, qui ne se fige pas dans la certitude d’une idéologie ou de croyances. En cela, pour l’anarchiste individualiste, l’anarchisme n’est pas une cause pour laquelle l’individu doit se sacrifier. Au contraire, ce sont les idées anarchistes qui doivent servir mon individualité. Je peux citer Max Stirner plutôt que de le plagier : « Foin donc de toute cause qui n’est pas entièrement, exclusivement la Mienne ! Ma cause, dites-vous, devrait au moins être la « bonne cause » ? Qu’est-ce qui est bon, qu’est-ce qui est mauvais ? Je suis moi-même ma cause, et je ne suis ni bon ni mauvais, ce ne sont là pour moi que des mots. Le divin regarde Dieu, l’humain regarde l’Homme. Ma cause n’est ni divine ni humaine, ce n’est ni le vrai, ni le bon, ni le juste, ni le libre, c’est — le Mien ; elle n’est pas générale, mais — unique, comme je suis unique. Rien n’est, pour Moi, au-dessus de Moi ! » (Max Stirner, L’Unique et sa propriété, 1845) C’est ainsi qu’il posa l’une des fondations les plus solides de l’individualisme : il n’y a pas de Cause Supérieure, et lorsqu’un idéologue nous en impose une, nous lui opposons notre propre cause, c’est à dire nous-mêmes et notre liberté qui pour respirer doit aussi s’épanouir, à coté ou avec les autres, dans leur combat mené pour leur propre liberté. C’est cette libre-association, dans laquelle peut respirer notre liberté indissociable de celle des autres, que nous opposons à l’Etat et aux formes étatiques. C’est Bakounine qui disait, « Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m’entourent, hommes ou femmes, sont également libres. La liberté d’autrui, loin d’être une limite ou une négation de ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation. Je ne deviens vraiment libre que par la liberté des autres, de sorte que, plus nombreux sont les hommes libres qui m’entourent, et plus étendue et plus large est leur liberté, plus étendue et plus profonde devient la mienne. C’est au contraire l’esclavage des autres qui pose une barrière à ma liberté, ou, ce qui revient au même, c’est leur bestialité qui est une négation de mon humanité parce que, encore une fois, je ne puis me dire libre vraiment que lorsque ma liberté, ou ce qui veut dire la même chose, lorsque ma dignité d’homme, mon droit humain, qui consiste à n’obéir à aucun homme et à ne déterminer mes actes que conformément à mes convictions propres, réfléchit par la conscience également libre de tous, me reviennent confirmés par l’assentiment de tout le monde. Ma liberté personnelle ainsi confirmée par la liberté de tous s’étend à l’infini » (Bakounine, Dieu et l’Etat, 1882). Lui aussi préfigurait alors l’anarchisme tel que nous l’entendons ici. Est-il encore nécessaire après tout cela, de préciser qu’il ne s’agit pas d’un « seul contre tous », de soi contre les autres individus ? Il semble que oui, si l’on tient compte de lectures contemporaines. Si tant est que nous ayons des modèles, ce qui entrerait en conflit avec nos principes, le mythe Scarface/Tony Montana n’en serait pas un. Car là où celui-ci, pour sortir du troupeau le détruit et en provoque l’holocauste, nous opposons la volonté d’en finir avec le troupeau par la transformation de ses moutons en individus. Nous voulons être libres, ensembles, avec pour carburant l’entraide. L’exemple pré-cité est un peu l’archétype selon moi, de l’« individu » au sens libéral et bourgeois, muni d’une caution gangstériste à deux-sous, je n’ai rien à voir avec cela. L’anarchiste individualiste part de lui même pour s’opposer à la domination, c’est à dire qu’il ne se définit pas par une quelconque condition ou appartenance qui le dépasserait, qu’elle soit identitaire, sociale, de naissance, ou idéologique. On peut dégager comme principe de base, tant que possible, que l’individualiste s’« engendre » lui-même. C’est à dire qu’en dehors de ses choix conscients et de son éthique personnelle, rien ne peut le définir, le délimiter, le classer. C’est parce que je suis individualiste que je ne reconnais pas le principe de « nature humaine » dans sa conception Rousseauiste (l’homme est naturellement bon, c’est la société qui le corrompt) comme dans sa conception Hobbésienne ( l’homme est naturellement et instinctivement mauvais, il est un loup pour l’homme, une instance supérieure est nécessaire pour contenir sa dangerosité naturelle). Précisément, la nature humaine est un concept qui détermine l’individu hors de sa volonté, qui fait de ses choix des non-choix et surtout, qui sert d’excuse à des comportements autoritaires et donne raison au principe même d’autorité, le rendant nécessaire. C’est parce que l’humain serait « naturellement » et structurellement incapable de se contrôler, de ne pas assaillir son prochain, que des institutions comme la Police et l’Etat existent. C’est comme cela que l’on nous a fait intégrer et digérer l’idée de l’autorité comme chose nécessaire, qui ne peut pas ne pas être. Seulement, si la nature humaine n’existe pas, qu’est-ce qui fait de nous ce que nous sommes ? J’affirme sans sourciller que ce que je suis intrinsèquement n’est que la somme de mes actes, de mes expériences, de mes choix et de l’exercice de mes responsabilités. Bien entendu, rien de tout cela n’est isolé du reste de la société ou des choix des autres individus qui la composent, et si cela influence mes choix, cela ne les détermine pas pour autant. Sinon, comment expliquer que face au même choix et avec le même bagage « social » et « culturel », deux individus peuvent faire deux choix diamétralement opposés ? C’est contre le déterminisme social – celui des sociologues, des communistes et autres collectivistes – que la sensibilité individualiste s’érige, c’est-à-dire qu’elle se construit aussi par réaction contre une réalité sociale à laquelle je ne peux ou ne veux pas me plier tout en affirmant la prééminence de l’individu sur les groupes sociaux qui uniformisent, nivellent, s’organisent en pouvoir et tendent à subordonner les gens à des chefs ou à des dogmes. Le rejet des identités attribuées sans consentement et souvent dés la naissance (chrétien, juif, musulman, noir, arabe, blanc, français, hétérosexuel etc.), est à mon avis la préhistoire d’une individualité. Il me parait maintenant clair et compréhensible, et je pense que le lecteur s’y retrouvera, que l’Individu, de fait, s’oppose à la Société mais aussi à tout groupement social, comme les communautés, les castes, les classes, les races, idéologies ou tout autres généralités auxquelles l’individu est sommé de s’intégrer en laissant de coté ses particularités, son unicité indivisible et irrécupérable : ce qui fait de l’individu un individu. Cependant, l’antagonisme qui existe entre société et individu, ne fait pas non plus des individualistes des ermites, des apôtres de la solitude, ni non plus des êtres entièrement insociables. D’abord parce que l’anarchisme individualiste propose en second lieu (après l’affirmation de l’unicité de l’individu), la libre- association. L’individu n’est pas un être seul, et mon individualisme ne peut s’exprimer que par la reconnaissance de ma propre unicité d’abord, uploads/Philosophie/ notre-individualisme-et-autres-textes.pdf
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- Publié le Aoû 13, 2022
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