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Claud'e-Gilbert Dubois Z T 2 T r : le PremÌCT e" tolie: < <L e Bar°qUe S 0 U S K^d eur°Péen». Erasmo e le Lxtremadura, 1999, pp. 17-36; le dernier en France: «Le baroque· méthodes Attitudes et mouvements Lectures des Essais par Marcel Raymond et Jean Starobinski André Tournon I 178 Loin de Genève, beaucou p de lieux sont régis par des autorité s à compét ences jadis scolasti ques, mainten ant scolaire s. Entre les érudits riverain s du Léman on décèlera plus volontie rs des affinités intellect uelles, parmi lesquell es justeme nt la défianc e envers les écoles et leurs produits . Tentons ici d'en distingu er quelque s effets, venus à la rescous se d'un écrivain inclassable que des coteries idéologiques, hors Helvétie, ont un peu trop souvent pris pour gibier. Il s'agit de Montaigne. En France, il traversait au cours des années trente du siècle dernier une période critique, marquées par de vives controverses sur sa pensée religieuse. La question paraissait presque simple: fallait-il le reléguer dans l'enfer du doute, ou l'admettre au paradis après stage en purgatoire? Moins d'une centaine d'années plus tôt, l'abbé Bournisien serait tombé d'accord avec Bossuet et Malebranche en faveur de la première solution. Mais en cette ultime décennie de la Troisième République, leurs héritiers spirituels avaient changé de tactique: les ancêtres présumés de l'agnosticisme faisait l'objet de tentatives de conversion, posthumes et d'autant plus intrépides. Ainsi de Montaigne: les universitaires bien- pensants ne fulminaient plus contre lui, ils s'efforçaient plutôt de montrer qu'il n'avait jamais quitté le troupeau du Bon Pasteur, sinon pour quelques escapades verbales sans conséquences - des malentendus tout au plus, envenimés par de méchants positivistes en quête de patrons de mécréance. A quoi les tenants du Panthéon anticlérical répliquaient en termes non moins péremptoires. Mais de part et d'autre il était toujours question d'appartenance doctrinale, et l'on échangeait des citations prétendues décisives pour ou contre les catéchismes des uns et des autres. Une voix s'est singularisée dans le tintamarre: celle de Marcel Raymond dont un bref article, publié en 1935, portait un titre qui à lui seul changeait les données du problème: «Attitude religieuse de Montaigne»1. Rien de fracassant pourtant. Les premières pages rappellent avec un égal respect les recherches d'H. Busson et de H. Janssen, entre autres, avant de Œuvres et Critiques XXVII, 2 (2002) 180 André Tournon Attitudes et mouvements 181 problématiser leurs acquis en insistant sur le surprenant «tour d'escrime» de / 'Apologie de R. Sebond, qui vient, du côté de chez Janssen, au secours de la doctrine du théologien, mais en ruinant, du côté de chez Busson, l'anthropomorphisme et l'anthropocentrisme qui lui servaient de fondements2. Très tôt cependant apparaît la différence de perspective: Marcel Raymond s'interroge sur une «pensée à deux étages»3, et sur ses présupposés plus que sur les déclarations habituellement invoquées. Car il ne s'agit ni d'estimer factices les professions de foi et de soumission à l'Eglise, ni de les tenir pour péremptoires, mais plutôt de voir, en deçà, comment Montaigne se situe par rapport à ses propres convictions de chrétien, compte tenu du mode d'investigation qui régit son livre - le dessein de mettre à l'essai les pensées et comportements spontanés qu'il enregistre, pour leur donner forme et les assumer en toute lucidité. Dès lors, rien ne va plus de soi. Ainsi de l'humilité peut-être fidéiste qui inspire Y Apologie: elle a pour préalable la décision de considérer «l'homme seul, sans secours étranger, armé seulement de ses armes et dépourvu de la grâce et connaissance divine» - ce qui revient, écrit Marcel Raymond, à «poser le problème de l'homme en des termes qu'un chrétien jugerait à peu près inconcevables»4. Un modèle pourrait pallier la difficulté - celui d'un mysticisme d'abnégation, fervent de se retrouver sans mots ni savoir devant Dieu et totalement abandonné à Sa volonté. Marcel Raymond le récuse, et creuse encore l'écart: même si Montaigne à la fin de Y Apologie évoque «cette divine et miraculeuse métamorphose» qui pourrait transfigurer l'homme, il reste à distance, cantonné dans le monde bien terrestre qu'il reconnaît pour sien. «Non que la religion ait cessé d'être le vrai, mais par une étrange pretention Montaigne entend que l'homme se compose et se guide ici-bas sans son aide»5. Le terme de pretention touche à l'essentiel; car la gestion des représentations, la khrêsis phantasiôn que Montaigne emprunte à Epictète, comporte bien la possibilité d'un tel détachement réfléchi, et c'est grâce à cela que le sujet peut déterminer ou varier son attitude à l'égard des diverses composantes de sa pensée sans forcément discréditer les unes au bénéfice des autres; ce qui lui permet d'affirmer sans réserve les vérités de foi tout en réglant sa vie selon une éthique entièrement sécularisée, qui ne doit à la Révélation qu'une possibilité de dépassement à peine concevable et peut-être inaccessible. Tout se joue dans le décalage opéré par la réflexion, entre les assertions que profère le sujet et l'autorité qu'il leur accorde - affaire de conscience régulatrice, à l'œuvre dans un présent instable, non de dogmes reçus ou refusés une fois pour toutes. La théorie de ce dédoublement est à peine esquissée, en une évocation poétique de l'univers où se complaît Montaigne, ce monde fluide, où tout roule sans cesse, où les choses et les êtres s'écartent apparemment de toute loi, à la poursuite de leur propre ressemblance. Entre le monde de la croyance, peu à peu désaffecté, et le inonde du savoir, que Descartes n'est pas venu encore soumettre aux principes de la mathématique universelle, un artiste-musicien s'attarde à écouter en lui l'écho multiple d'une vie et de la vie de la nature6. ce qui était en germe dans ces pages, et déjà suffisait à frapper de péremption les débats d'école entre les Armaingaud et les Citoleux7, comme ceux de leurs émules obstinés à perpétuer la commune méprise, se profile discrètement dans l'étrange image des êtres «à la poursuite de leur propre ressemblance»; Marcel Raymond y fait entrevoir la phénoménologie sous-Jaccnte à l'essai réflexif. Mais ce n'était là qu'un indice, et comme une promesse. Jean Slurobinski, près de cinquante ans plus tard, en a développé les virtualités bien au-delà des perspectives initiales, dans son Montaigne en mouvement. Entre temps, Jean- Yves Pouilloux8 avait porté un coup décisif aux tentatives de remembrement des Essais en corps doctrinal par assemblage de sentences; mais il fallait procéder, en complément de cette critique, aux investigations sur les attitudes qui s'essayent par leur «mise en rolle». Dès la première section de son ouvrage, Jean Starobinski a défini cette visée, en notant la difficulté qui lui donne lieu: l'identité, la coïncidence avec soi, modèle ou mirage de la sagesse traditionnelle, est fragmentée par le travail de Vessai et devient problématique, quitte à prendre une consistance nouvelle dans la recherche qui à la fois en dévoile les failles et la dynamise en son progrès. Le mouvement dont je [= J. S.] tente ici la description n'est rien d'autre que l'effort qui, commençant par penser l'identité comme constance, stabilité, conformité à soi-même, reconnaît qu'il ne peut atteindre ce qu'il a d'abord visé, mais reste assez fidèle à l'appel de l'identité pour chercher à lui donner un autre contenu, une autre signification9. Cette phrase vaut d'abord pour les analyses consacrées aux pages reflexives des Essais, par exemple pour celle qui constate la démultiplication du scripteur en instances concurrentes à la fin du chapitre De l'oisiveté (I, 8), et pose la question cruciale, «Où l'unité peut-elle trouver refuge?», pour y répondre par une disjonction supplémentaire: D'une part, dans la permanence du premier sujet, témoin persévérant de l'échappée de son esprit [...]. D'autre part dans le rolle final - registre qui [...] doit recueillir la pluralité irréelle et discontinue des chimères et monstres fantasques^. Mais le champ de dissociations ainsi éclairé est bien plus vaste. Il s'étend au rapport de Montaigne avec son ami disparu, avec les valeurs qu'il incarnait, 182 André Tournon Attitudes et mouvements 183 avec la grande tradition de l'humanisme chrétien qui se profilait derrière lui: sans renier ce legs, l'écrivain assume la différence qui le définit «par sa distance et sa disparité, et il choisit comme thème de son discours cette différence même: il dira ce qui, tout ensemble, lui fait vénérer la figure exemplaire et l'oblige à s'en écarter»11. Ainsi, l'effet disjonctif de la réflexion s'exerce même sur le souvenir du regard fraternel qui avait conféré à Montaigne son identité (sa «vraie image») et, une fois éteint, requérait pour substitut imparfait le «déchiffrement» dont les Essais sont la trace12. De même, la volonté expresse d'arracher les masques, de démentir les apparences, se convertit en acceptation d'une condition humaine qui n'a «aucune communication avec l'être», ce qui conduit à «admettre que nous ne sortons jamais du paraître, que nous passons sans cesse d'une apparence à l'autre»13. Jean Starobinski suggère ici que ces options contrastées s'apparentent aux phases d'«une "dialectique" dont le troisième terme consiste] en un retour au premier terme, mieux compris»14 - mais il ne manque pas de placer le mot dialectique uploads/Philosophie/ oeuvres-et-critiques-xxvii-2-2002-ecole-de-geneve.pdf
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- Publié le Jan 08, 2022
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