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Pádraic LAMB Atelier d’écriture On ne naît pas femme, on le devient Cette phras

Pádraic LAMB Atelier d’écriture On ne naît pas femme, on le devient Cette phrase ciselée assurera la postérité de l’œuvre philosophique de Simone de Beauvoir, mais l’on pourrait à bon droit s’interroger sur le sens qu’elle peut avoir aujourd’hui. Y-a-t-il un plus grand insulte pour un auteur d’être reconnu pour quelques brides de phrases, alors que son œuvre languit dans l’indifférence générale ? Laissant de côté les arguments philosophiques que Beauvoir a su provoquer dans les cafés du boulevard St- Germain et au-delà, on préférerait ici se concentrer sur les fortunes pseudo-philosophiques d’une phrase souvent citée et le plus souvent arrachée à son contexte. Phrase-constat, qui n’a peut être encore une valeur proverbiale, tant qu’il subsiste un souvenir si flou soit-il de la personne qui l’a écrite. « Simone de Beauvoir » a une présence forte singulière dans l’imaginaire populaire : femme, voire une très belle femme, et cela malgré la liaison quelque peu curieuse et sans aucun doute perverse avec Sartre. Femme, et en plus, féministe, mais qui, toujours selon cet imaginaire populaire, demeure dans la très grande ombre du véritable homuncule, J. P Sartre. Mais même cette grande bête lourdaude qu’est l’imaginaire populaire arrive à séparer cette femme d’autres féministes plus modernes, dont l’activisme consiste à réclamer l’égalité devant la loi et le droit d’insister que l’homme tient la porte lui offre des belles fleurs et cœurs-chocolats le 14 février. Il est connu que les opinions de Beauvoir sur les fleurs et chocolats sont inconnues. Une féministe, une vraie, aux opinions sans doute raides, sévères, qui aurait rejeté le rôle de bien-aimée que Saint Valentin aurait ordonné pour les femmes, qui, l’on pourrait facilement l’imaginer, n’aurait qu’un froid mépris pour les femmes libérées et joyeuses, en mini-jupe et PDG. L’imaginaire se permet d’imaginer plein choses ; le discours aussi, ce dernier qui glisse les « sans doute » parmi les phrases au plus-que-parfait pour créer une réalité virtuelle où rien n’est vrai, mais rien n’est catégoriquement faux, non plus. Cette Beauvoir donc, une belle femme féministe, mais finalement froide, amère, morne... Mais sa phrase est géniale ! Elle voulait dire qu’on est tous libre, quoi… Conscient de cette phrase, du jeu d’oppression incarné dans la mini-jupe et Elle Maison, on est libre de… choisir de devenir femme selon les anciens modes, à quelques exceptions près (on a droit à travailler les 35 heures, de subir les excès de la machine capitaliste, etc.), de porter Pádraic LAMB Atelier d’écriture mini-jupe et de lire Elle car nous, nous ne sommes pas dupes, on a compris ce qu’ils nous font faire. En le faisant, car on l’aime bien, c’est nous qui affichons notre indépendance, notre posture ironique, notre vision théâtrale du monde. Oui, un rôle, un masque que l’on met. Mais oui : nous savons très bien que c’est de l’artifice, que notre désir de consommation et d’un mari est fabriqué, mais notre conscience de cela nous ôte la responsabilité d’agir contre, de vouloir changer. Horreur des horreurs : la philosophe des féministes a permis aux nouvelles féministes de ne pas penser, d’adopter une posture de connaissance, d’ironie par rapport à l’appareil patriarcal, une ironie qui cautionnerait la collaboration et la soumission. L’Empereur Auguste avait des propos, selon Corneille au moins, tout à fait dans la ligne de la pensée contemporaine de la phrase de Beauvoir. Il disait : « Je suis maître de moi comme de l'univers ;/ Je le suis, je veux l'être » (Cinna). Son Altesse assume son rôle d’acteur dans le monde, mais la différence par rapport à l’imposture à laquelle consent le « deuxième sexe », c’est que l’empereur finaud se donner le rôle principal, diva des divas, non moins que maître de l’univers. On devrait se demander si les femmes aujourd’hui, jouent-elles Auguste, ou Auguste joue-t-il d’elles ? uploads/Philosophie/ on-ne-nait-pas-femme.pdf