L’utopie L’utopie, , du monde clos à du monde clos à l’horizon infini de l’espé

L’utopie L’utopie, , du monde clos à du monde clos à l’horizon infini de l’espérance l’horizon infini de l’espérance S SOMMAIRE OMMAIRE Introduction. Penser l’utopie : enfermement dans un système clos ou ouverture à un horizon infini d’espérance ? (p. 4) I – LES TARES DES UTOPIES SOCIALES CLASSIQUES P. 8 1) Idéologie abstraite et système clos • Voyage au pays de Nulle-Part avec Thomas More et Campanella ; la perfection pensée comme clôture. 2) Le problème des conditions de réalisation • La question non résolue de la possibilité ; mise à distance de la réalité ; préservation de l’opposition entre utopie et réalité. 3) Les limites d’un système mécanique • Description de ce modèle ; entropie et énergie ; excès d’organisation et avènement de l’homme automate. II – ERNST BLOCH ET L’UTOPIE CONCRETE : OUVERTURE DU CHAMP DES POSSIBLES DANS LE PRINCIPE ESPERANCE P. 22 1) Une ontologie du « non-encore-être » (Noch-nicht-seins) 1 • Tendance et latence dans le monde ; les fonctions anticipatrices de l’être humain et la « conscience anticipante » 2) Une approche dialectique de la relation théorie-praxis : la docta spes • Définition ; la découverte de l’avenir dans les aspirations du passé ; le passé comme source vivante de l’action révolutionnaire. 3) Pour un « optimisme militant ». L’utopie comme force motrice de la révolution • Une espérance active dans le Novum de l’utopie ; remarques sur les conditions de la fonction militante au regard du sujet. III – LIMITES ET OBSTACLES A L’OPTIMISME MILITANT DE BLOCH P.38 1) Le désenchantement du monde ou l’espérance dominée par la crainte • Définition ; la crainte pour guide dans un monde désenchanté ; principe de l’espérance et principe de précaution. 2) L’espérance : précarité d’un concept • Une cause exogène : la conscience de l’instant ; les causes endogènes d’une espérance précaire ; retour à une conception cosmogonique du monde : le réseau et la globalisation. Conclusion. Pour un utopisme éclairé et concret. Apport de la fonction utopique au monde réel. Le refus de la sclérose et d’une société termitière. Faire le deuil de la perfection. Portée et pertinence de l’œuvre de Bloch. (p.47) Bibliographie p. 49 * 2 L’UTOPIE, DU MONDE CLOS A L’HORIZON INFINI DE L’ESPERANCE INTRODUCTION : L'utopie désigne traditionnellement un projet de société idéale et parfaite ; laquelle est tenue par ses auteurs pour chimérique ou, au contraire, contient le principe de progrès réels ou le ferment d’un avenir meilleur. « Utopie » est un mot inventé en 1516 par Thomas More. Il désigne à la fois le nom d’une île imaginaire et le titre du plus célèbre ouvrage de More : L’Utopie ou le traité de la meilleure forme de gouvernement. Le terme d’ « utopie » se construit sur une racine grecque : le préfixe ou (de sens privatif et noté à la latine, au moyen de la seule lettre u, prononcée comme ou) et topos (lieu) et signifiant donc « qui n'est en aucun lieu ». Il est aussi possible d'y voir un préfixe eu, « bon ». L’utopie est donc un non-lieu idéal. Mais l’utopie, c’est d’abord un ensemble d’oxymores. Puisque « utopie », selon Thomas More, désigne « nulle part », décrire une utopie revient à exposer un lieu qui n’est en aucun lieu, une présence absente, une réalité irréelle, une altérité sans identification. Autrement dit, une utopie n’a pas d’existence propre, matérielle et historique. A ce stade, elle n’est qu’une abstraction, qu’un exercice de l’esprit, une 3 construction de l’imagination. Elle revendique un prétendu Idéal qu’elle n’atteint jamais, soit qu’elle ne fournisse pas les conditions de passage à cet Idéal, soit qu’il y ait eu méprise sur la forme qu’il devait prendre. Ainsi conçue, l’utopie traduit l’expression absolue d’une société figée, immobile car parfaite, soumise aux lois de l’entropie qui la caractérise alors. De cette manière, l’utopie, sous la forme d’une description concrète et détaillée, offre le tableau représentant l’organisation idéale d’une société humaine. Les utopies correspondant à cette conception peuvent être qualifiées d’ « utopies sociales ». C’est par exemple le cas de la l’Utopie de Thomas More, de la Cité du Soleil de Campanella, ou du Voyage en Icarie de Cabet (pour ne citer qu’eux) dans lesquelles on s’attache à imaginer « la meilleure des Républiques ». De telles utopies sont celles d’un monde clos où la perfection se préserve de la réalité derrière une clôture à moins que ce ne soit derrière un mur comme dans Nous Autres d’Eugène Zamiatine (1920). De nombreux détracteurs ont reproché le caractère abstrait et spéculatif de ces utopies. Ne tenant jamais compte des faits réels, de la nature de l’Homme et des conditions de la vie, ces utopies empêchent leur propre réalisation et se refusent à penser les conditions matérielles concrètes susceptibles de les faire venir à l’existence sensible. L’utopie a donc vite fait de glisser vers une connotation péjorative très forte car si les utopies sont souvent alléchantes ou attrayantes, il est aussi de leur nature d’être irréalisables. Beaucoup de commentateurs considèrent d’ailleurs que cette ineffectivité demeure la seule constante propre aux utopies. Mais il existe un autre moyen de concevoir l’utopie. Des deux forces qui régissent le monde, il ne s’agit plus de penser l’utopie sous le régime de l’entropie et de l’ordre mais sous celui de l’énergie et de l’émancipation. De cette manière, l’utopie peut représenter l’aspiration de l’humanité au progrès, à un mouvement en avant qui permettrait la réalisation par l’homme de son essence véritable. L’utopie désigne alors une orientation qui transcende la réalité tout en rompant les liens avec l’ordre existant. Débarrassée de tout contenu, l’utopie n’a plus les moyens d’imposer son système comme modèle. Devenue cette orientation, en tant que trajectoire du désir, elle s’impose comme puissance motrice vers le changement. C’est une attitude qui correspond au désir de préparer le futur sur la base du présent. L’utopie devient un concept dynamique. Pour Ernst Bloch, elle sera « fonction dépassante de la réalité ». Tout au long de son œuvre, Bloch cherchera à traquer « le rêve de l’humanité vers l’en-avant » : rêve de l’espérance qui est la trame de toute praxis de transformation du monde. Il s’agit moins d’aboutir à la perfection de la société que de la reconquête de l’homme et 4 par l’homme du « royaume de la liberté ». L’utopie revêt donc une dimension révolutionnaire, elle se fait désir, voire exigence, d’un monde meilleur. Ces deux regards portés sur l’utopie sont soumis aux mêmes tensions : tension entre la frontière et l’horizon, la totalité et l’infinité, la limite et la transcendance, la fermeture et la liberté. Cette tension retravaille la pensée et l’imaginaire utopique. Quoiqu’il en soit, de quelque manière que l’on considère l’utopie, il n’en demeure pas moins un invariant : toute utopie se situe en dehors du temps et de l’espace présents. Mais toute utopie ne constitue pas nécessairement un déni de l’espace ou du temps historique. On ne peut réduire la relation que l’utopie entretient avec le monde réel à un simple état d’opposition. Il est probable que le conflit soit stérile dès lors que l’utopie se pense en-dehors du monde et que l’inadéquation de son modèle prétendument parfait s’avère criant face aux conditions matérielles réelles de ce monde. Le rapport de l’utopie au réel est alors envisagé sur le mode de l’altercation. En revanche, l’opposition peut être féconde si l’utopie est pensée, à partir de ces conditions. Non plus pensée en dehors du monde mais à partir du monde, l’utopie apparaît comme ouverture sur de nouveaux horizons possibles d’espérance. Le rapport de l’utopie au réel est désormais considéré sur le modèle de l’alternative. En résumé : le monde de l’équilibre et de la limite d’un côté ; le monde du mouvement et de l’horizon de l’autre. L’inertie anhistorique d’un système mécanique confrontée à la marche indéterminée de l’histoire et à la pulsion des évènements. La perfection envisagée comme monde clos face à l’ouverture du champ des possibles. L’utopie magnifie l’entropie mais cette entropie craint l’énergie qui cherche à détruire l’équilibre et l’heureuse tranquillité dans un mouvement perpétuel tendu vers l’avenir. Revaloriser l’utopie comme force motrice de la révolution suppose encore une fois de bien distinguer l’utopie-concrète (celle de Bloch essentiellement) des utopies sociales traditionnelles. Concrète parce que, paradoxalement, elle n’offre ni contenu, ni « recettes », elle n’est pas une Cité du Soleil à la Campanella, c'est-à-dire une définition dangereusement verrouillée d’une société future. Nous sommes dès lors en présence de deux types d’utopies bien distincts : les utopies « fermées » (c’est le cas des utopies sociales) dont l’hermétisme vise à préserver la société « idéale » de toute perturbation extérieure ou intérieure et les utopies « ouvertes » inscrites dans la perspective d’un changement ou de la révolution. Dans un cas l’utopie est confinement dans un système mécanique. Elle est enfermement du réel dans une idéologie censée la justifier. Ce type d’utopie fonctionne en circuit fermé. 5 Alors que face à elle, une utopie concrète conçue sur une ontologie uploads/Philosophie/ utopie-web 1 .pdf

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