L'exposé de la philosophie d'Aristote chez Diogène Laërce (V, 28-34) Author(s):

L'exposé de la philosophie d'Aristote chez Diogène Laërce (V, 28-34) Author(s): Paul Moraux Source: Revue philosophique de Louvain , 1949, Vol. 47 (1949), pp. 5-43 Published by: Peeters Publishers Stable URL: https://www.jstor.org/stable/26333201 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Peeters Publishers is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue philosophique de Louvain This content downloaded from 154.59.125.43 on Sat, 28 May 2022 23:49:37 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms L'exposé de la philosophie d'Aristote chez Diogène Laërce (V, 28-34) Dans la Vie d'Aristote de Diogène Laërce, c'est surtout la notice biographique qu'ont exploitée les modernes ; l'exposé doctrinal les a moins intéressés ; pour connaître la pensée du philosophe, ils dispo saient des propres traités de celui-ci et jugeaient ces témoins bien plus précieux que le médiocre résumé d'un obscur compilateur ! Pourtant, les quelques lignes dans lesquelles Diogène croit condenser la doctrine d'Aristote soulèvent bien des problèmes. Diogène n'a pas lu lui-même les ouvrages du Stagirite. Dieu sait par combien d'intermédiaires son information lui est parvenue ! S'il est difficile de mettre un nom sur les sources du compilateur, peut-être une critique sagace pourra-t-elle en déterminer l'époque, les tendances, la valeur. La question des sources revêt d'ailleurs ici un intérêt tout parti culier. Strabon et Plutarque rapportent une étrange histoire sur les traités aristotéliciens : la bibliothèque d'Aristote passa, par héritage, à Théophraste, puis à Nélée ; les successeurs de Nélée, gens igno rants, enfouirent ce legs dans une cave, à Skepsis, pour le dissimuler à l'ardeur bibliophile des Attales ; les précieux ouvrages n'en sor tirent, gâtés par les vers et l'humidité, que deux siècles plus tard, dans la première moitié du premier siècle avant J. C., et c'est vers le milieu du même siècle qu'ils commencèrent à circuler dans le monde savant (1). Le déclin du Lycée après Straton doit, selon nos deux auteurs, s'expliquer par là : ne possédant plus les ouvrages techniques d'Aristote, les péripatéticiens furent incapables de phi losopher sérieusement. En fait, il semble bien que le Lycée et les autres écoles n'aient, entre 250 et 50, connu, ou, du moins, utilisé (') Strab., XIII, 608; Plut., Sylla, 26. This content downloaded from 154.59.125.43 on Sat, 28 May 2022 23:49:37 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 6 Paul Moraux que les écrits exotériques d'Aristote, ceux que leur style et leur con tenu rendaient plus accessibles à un public moyennement cultivé, les dialogues. Même si l'on n'ajoute qu'une foi médiocre à l'histoire rapportée plus haut, il reste que cette histoire veut expliquer un fait, l'abandon quasi complet des ouvrages scolaires d'Aristote pendant deux siècles : les traités qui nous sont familiers n'entrent guère dans le monde philosophique qu'avec Andronikos, le père du commenta risme (milieu du premier siècle avant J. C.). A l'époque où vivait Diogène Laërce (on a de bonnes raisons de croire que c'était au troisième siècle après J. C.), ils étaient de longue date en circulation. Reste à savoir si l'information de Diogène se fonde sur des ouvrages « modernes », je veux dire postandroniciens, où les traités étaient largement utilisés, ou si, au contraire, elle remonte à une époque où l'on connaissait fort mal les traités scolaires. Dans la biographie d'Aristote, Diogène nous livre un document fort archaïque, la liste des ouvrages du philosophe ; il est manifeste que cette liste est antérieure aux travaux par lesquels Andronikos donna au corpus aristotelicum sa physionomie actuelle ; on est, aujourd'hui, bien d'accord sur ce point, encore que l'attribution à Hermippos, géné ralement admise, se heurte à de très grosses difficultés (2). L'adoption de cette liste préandronicienne à une époque où les πίνακες d'Andro nikos étaient aisément accessibles (3) semble indiquer que le com pilateur a voulu interroger les témoins les plus anciens de préférence aux autres. A-t-il obéi à la même tendance à propos de la notice sur la philosophie d'Aristote ? Nous tenterons de répondre à cette question au cours de la présente étude. Les commentateurs et, avant eux, les doxographes et autres auteurs de manuels ont imposé à la pensée d'un Platon ou d'un Aristote une systématisation à laquelle n'avaient probablement pas songé les philosophes eux-mêmes. Pour les besoins de la cause, ils ont élaboré des plans, des divisions et des subdivisions à n'en pas finir ; nous ne serons donc pas surpris de constater que l'exposé de Diogène prend souvent l'allure d'un schéma un peu simpliste et trop sec à notre goût ; au surplus, notre compilateur n'a pas dû comprendre grand'chose à ce qu'il transcrivait, si bien que nous <2) Nous les signalerons dans un ouvrage qui attend la publication, Les cata logues aristotéliciens. Recherches sur la diffusion des traités d'Aristote avant l'époque des premiers commentateurs. <■> Plut., I. I. This content downloaded from 154.59.125.43 on Sat, 28 May 2022 23:49:37 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms L'exposé de la philosophie d'Amtote chez Diogène Laërce 7 pouvons nous demander si certains non-sens proviennent de la négligence des copistes plutôt que de l'ignorance de l'auteur ! Bien que les articulations n'en soient pas toujours indiquées, la structure de l'exposé diogénien s'aperçoit aisément. Après un plan général de la philosophie d'Aristote (V, 28 δίττον είναι — φυσικάν και λογικόν) vient le résumé de la logique (28 ου το λογικόν — 29 τόν νοΰν), celui de l'éthique (30 τέλος — 31 άνάληψιν) et, finalement, celui de la physique (32 Iv τε τοις φυσικοΐς — 34 προσέθ-ηκε). Comme nous suivrons pas à pas le texte de Diogène au cours de notre étude, nous pourrons nous dispenser d'ennuyer à tout moment le lecteur par des références identiques w. I. La division de la philosophie aristotélicienne Au dire du compilateur, le κατά φιλοσοφίαν λίγος comprend, selon Aristote, deux parties, la partie pratique et la partie théoré tique. Nous nous attendrions plutôt à la division tripartite : poétique, pratique et théorétique, indiquée par Aristote lui-même ('1> et adoptée par quasi tous les commentateurs (6). Celle qu'adopte Diogène re monte cependant presque à la première génération des disciples d'Aristote, puisqu'on la trouve déjà en α de la Métaphysique (Pasiclès de Rhodes) ; on la retrouve aussi chez l'un des plus (4) N'ayant pu me procurer le texte de la Vie d'Aristote donné par Bywater (Άριοτοτέλους βίος ix των Λαέρτιου, Oxonii, 1879, mentionné par Gercke, dan» Hermes, 37, 1902, p. 402), je m'étais résigné à travailler sur celui de Cobet; j'en avais amendé, par conjecture, quelques passages qui me semblaient fautifs. La présente étude était entièrement rédigée quand la bonne fortune im'a fait ren contrer M. Von der Miihll, le savant professeur bâlois qui prépare une édition de Diogène ; avec une parfaite courtoisie, il m'a communiqué les leçons des ma nuscrits pour les passages qui m'avaient rebuté ; j'ai eu la joie de constater que certaines de mes corrections conjecturales se rapprochaient des leçons, négligées jusque ià, d'excellents manuscrits ; à propos d'autres passages, mes corrections ont rencontré celles de Davies, Bywater et Richards, bien que nous y ayons été amenés par des voies différentes. M. Von der Mühll voudra bien trouver ici l'assurance de ma vive gratitude. (5> ARIST., Metaph., Ε, 1, et K, 7, 1063 b 36 - 1064 b 6. Cfr aussi Top., Z, 6, 145 a 14-18;: θ, I, 157 a 10; Eth. Nie., A, 1. 1094 a 1-7; K, 8, 1178 b 20-21, etc. (ù) Cfr entre autres les célèbres Sietpfelt; des ouvrages aristotéliciens données pax AMMON., In cai., 3, 30 se. ; SiMPLIC., In cat., 4, 10 ss. ; OLYMP., In cat., 6, 9 es. ; Elias, In cat., 113, 17 «s. c> Arist., Metaph., et, 1, 993 b 20. This content downloaded from 154.59.125.43 on Sat, 28 May 2022 23:49:37 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 8 Paul Moraux ancien« doxographes, Aétius (8) (fin du premier siècle après J. C. — début du second (9)), et chez l'un des plus anciens commentateurs, Alexandre d'Aphrodise ,10! (fin du second siècle après J. C. (ll>) ; elle n'a donc, en soi, rien de contraire à la tradition péripatéticienne. La partie pratique se subdivise elle-même en éthique et en poli tique, la politique s'occupant à la fois des choses de la maison et de celles de la cité. Cette subdivision répond à peu près aux in dications d'Aristote lui-même (12). La partie théorétique comprend, toujours d'après Diogène, la physique ou philosophie de la nature et la logique. Or, Aristote ne réservait à la logique aucune place dans la théorétique <13) ; il la considérait plutôt comme une sorte de propédeutique indispensable à l'acquisition de toute espèce de savoir <U) ; fidèles à la pensée du Maître, les commentateurs n'ont vu dans la logique qu'un in strument (δργανον), uploads/Philosophie/ paul-moraux-l-x27-expose-de-la-philosophie-d-x27-aristote-chez-diogene-laerce-v-28-34 1 .pdf

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