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Retour à l'accueil - Atelier philosophique - Le don - Sentences, aphorismes et brèves remarques - Lectures - Cours et conférences - Visages de la pensée - Liens et contacts Retour au menu Textes & Articles Philosophia perennis et philosophie officielle Dans un article intitulé La philosophia perennis : un mythe vivace dans l'enseignement de la philosophie dans le secondaire, publié sur le site Questions de classes (http://www.questionsdeclasses.org/?La-philosophia-perennis- un-mythe), Mme Irène Pereira impute au « mythe » de la philosophia perennis un certain nombre de conséquences regrettables dans l'enseignement de la philosophie : la limitation de la liberté du professeur de philosophie, celui-ci étant incité à professer le rationalisme critique de Kant au détriment des autres philosophies et plus particulièrement des traditions relativistes et sceptiques, la « déshistoricisation » des problèmes philosophiques, le refus enfin d'aborder en classe les problèmes économiques et sociaux de la vie réelle. Les lignes qui suivent se proposent d'examiner l'argumentation mise au service de cette thèse. Significations de la philosophia perennis Mme Pereira définit tout d'abord la philosophia perennis comme la thèse « selon laquelle les grands philosophes ne se contrediraient qu'en apparence » et elle fait remonter cette « croyance » à l'Antiquité. Imprécise, cette datation ne laisse pas de surprendre. Il y a quelque paradoxe à faire remonter à l'époque de la naissance de la philosophie une thèse qui porte sur l'histoire de la philosophie. Ce n'est certes pas à Platon qu'on peut attribuer la doctrine selon laquelle les 57 auteurs du programme ne se contrediraient qu'en apparence … Pas davantage Platon n'a soutenu cette thèse à propos d'Héraclite et de Parménide, non plus qu'Épicure n'a cru que Démocrite et Platon exposaient dans des langages différents la même vérité éternelle. En vérité la notion de philosophia perennis trouve son origine dans le De perenni philosophia d'Augustinus Steuchus, dit Eugubinus, ouvrage publié en 1540 et que Leibniz évoque dans une lettre à Nicolas Rémond du 26 août 1714. Cette thèse a, selon Mme Pereira, « des accents religieux et mystiques ». Elle avait sans doute une dimension religieuse, sinon mystique, dans l'ouvrage d'Augustinus Steuchus, dédié au pape Paul III, puisque cet auteur se proposait d'y concilier la foi catholique et la pensée antique, mais Leibniz « laïcise » cette conception en lui faisant signifier qu'il y a dans les philosophies les plus anciennes des vérités rendues méconnaissables par les conditions de leurs formulations et qu'il faut extraire comme « on tirerait l'or de la boue » (1). C'est manifestement en un sens voisin que les professeurs de philosophie qui y adhèrent l'entendent aujourd'hui : ils ne se préoccupent pas « d’accommoder les Anciens au christianisme »(2), ils n'enseignent pas que les philosophes ne se contredisent jamais, mais s'ils lisent les œuvres du passé et les font lire à leurs élèves, c'est parce qu'ils ont la conviction qu'elles ne nous sont pas totalement étrangères, qu'elles ne sont pas définitivement mortes pour nous en dépit des siècles qui nous en séparent et que cette lecture peut au contraire nous aider dans notre recherche présente du vrai. Philosophia perennis et philosophie officielle http://philo.pourtous.free.fr/Articles/A.Perrin/philosophieperennis.htm 1 sur 7 22/01/2014 09:53 Philosophia perennis et liberté philosophique du professeur Selon Mme Pereira la croyance en la philosophia perennis aurait des conséquences dommageables sur l'enseignement de la philosophie : « La première suppose de constituer une tradition des philosophes qui seraient porteurs de cette philosophia perennis. Néanmoins, cette exigence semble entrer en contradiction avec la liberté philosophique du professeur revendiquée par ailleurs et qui lui permet de choisir des textes relevant d’autres disciplines que la philosophie pour nourrir son enseignement. Néanmoins, il existe une liste de cinquante-sept auteurs parmi lesquels doit être impérativement choisi l’ouvrage de lecture suivie et les textes pour le baccalauréat. Il faut cependant bien reconnaître qu’il s’agit d’une liste ouverte aux différentes traditions philosophiques : sceptiques, matérialistes, empiristes, idéalistes, rationalistes... » Il y aurait ainsi une contradiction entre la liberté philosophique qui est reconnue aux professeurs de philosophie et l'existence dans le programme des classes terminales d'une liste de 57 auteurs dont l'usage aurait un caractère impératif qui viendrait entraver cette liberté. Cette contradiction est inexistante. En effet la liste des auteurs du programme n'est, relativement à l'enseignement dispensé par le professeur, ni prescriptive, ni limitative : celui-ci n'a l'obligation d'enseigner ni tous les auteurs de cette liste, ni aucun d'entre eux en particulier et il lui est en revanche loisible d'avoir recours à tous ceux qui, absents de la liste, lui paraissent correspondre aux besoins de son enseignement. C'est ce que le texte du programme précise de façon parfaitement explicite : « Bien entendu, le professeur peut aussi utiliser pour les besoins de son enseignement des extraits d'écrits dont les auteurs ne figurent pas sur cette liste »(3). Il peut expliquer non seulement des textes de philosophes comme Duns Scot, Politzer, Deleuze, Althusser, Rawls, Patocka, qui ne figurent pas sur la liste, mais encore des textes de sociologues, de juristes, de physiciens, de poètes, de théologiens, dès lors qu'ils peuvent lui permettre de poser et d'examiner des problèmes philosophiques. La liste des auteurs a une double fonction. D'une part, le texte proposé dans le troisième des sujets de baccalauréat, le « sujet-texte », doit être extrait de l'une des œuvres de l'un de ces 57 auteurs. Cela n'entrave en rien la liberté du professeur puisque pour préparer ses élèves à l'épreuve d'explication de texte du baccalauréat, il n'a ni le pouvoir, ni le devoir d'étudier en classe ces 57 auteurs de la doctrine desquels la connaissance n'est pas requise pour réussir cette épreuve (4). D'autre part l’œuvre (les deux œuvres en terminale littéraire) qui fait l'objet d'un commentaire suivi doit être obligatoirement choisie parmi celles d'un auteur de la liste. La limitation ici apportée à la liberté du professeur est infime et n'a pas le moindre caractère idéologique puisque, comme Mme Pereira le remarque elle-même, la liste est « ouverte aux différentes traditions philosophiques : sceptiques, matérialistes, empiristes, idéalistes, rationalistes... ». Le rationalisme des professeurs de philosophie Cependant il y aurait, selon Mme Pereira, trois « limites » qui « encadrent son enseignement » : le rationalisme qu'il doit professer, le dogmatisme et le relativisme (ou scepticisme) dont il doit au contraire « préserver » les élèves. Or, observe-t-elle, une philosophie rationaliste qui rejette à la fois le scepticisme et le dogmatisme, ce ne peut être que le criticisme kantien qui est la philosophie de « la Philosophia perennis et philosophie officielle http://philo.pourtous.free.fr/Articles/A.Perrin/philosophieperennis.htm 2 sur 7 22/01/2014 09:53 Troisième République naissante » et qui fonde toujours les valeurs transmises par la « religion républicaine ». Pour établir qu'une philosophie rationaliste s'impose au professeur, Mme Pereira cite un passage d'un rapport rendu en 2008 au ministre de l'éducation nationale par l'inspection générale de philosophie : « Certes, on peut sans doute affirmer que globalement, l’enseignement de la philosophie est rationaliste. On peut nuancer tant qu’on voudra en ce qui concerne la position doctrinale, mais, si l’on considère la méthode, il ne fait guère de doute que notre enseignement pratique le rationalisme » (5). Et elle en tire la conséquence suivante : « Exit : Nietzsche, Bergson.... : ils font certes partie de la liste des auteurs au programme, mais il ne faudrait quand même pas que les élèves deviennent des contempteurs de la raison ». Il y a là une double confusion. D'une part les deux phrases citées ne sont pas tirées du programme, qui a une valeur prescriptive (il énonce ce que les professeurs doivent enseigner), mais d'un rapport qui a un caractère descriptif (c'est un état des lieux dans lequel l'inspection générale rend compte au ministre de la manière dont la philosophie est effectivement enseignée). D'autre part le rationalisme dont le rapport indique qu'il correspond à la pratique ordinaire des professeurs de philosophie n'est pas celui d'une doctrine particulière qui pourrait être considérée comme une philosophie officielle : ce n'est pas plus le rationalisme de Kant que celui de Descartes ou de Hegel. Il suffit pour s'en assurer de replacer les phrases citées dans leur contexte et de regarder ce qui les précède et ce qui leur succède. Un peu avant on peut lire ceci : « Il n'y a pas de « philosophie officielle ». Même si quelques professeurs, jaloux de leur liberté, sont prompts à soupçonner la menace, jamais en France ce danger n'a été aussi peu présent, et depuis longtemps » (6). Et immédiatement après le passage cité, qui s'achève par deux points annonçant l'explication de ce qui précède, sont indiqués les caractères du rationalisme pratiqué par les professeurs de philosophie : « valent constamment l'examen critique et réfléchi, l'analyse et l'argumentation raisonnées, la discussion, comme toutes les valeurs intellectuelles qui relèvent de la rigueur »(7). Davantage encore, après avoir signalé qu'autrefois ce rationalisme prenait une forme relativement située, héritière du cartésianisme et des maîtres de la fin du XIXème tel Lagneau, le rapport indique qu'il n'en va plus de même aujourd'hui : « À l'heure actuelle le rationalisme des professeurs de philosophie uploads/Philosophie/ philosophia-perennis-et-philosophie-officielle-pdf 1 .pdf
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- Publié le Jan 12, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
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