Pierre Hadot . Qu'est-ce que la philosophie antique? ffuOessais 1 N E D I T Pie
Pierre Hadot . Qu'est-ce que la philosophie antique? ffuOessais 1 N E D I T Pierre Hadot Qu~ est-~e que la philosophie antIque. Qu'est-ce que la philosophie antique? À cette question, la tradition universitaire répond par une . histoire des doctrines et des systèmes - réponse d'ailleurs très tôt induite par la volonté du christianisme de s'arroger la sagesse comme l'ascèse. À cette question, Pierre Hadot apporte une réponse tout à fait nouvelle·: depuis Socrate et Platon, peut-être même depuis les présocratiques, jusqu'au début du christianisme, la philo- sophie procède toujours d'un choix initial pour un mode de vie, d'une vision globale de l'univers, d'une décision volontaire de vivre le monde avec d'autres, en communauté ou en école. De cette conversion de l'individu découle le discours philoso- phique qui dira l'option d'existence comme la représentation du monde. La philosophie antique n'est donc pas un système, elle est un exercice préparatoire à la sagesse, elle est un exercice spirituel. Olga Deineko, Composition suprématiste. Musée régional d'Art, Toula. Droits réservés . 1 m 1 9 782070 327607 tfu essais ISBN 2-07-032760-4 A32760 0~ catégo,ie J COLLECTION FOLIO/ESSAIS Pierre Hadot Ou' est -ce que la philosophie antique? Gallimard © Éditions Gallimard, 1995. Pierre Hadot est depuis 1991 professeur honoraire au Col- lège de France. Ses recherches se sont concentrées tout d'abord sur les rapports entre hellénisme et christianisme, puis sur la mystique néoplatonicienne et la philosophie d'épo- que hellénistique. Elles se sont maintenant orientées vers une description générale du phénomène spirituel que représente la philosophie. A la mémoire d'A.-J. Voelke Le temps viendra où l'on préférera pour se perfectionner en morale et en raison, recourir aux Mémorables de Xénophon, plutôt qu'à la Bible et où l'on se servira de Montaigne et d'Horace comme de guides sur la voie qui mène à la compréhension du sage et du médiateur le plus simple et le plus impéris- sable de tous, Socrate. Nietzsche 1 Les anciens philosophes grecs, comme Épi- cure, Zénon, Socrate, etc., sont restés plus fidèles à la véritable Idée du philosophe que cela ne s'est fait dans les temps modernes. Quand vas-tu enfin commencer à vivre ver- tueusement, disait Platon à un vieillard qui lui racontait qu'il écoutait des leçons sur la vertu. - TI ne s'agit pas de spéculer toujours, mais il faut aussi une bonne fois penser à l'application. Mais aujourd'hui on prend pour 1. Voir les références, p.425. 12 un rêveur, celui qui vit d'une manière conforme à ce qu'il enseigne. Kant C'est le désir qui engendre la pensée. Plotin Quelle place le philosophe tiendra-t-il dans la cité? Ce sera celle d'un sculpteur d'homme. Simplicius Les résultats de toutes les écoles et de toutes leurs expériences nous reviennent en légitime propriété. Nous ne nous ferons pas scrupule d'adopter une recette stoïcienne, sous prétexte que nous avons auparavant tiré profit de recettes épicuriennes. Nietzsche n est plus important de vouloir faire le bien que de connaître la vérité. Pétrarque Je pense qu'il n'y a personne qui ait rendu plus mauvais service au genre humain que ceux qui ont appris la philosophie comme un métier mercenaire. Sénèque On ne s'imagine Platon et Aristote qu'avec de grandes robes de pédants. C'étaient des gens honnêtes et, comme les autres, riant avec leurs amis; et, quand ils se sont divertis à faire leurs Lois et leur Politique, ils l'ont fait 13 en se jouant; c'était la partie la moins philo- sophe et la moins sérieuse de leur vie, la plus philosophe était de vivre simplement et tran- quillement. Pascal Si les théories philosophiques te séduisent, assieds-toi et retourne-les en toi-même. Mais ne t'appelle jamais philosophe et ne souffre pas qu'un autre te donne ce nom. Épictète TI y a de nos jours des professeurs de philo- sophie, mais pas de philosophes. Thoreau Sans la vertu, Dieu n'est qu'un mot. Plotin Je n'ay rien fait d'aujourd'huy. - Quoy? avez vous pas vescu? C'est non seulement la fondamentale mais la plus illustre de vos occupations. Montaigne Le lecteur trouvera à la fin de l'ouvrage: 1) une bibliographie se rapportant aux références aux auteurs antiques qui ont été données dans les notes, 2) un choix volontairement restreint d'études pouvant compléter, sur certains aspects de la philosophie antique, les indications bibliographiques qui ont été données dans les notes, 3) une chronologie permettant de situer les uns par rapport aux autres les philosophes antiques cités dans ce livre. AVANT-PROPOS On réfléchit assez rarement sur ce qu'est en elle- même la philosophie '. li est effectivement extrême- ment difficile de la définir. Aux étudiants en philo- sophie, on fait surtout connaître des philosophies. Le programme d'agrégation leur propose régulièrement, par exemple, Platon, Aristote, Épicure, les Stoïciens, Plotin, et, après les «ténèbres» du Moyen Âge, trop souvent ignorées des programmes officiels, Descartes, Malebranche, Spinoza, Leibniz, Kant, Hegel, Fichte, Schelling, Bergson et quelques contemporains. Pour l'examen, il faudra rédiger une dissertation qui mon- trera que l'on connaît bien les problèmes que posent les théories de tel ou tel auteur. Une autre dissertation témoignera de la capacité que l'on a de réfléchir sur un 1. Signalons l'ouvrage de G. Deleuze et F. Guattari, Qu'est-ce que la philosophie?, Paris, 1991, qui est très éloigné dans son esprit et sa méthode du présent ouvrage, et le petit livre d'A. Philonenko, Qu'est-ce que la philosophie? Kant et Fichte, Paris, 1991, qui, d'une manière très intéressante, pose à propos de lettres de Fichte et de Kant le problème de l'essence de la philosophie. On trouvera dans l'Historisches Worterbuch der Philosophie, t. 7 (P-Q), Bâle, 1989, col. 572-927, un remar- quable ensemble d'études sur la définition de la philosophie depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. 16 Avant-propos problème qualifié de «philosophique », parce qu'il a été en général traité par les philosophes anciens ou contemporains. En soi, il n'y a rien à redire à cela. C'est bien, semble-t-il, en étudiant les philosophies que l'on peut avoir une idée de la philosophie. Pourtant l'histoire de la « philosophie » ne se confond pas avec l'histoire des philosophies, si l'on entend par «philo- sophies» les discours théoriques et les systèmes des philosophes. À côté de cette histoire, il y a place en effet pour une étude des comportements et de la vie philosophiques. Le présent ouvrage voudrait précisément essayer de décrire dans ses traits généraux et communs le phéno- mène historique et spirituel que représente la philo- sophie antique. Le lecteur me dira : pourquoi se limi- ter à la philosophie antique, qui est si loin de nous? J'aurais plusieurs réponses à lui faire. Tout d'abord, c'est un domaine dans lequel j'espère avoir acquis une certaine compétence. En second lieu, comme le disait Aristote, pour comprendre les choses, il faut les voir en train de se développer 1, il faut les prendre à leur naissance. Si nous parlons maintenant de «philoso- phie », c'est parce que les Grecs ont inventé le mot phi- losophia, qui veut dire« amour de la sagesse », et c'est parce que la tradition de la philosophia grecque s'est transmise au Moyen Âge, puis aux Temps Modernes. TI s'agit donc de ressaisir le phénomène à son origine en prenant bien conscience du fait que la philosophie est un phénomène historique qui a commencé dans le temps et a évolué jusqu'à nos jours. 1. Aristote, Politique, l, 2, 1252 a 24. Avant-propos 17 J'ai l'intention de montrer dans mon livre la dif- férence profonde qui existe entre la représentation que les Anciens se faisaient de la philosophia et la repré- sentation que l'on se fait de nos jours, habituellement, de la philosophie, tout au moins dans l'image qui en est donnée aux étudiants à cause des nécessités de l'enseignement universitaire. lis ont l'impression que tous les philosophes qu'ils étudient se sont tour à tour évertués à inventer, chacun d'une manière originale, une nouvelle construction systématique et abstraite, destinée à expliquer, d'une manière ou d'une autre, l'univers, ou tout au moins, s'il s'agit de philosophes contemporains, qu'ils ont cherché à élaborer un dis- cours nouveau sur le langage. De ces théories que l'on pourrait appeler de « philosophie générale}), découlent, dans presque tous les systèmes, des doc- trines ou des critiques de la morale qui tirent en quel- que sorte les conséquences, pour l'homme et pour la société, des principes généraux du système et invitent ainsi à faire un certain choix de vie, à adopter une cer- taine manière de se comporter. Le problème de savoir si ce choix de vie sera effectif est tout à fait secondaire et accessoire. Cela n'entre pas dans la perspective du discours philosophique. Je pense qu'une telle représentation est une erreur si on l'applique à la philosophie de l'Antiquité. Evidem- ment, il ne s'agit pas de nier l'extraordinaire capacité des philosophes antiques à développer une réflexion théorique sur les problèmes les plus subtils de la théo- rie de la connaissance ou de la logique ou de la phy- sique. Mais cette activité théorique doit être située dans une perspective différente de celle qui corres- pond à la représentation courante que l'on se fait de uploads/Philosophie/ pierre-hadot-qu-x27-est-ce-que-la-philosophie-antiqu-pdf 1 .pdf
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- Publié le Jan 29, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
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