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HAL Id: hal-01082189 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01082189 Submitted on 12 Nov 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Pierre Samuel et Jules Vuillemin : mathématiques et philosophie Sébastien Maronne To cite this version: Sébastien Maronne. Pierre Samuel et Jules Vuillemin : mathématiques et philosophie. Thierry Lam- bre. Des mathématiques en Auvergne: histoire, progrès, interactions, t. 1, Revue d’Auvergne, pp.151- 173, 2014. ￿hal-01082189￿ Sébastien Maronne (IMT & SPHERE), Pierre Samuel et Jules Vuillemin : mathématiques et philosophie 1 Pierre Samuel et Jules Vuillemin : mathématiques et philosophie∗ Sébastien MARONNE (IMT & SPHERE)‡ Résumé : Je me propose dans cet article de présenter une modalité actuelle possible de relation entre mathématiques et philosophie. Pour ce faire, je considérerai un projet relativement récent de philosophie des mathématiques en prenant pour objet d’étude les contributions et réflexions de Pierre Samuel et Jules Vuillemin portant sur un concept général de structure dans la ligne de Nicolas Bourbaki, et en examinant plus précisément la notion de problème universel. Abstract : In this article I aim to present an actual modality of relationship between mathematics and philosophy. To this purpose, I will consider a relatively recent project in philosophy of mathematics by taking as a case study Pierre Samuel’s and Jules Vuillemin’s reflections and contributions dealing with a general concept of structure in line with Nicolas Bourbaki, and by examining more specifically the notion of universal problem. 1. Introduction Mathématiques et philosophie Il en va des rapports entre mathématiques et philosophie comme des classiques, fussent-il cités et bien connus, ils ne laissent pas d’être rares et réfèrent au naguère de la philosophie des mathématiques (Cavaillès, Lautman) voire au jadis des grandes œuvres philosophiques (Kant, Descartes, Platon). Cette rareté prend sa source dans un fait qui va, somme toute, de soi : le développement propre à chaque discipline est en effet produit par des problèmes de facto distincts (qu’est-ce que pourrait signifier qu’un problème soit à la fois mathématique et philosophique ?) qui possèdent leurs spécificités techniques – en particulier dans le cas des mathématiques –. Pour autant, les concepts mobilisés pour résoudre des problèmes mathématiques et philosophiques distincts peuvent parfois apparaître, à l’image des astres, en conjonction pour l’observateur. Selon ce point de vue, la philosophie des mathématiques se définit (ou pourrait se définir1) comme ces quelques conjonctions remarquables entre mathématiques et philosophie et l’activité d’un philosophe des mathématiques consisterait ainsi à reconnaître puis à analyser, en passant le cas échéant par l’histoire, les méthodes et concepts à la source de ces rencontres. Cette définition, donnée par Sébastien Gandon dans son récent article « Quelle philosophie pour quelle mathématique ? » [Gandon, 2013], l’amène à s’interroger sur la possibilité d’une philosophie des mathématiques contemporaine : ∗ Paru dans Thierry Lambre (éd.), Des mathématiques en Auvergne: histoire, progrès, interactions, t. 1, Clermont-Ferrand, Revue d’Auvergne, p. 151-173, 2014. ‡ Institut de Mathématiques de Toulouse, Equipe Emile Picard, 118 route de Narbonne, 31062 Toulouse cedex 9. E-mail : smaronne@math.univ-toulouse.fr 1 En effet, le fait est que la philosophie des mathématiques peut aussi s’affranchir, dans une certaine mesure, et de la philosophie et des mathématiques, en développant une tradition autonome liée à la postérité de certains problèmes peu à peu déconnectés des disciplines qui leur ont donné naissance, autonomisation que d’aucuns ont pu critiquer. C’est ce que nous enseigne l’histoire de la philosophie des mathématiques, point sur lequel a insisté David Rabouin. Cf. par exemple le texte d’introduction du Corpus de philosophie des mathématiques 1499-1701 qu’il a édité : http://www.sphere.univ-paris- diderot.fr/spip.php?article1062. Sébastien Maronne (IMT & SPHERE), Pierre Samuel et Jules Vuillemin : mathématiques et philosophie 2 « Au sens où je l’entends, une philosophie des mathématiques est donc la conjonction de deux exigences qui n’ont a priori rien à voir : que les concepts mobilisés fassent sens d’un strict point de vue philosophique et qu’ils fassent également sens d’un strict point de vue mathématique. Qu’une telle conjonction puisse avoir lieu ne va donc absolument pas de soi. Les deux contextes d’évaluation sont en effet à la fois très contraints et très hétérogènes. Comment la philosophie et les mathématiques, qui ont leur propre histoire, leur propre exigence et leur propre rigidité pourraient-elles donner lieu à un discours qui « morde » à la fois sur les deux domaines ? Il y a eu, par le passé – les œuvres de Kant et Russell en témoignent –, des philosophies des mathématiques. Il y a eu des moments où les trajectoires des deux disciplines étaient suffisamment proches pour que se cristallise la possibilité d’un discours réellement commun – d’un discours qui ne soit pas la simple projection sur l’autre domaine de ses propres catégories. La question que j’aimerais aborder pour finir est celle de savoir si l’époque actuelle fait partie de ces moments rares de l’histoire de la rationalité. » [Gandon 2013, p. 209-210] Je me propose ici de présenter une modalité actuelle possible des rapports entre mathématiques et philosophie. Pour ce faire, je considérerai un projet relativement récent de philosophie des mathématiques en prenant pour objet d’étude les contributions et réflexions de Pierre Samuel et Jules Vuillemin portant sur un concept général de structure dans la ligne de Nicolas Bourbaki, en examinant plus précisément la notion de problème universel. Bien que ce projet ait en un certain sens échoué, comme je l’expliquerai par la suite, il n’en demeure pas moins exemplaire dans l’histoire récente de la philosophie des mathématiques. Samuel et Vuillemin Un postulat fondamental de la philosophie de Vuillemin consiste à poser une relation intime entre mathématiques et philosophie, qui se révèle en particulier être une relation de cause à effet entre les renouvellements des méthodes de l’une et de l’autre2. Vuillemin écrit ainsi dans son introduction à la Philosophie de l’algèbre (1962) : « Or il existe un rapport plus intime quoique moins apparent et plus incertain entre les Mathématiques pures et la Philosophie théorique. L’histoire des Mathématiques et de la Philosophie montre qu’un renouvellement des méthodes de celles-là a, chaque fois, des répercussions sur celles-ci. L’occasion du platonisme a été fournie par la découverte des irrationnelles. […] Il est également connu que la méthode métaphysique de Descartes emprunte sans discontinuer à l’invention mathématique de la Géométrie Algébrique. […] Je me propose donc un double but : 1) j’examinerai comment une connaissance pure est possible eu égard à notre faculté de penser. 2) J’utiliserai les analogies de la connaissance mathématique pour critiquer, réformer et définir, autant qu’il se pourra la méthode propre à la Philosophie théorique. » [Vuillemin, 1962, p. 4-5] Pour autant, le problème qui se pose d’emblée au philosophe visant à prendre pour objet de sa réflexion les mathématiques est bien la question de la pratique (et, symétriquement, au mathématicien désireux d’élaborer en propre une philosophie des mathématiques), « […] car jamais, par exemple, nous ne deviendrons mathématiciens, même en connaissant par cœur toutes les démonstrations des autres, si notre esprit n’est pas en même temps capable de 2 Pour les rapports entre (histoire des) mathématiques et (histoire de la) philosophie chez Vuillemin, cf. [Schwartz, 2005] et [Rashed et Pellegrin, 2005]. Sébastien Maronne (IMT & SPHERE), Pierre Samuel et Jules Vuillemin : mathématiques et philosophie 3 résoudre n’importe quel problème ; et nous ne deviendrons jamais philosophes, si nous avons lu tous les raisonnements de Platon et d’Aristote, et que nous sommes incapables de porter un jugement assuré sur les sujets qu’on nous propose ; dans ce cas, en effet, ce ne sont point des sciences que nous aurions apprises, semble-t-il, mais de l’histoire. » [Descartes, 2002, AT X, 367] Devant la technicité croissante des mathématiques qui les dérobe chaque jour davantage au philosophe, en particulier quant à ce qui regarde une pratique concrète de résolution de problèmes, la relation entre Pierre Samuel et Jules Vuillemin nous donne à voir une collaboration effective entre un mathématicien et un philosophe portant sur des développements contemporains de la recherche, à savoir ceux de l’algèbre moderne. Samuel et Vuillemin, qui furent tous les deux professeurs à l’université de Clermont- Ferrand à la fin des années cinquante3, paraissent en effet avoir discuté et travaillé, au jour le jour, comme en témoignent, entre autres, les deux dédicaces adressées par Jules Vuillemin à Pierre Samuel dans ses deux ouvrages classiques de philosophie des mathématiques, Mathématiques et métaphysique chez Descartes (1960) et La philosophie de l’algèbre (1962).4 Pierre Samuel (1921-2009) Jules Vuillemin (1920-2001) - © Archives Jules Vuillemin5 À la recherche de la (plus grande) généralité Une modalité possible des rapports entre mathématiques et philosophie concerne les valeurs épistémiques que les mathématiciens et les philosophes attribuent à des échantillons de la pratique mathématique. Je considérerai uploads/Philosophie/ pierre-samuel-et-jules-vuillemin-mathematiques-et-philosophie-sebastien-maronne.pdf

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