Le m´ etier de th´ eologien selon Olivi. Philosophie, th´ eologie, ex´ eg` ese
Le m´ etier de th´ eologien selon Olivi. Philosophie, th´ eologie, ex´ eg` ese et pauvret´ e Sylvain Piron To cite this version: Sylvain Piron. Le m´ etier de th´ eologien selon Olivi. Philosophie, th´ eologie, ex´ eg` ese et pau- vret´ e. Catherine K¨ onig-Pralong, Olivier Ribordy, Tiziana Suarez-Nani. Pierre de Jean Olivi. Philosophe et th´ eologien, De Gruyter, pp.17-85, 2010, Scrinium Friburgense. <halshs- 00530925> HAL Id: halshs-00530925 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00530925 Submitted on 31 Oct 2010 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. 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Deux monographies consacrées à Olivi, les premières depuis les travaux de Franz Ehrle parus en 1886, avaient été publiées en Italie au cours des années 1950 ; Raoul Manselli traitait de son commentaire de l’Apocalypse et Effrem Bettoni, de ses doctrines philosophiques2. À lire ces deux ouvrages en regard l’un de l’autre, on est fondé à se demander s’ils parlent bien du même auteur, tant ces deux aspects de son œuvre y sont présentés de façon hermétiquement cloisonnée. Il existe pourtant une articulation précise entre les deux facettes de son travail que David Burr a su mettre en lumière : la critique d’Aristote développée par Olivi et son attitude face à la philosophie sont étroitement liées à ses attentes apocalyptiques. Les [18] précurseurs de la secte de l’Antéchrist se reconnaissent à leur trop grand attachement aux choses de ce monde. Cela se traduit, dans leurs actes, par un rejet et un mépris de la pauvreté évangélique et dans leur pensée, par un aveuglement et un asservissement à la philosophie païenne d’Aristote. Cette séduction est d’autant plus dangereuse qu’elle s’exerce sur les 1 Burr, David, The Apocalyptic Element in Olivi’s Critique of Aristotle, dans Church History 40 (1971), pp. 15- 29 et Petrus Ioannis Olivi and the Philosophers, dans Franciscan Studies 31 (1971), pp. 41-71. Je reprends ici, en les développant, des éléments initialement présentés dans The Formation of Olivi’s Intellectual Project. “Petrus Ioannis Olivi and the Philosophers” Thirty Years Later, dans Oliviana. Mouvements et dissidences spirituels, XIIIe-XIVe siècles [en ligne], 1 (2003). URL : http://oliviana.revues.org/index8.html 2 Bettoni, Effrem, Le dottrine filosofiche di Pier di Giovanni Olivi. Saggio, Milano, 1959 ; Manselli, Raoul, La Lectura super Apocalipsim di Pietro di Giovanni Olivi. Ricerche sull’escatologismo medioevale, Roma (Studi storici, 19-21), Istituto storico italiano per il Medio evo, 1955. élites intellectuelles et religieuses de la chrétienté3. La préparation aux combats à venir, attendus pour le premier quart du XIVe siècle, avant l’avènement d’un âge de paix spirituelle, réclamait donc une vigilance philosophique aigüe. La leçon doit être retenue : Olivi est une figure complexe qui a un pied dans la scolastique universitaire, un autre dans l’interprétation joachimite de l’histoire, et dont la personnalité est structurée par son identité franciscaine. Pour le comprendre, il importe donc de le lire en tenant compte de la globalité de son projet. Il n’y a pourtant pas lieu de ramener systématiquement chaque partie de son travail à cette perspective d’ensemble. Ses interventions dans des domaines très différents sont souvent marquantes et s’inscrivent fréquemment à contre-courant des positions dominantes, mais à chaque fois, elles s’énoncent en respectant les règles internes d’argumentation de chaque espace de discours savant (puisqu’il serait exagéré de parler ici de « disciplines »). Sa théorie de la connaissance, sa morale économique ou son exégèse biblique, pour ne citer que trois exemples, présentent toutes des originalités flagrantes mais s’expriment dans des expositions relativement conformes aux canons universitaires des genres concernés. Il est donc tout à la fois possible de lire chacune de ses interventions spécialisées dans l’horizon des débats contemporains et de procéder à une lecture transversale visant à faire apparaître l’articulation de ses différentes prises de position en fonction de ses visées ultimes. Un niveau d’analyse intermédiaire pertinent, pour saisir l’unité dynamique de la pensée olivienne, peut passer par l’examen de sa manière de procéder. [19] Cet article visera ainsi à présenter sa conception de l’exercice du métier de théologien, en retenant principalement deux aspects. Dans un premier temps, on reviendra sur la question déjà bien balisée des rapports entre théologie et philosophie. Outre les travaux déjà cités de David Burr, François-Xavier Putallaz est longuement revenu sur ce thème4 et j’ai ajouté quelques éléments en cherchant à identifier plus précisément les thèses des « averroïstes » qu’il entend combattre5. Je voudrais y revenir pour mieux exposer l’origine de cette attitude très particulière, formuler une hypothèse à ce propos et tâcher d’en indiquer les implications. Une thèse forte, et très caractéristique de la tonalité olivienne, tient à son abandon de la définition de la théologie comme science. Une telle prise de position, à la fin des années 1270, n’a rien de banal. Elle marque une prise de distance face à ce qui a fait le coeur de la démarche théologie universitaire depuis les 3 Petrus Iohannis Olivi, Lectura super Apocalypsim, cap. 9, Paris, BnF lat. 713, f. 105va : « sciendum quod casus stelle de celo in terram ... (Ap. 9,1) est quorundam altiorum et doctiorum et novissimorum religiosorum casus in terrenas cupiditates et in mundanorum philosophorum scientias curiosas et in multis erroneas et periculosas. Acceperunt enim ingenium et clavem ad aperiendam et exponendam doctrinam Aristotelis et Averroys, commentatoris eius... ». Le passage en question montre que l’hérésie cathare ne remplissait âs la condition nécessaire d’une séduction des plus doctes et des ultimes ordres religieux, franciscain et dominicain. 4 Putallaz, François-Xavier, Insolente liberté. Controverses et condamnations au XIIIe siècle, Fribourg-Paris 1995, pp. 127-162. 5 Piron, Sylvain, Olivi et les averroïstes, dans Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie, 53 (2006), pp. 251-309. années 12306. En contrepoint, l’exégèse du texte sacré revient au centre de l’activité théologique. Pour compléter le tableau d’ensemble, il sera donc nécessaire, dans un second temps, d’offrir une introduction à l’herméneutique biblique olivienne. La publication, par David Flood et Gedeon Gál, en 1997, du volume Peter of John Olivi on the Bible, a considérablement transformé l’image que l’on pouvait se faire de son activité en ce domaine7. L’attention s’était trop longtemps focalisée sur son seul commentaire de l’Apocalypse8. À la suite [20] de cette parution, de nombreux commentaires bibliques oliviens ont été publiés ou sont en cours d’édition9. Toutefois, ce sont principalement les énoncés de méthode, présents dans les Principia bibliques qui nous retiendront, ainsi que les principes d’exégèse exposés à l’occasion d’un commentaire de la Hiérarchie céleste du pseudo-Denys. I. Avant d’en venir au fait, il peut être utile de souligner les difficultés que présentent, pour le profane, l’œuvre de Pierre de Jean Olivi. La première tient à la forme dans laquelle elle est transmise. Le principal document qu’utilisent les historiens de la philosophie est une Somme de questions théologiques qui n’est conservée qu’en partie. Le terme de Summa est abondamment attesté, y compris par l’auteur lui-même10. Ce titre doit [21] donc être retenu, sans discussion possible. Cependant, sa forme se distingue de celle des deux Sommes de Thomas d’Aquin, composées dans une rédaction continue, ou de la Somme de questions ordinaires d’Henri de Gand, 6 Olivia, Adriano, Les débuts de l’enseignement de Thomas d’Aquin et sa conception de la Sacra doctrina, avec l’édition du prologue de son commentaire des Sentences, Paris, 2006. 7 Flood, David et Gál, Gedeon, Peter of John Olivi on the Bible. Principia quinque in Sacram Scripturam. Postilla in Isaiam et in I ad Corinthios, St Bonaventure (N. Y.), 1997. 8 Outre le volume de Raoul Manselli cité plus haut, voir principalement : Lewis, Warren, Peter John Olivi : Prophet of the Year 2000. Ecclesiology and Eschatology in the Lectura super Apocalipsim. Introduction to a Critical Edition of the Text (Dissertation), Tübingen, 1975 ; Vian, Paolo, Dalla gioa dello Spirito alla prova della Chiesa. Il tertius generalis status mundi nella Lectura super Apocalispism di Pietro di Giovanni Olivi, dans L'età dello Spirito e la fine dei tempi in Gioacchino di Fiore e nel gioachimismo medievale, A. Crocco (ed.), San Giovanni in Fiore, 1986, p. 165-215 ; Pàsztor, Edith, L’escatologia gioachimita nel francescanesimo : Pietro di Giovanni Olivi, in L’attesa della fine dei tempi nel Medioevo, O. Capitani, J. uploads/Philosophie/ piron-la-metier-de-theologien-selon-olivi.pdf
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- Publié le Oct 15, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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