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Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Les Études philosophiques. http://www.jstor.org L'ESTHÉTIQUE DE MERLEAU-PONTY Author(s): Michaël B. Smith Source: Les Études philosophiques, No. 1, MICHEL HENRY / RECHERCHES (JANVIER-MARS 1988), pp. 73-98 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41581739 Accessed: 30-11-2015 17:14 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. This content downloaded from 177.42.217.61 on Mon, 30 Nov 2015 17:14:35 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'ESTHÉTIQUE DE MERLEAU-PONTY Le but de ces pages est de démontrer qu'il existe chez Merleau-Ponty une théorie cohérente de l'esthétique, qu'elle transparaît, intégrale et moins ambiguë qu'on ne l'a dit parfois, dans ses écrits sur la peinture et le langage, et qu'elle est conséquente à sa thèse du primat de la perception, dont elle constitue un développement nécessaire sur le plan culturel. Par un renversement bien connu des ordres de la logique et de la décou- verte, la réflexion du philosophe sur l'esthétique a renouvelé et modifié ses prémisses de départ. Ayant interrogé longuement les énigmes de la création plastique et verbale, Merleau Ponty fut amené, dans Le visible et V invisible , œuvre interrompue par la mort, à concevoir une ontologie indirecte. Conformément à une obliquité essentielle qu'il avait décou- verte dans toute expression, il en vint à réformer l'idée même de la vérité. Au rêve trompeur d'une vérité identique, qui ferait de la connaissance coïncidence muette, écrasement de l'esprit contre la chose, est substituée une vérité de la vision. Cette dernière comporterait un « écart » inhérent qui ne nous sépare pas des choses, qui au contraire nous donne notre seul accès possible. La « proximité par distance »* serait le principe et de la perception et de l'expression. Alphonse de Waelhens, dans une étude critique sur la philosophie de Merleau-Ponty, affirme que « la doctrine que nous étudions recèle vraiment les germes d'une esthétique cohérente et complète »2. Or ce jugement de 195 1 ne s'appuyait que sur deux textes ayant trait à l'esthé- tique : Le doute de Césanne et Le roman et la métaphysique (parus dans Cahiers du Sud et Fontaine , respectivement, en 1945, et repris dans le recueil Sens et non-sens en 1948). Nous aurons l'occasion de confirmer l'épanouis- I. Merleau-Ponty, Le visible et V invisible, Gallimard, 1964, p. 170. 2. A. de Waelhens, Une philosophie de V ambiguïté, Louvain, 1967, p. 376. Les Etudes philosophiques , n° 1/1988 This content downloaded from 177.42.217.61 on Mon, 30 Nov 2015 17:14:35 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions 74 Michael B. Smith sement ultérieur de cette esthétique en germe à travers les analyses de Le langage indirect et les voix du silence ( Temps modernes , 1952, repris dans Signes , i960), jusqu'à sa culmination dans les pages foisonnantes d'images et de résonances métaphysiques de L'œil et V esprit (1961) et de Le visible et V invisible (posthume, 1964). Mais avant d'aborder ces textes méthodiquement, il convient de situer l'esthétique merleau-pontyenne dans ses grandes lignes, dans l'ensemble de son œuvre. Le rôle de l'esthétique dans la philosophie de Merleau-Ponty Remy Kwant3 distingue trois phases dans la carrière de Merleau- Ponty. La première, celle de La structure du comportement (1942) et de la Phénoménologie de la perception (1945), voit l'établissement des bases de sa philosophie. La seconde, un mouvement en largeur, correspond à la traduction de cette philosophie en prises de position sur la religion, l'art et la politique. La dernière phase constituerait une nouvelle lancée, à peine esquissée dans le manuscrit inachevé de Le visible et /' invisible et dans un certain nombre d'essais datant de la même époque; il s'agirait d'une révision du rôle de la contingence en faveur d'une téléologie transcendante à l'homme. Kwant trace méticuleusement cette révision à quatre notes autocritiques repérées parmi les brouillons de l'auteur. Cette répartition, d'une netteté toute didactique, fait l'économie d'un fait essentiel à la compréhension du penseur existentialiste. Toujours hostile à la pensée « de survol », Merleau-Ponty n'a jamais cru qu'un philosophe purement contemplatif pût s'isoler de son temps pour le rejoindre ensuite. Ce n'est donc pas parmi des notes autocritiques que nous avons à chercher les raisons profondes du nouveau tournant de sa philosophie, mais dans son Auseinandersetzung avec tous les courants intellectuels de son époque. Retracer cette histoire d'après-guerre, les échanges dialectiques avec un marxisme tiraillé entre le stalinisme et l'humanisme occidental, une psychologie où s'enchevêtraient des élé- ments freudiens, gestaltistes et existentialistes, et une sociologie structu- raliste naissante, à la recherche de ses buts et ses moyens, ce serait un travail qui dépasse de loin la visée de cette étude. Notons cependant que c'était la convergence de ces forces avec la logique interne de la phéno- ménologie qui a produit le mouvement complexe de la pensée de Merleau- Ponty, et que ce n'est pas en s 'interdisant de mêler les niveaux du dis- cours qu'on parviendra à le reconstituer. Mais il y a une autre objection à la schématisation de Kwant, et elle nous touche de plus près. Elle a le tort de suggérer que l'intérêt de Mer- 3. R. Kwant, From Phenomenology to Metaphysics , Dusquesne University, 1966, p. 15 et sq. This content downloaded from 177.42.217.61 on Mon, 30 Nov 2015 17:14:35 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'Esthétique de Merleau-Ponty 75 leau-Ponty pour l'art et l'expression en général se situe uniquement dans la période moyenne et pour ainsi dire mondaine de sa carrière. En fait, nous verrons que ce n'est pas dans quelques œuvres de circonstance mais un peu partout, et de plus en plus impérieusement, qu'il s'interroge sur les problèmes de la peinture et de la parole. Si nous le croyons, l'ensemble de la philosophie de Merleau-Ponty doit être compris comme un empirisme radical (au sens husserlien) qui, partant d'une critique de la perception, s'étend au domaine de l'expres- sion pour aboutir à une ontologie fondée sur le sentant-sensible, pour- quoi ne pas admettre que cet ensemble constitue une théorie générale de l'esthétique ? Il faudrait, bien entendu, à l'encontre d'un usage du mot souvent plus restreint, insister sur le sens philosophique d 'esthétique, dérivée du grec « aisthèsis », c'est-à-dire « sensation ». C'est précisément à partir d'une critique de la théorie classique de la sensation que commence le magtum opus de Merleau-Ponty, la Phénoménologie de la perception . Revenons rapidement sur les moments essentiels de ces analyses de la perception, puis de l'expression; analyses qui ont peu à peu révélé à leur auteur le sens plein des hypothèses implicites de ses propres recherches. La structure du comportement démontre l'insuffisance des explications de la physiognomie et de la psychologie de l'époque4 à l'égard de leurs propres constatations. La Gestalttheorie , plus prometteuse que le beha- viorisme, semble se détourner des conséquences philosophiques de ses méthodes. Les rapports de l'organisme avec son entourage ne sauraient être expliqués par l'action causale d'un stimulus extérieur, car l'organisme réagit globalement au contexte vital des stimulus dans un « milieu » qui n'a pas d'existence purement objective. Il y a donc un a priori de l'orga- nisme, qui contribue activement à la mise en forme du stimulus auquel il réagit. Cette causalité circulaire, empiétement mutuel du sujet et de l'objet, de l'esprit et la matière, n'est pas un cas exceptionnel mais plutôt la norme, la condition nécessaire à l'expérience vécue. Elle ne fait problème qu'à la réflexion : c'est à elle de s'en accommoder. Seule la pensée dialectique reste fidèle à ce phénomène d'appel et de réponse réciproques entre l'intériorité de l'organique et l'extériorité du monde, entre la conscience et la nature. Avec la Phénoménologie de la perception nous passons du niveau de la critique des sciences expérimentales à l'exploration plus ample du Lebenswelt dont parlent les œuvres posthumes de Husserl. Mais à la diffé- rence de ce dernier, Merleau Ponty s'astreint à étayer la spéculation constamment sur les observations des psychologues de la forme alle- mande, Gelb, Goldstein et Kohler. La notion du corps propre, introduite 4. Merleau-Ponty a achevé d'écrire La structure du comportment en 1938. Cf. Th. Geraets, Vers une nouvelle philosophie transcendentales Nijhoff, 1971, p. 1. This content downloaded from 177.42.217.61 on Mon, 30 Nov 2015 17:14:35 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions 76 Michael B. Smith dans l'existentialisme français par Gabriel Marcel6, se fait ici le « sujet naturel » de la perception. L'espace, le temps et les choses sont moins subis que constitués par ce corps vécu, dont le corps physiologique de la science ne représente qu'un décalque dérivé et affaibli. Siège de la perception, le corps est aussi le lieu de l'expression. Le geste uploads/Philosophie/l-x27-esthetique-de-merleau-ponty.pdf

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