POSITION DES MEMBRES DU JURY DU CAPES EXTERNE DE PHILOSOPHIE, DES ENSEIGNANTS,
POSITION DES MEMBRES DU JURY DU CAPES EXTERNE DE PHILOSOPHIE, DES ENSEIGNANTS, CHERCHEURS ET ÉTUDIANTS EN PHILOSOPHIE 3 janvier 2020 signataires mis à jour le 15/01/2020 à 14h11, 957 signatures philosophie, 87 soutiens autres disciplines et citoyens Nous avons pris connaissance du projet de réforme du CAPES et des masters MEEF (métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) par la Direction des ressources humaines (DRH) et la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) du ministère de l’Éducation nationale, ainsi que par la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) du ministère de l’Enseignement supérieur. Nous tenons à exprimer notre opposition résolue à un tel projet qui, s’il venait à être adopté, aurait des conséquences extrêmement dommageables sur l'enseignement de la philosophie au lycée et à l'université comme sur les étudiantes et étudiants préparant les concours. Ce projet prévoit en effet de réduire drastiquement la part disciplinaire du concours, en la cantonnant à une épreuve sur quatre et à un sixième de la note globale. Les autres épreuves nouvellement créées ne consisteraient qu’en une évaluation des capacités des candidates et candidats à « animer » des séquences au contenu préfabriqué, à se « positionner en fonctionnaire » et à « incarner et verbaliser les valeurs de la République ». Le poids désormais écrasant et la teneur de ces épreuves non disciplinaires reposent sur un contresens tenace, selon lequel on pourrait séparer la capacité disciplinaire et la capacité pédagogique. Ce contresens est en profond décalage avec le BO spécial n°8 du 25/07/2019 qui stipule : « L’enseignement de la philosophie a pour but de former le jugement critique des élèves et de les instruire par l’acquisition d’une culture philosophique initiale. Ces deux objectifs sont étroitement liés : le jugement s’exerce avec discernement quand il s’appuie sur des connaissances maîtrisées. » Nous rappelons qu’une pédagogie vidée de son contenu disciplinaire priverait d’un véritable accès à la culture philosophique une écrasante majorité des élèves, qui ne disposent que de l’école pour y parvenir. La réforme accentuerait donc les inégalités et réserverait à une élite un savoir que nous voulons, en raison de notre attachement à l'école républicaine, accessible à tous. En corrélation avec cette réforme des épreuves du concours, le master MEEF, que les étudiantes et étudiants seraient contraints d’intégrer dès la rentrée 2020, serait rénové : seuls 15% de la formation seraient désormais consacrés à la recherche, 30% étant réservés à la pédagogie et 45% aux champs « didactique, valeurs de la République, cadre de travail, droits et obligation des fonctionnaires ». Cette réforme dessine le portrait-robot d'un enseignant condamné à transmettre pendant l'intégralité de sa carrière ses acquis de Licence, sans ouvrir ses élèves à l'élaboration de savoirs nouveaux ; or ce portrait ne correspond ni aux enseignants d'aujourd'hui, ni à ceux que nous voulons pour demain. Elle signifierait en outre une précarisation accrue des étudiantes et étudiants, puisqu’elle imposerait une charge de travail considérable (en M2, six heures hebdomadaires « en alternance », très peu rémunérées, en responsabilité devant les classes), ce qui interdirait tout emploi de subsistance, même à temps partiel. Pour les boursières et boursiers, cela aggraverait les ravages de la mastérisation du CAPES de 2013 : celle-ci a déjà fait disparaître les bourses sur critères sociaux pour les étudiantes et étudiants qui souhaitent préparer les concours de recrutement. Si, pour conserver leur bourse, les étudiantes et étudiants choisissaient un master recherche, ils ne pourraient plus, comme c’est encore le cas, passer le CAPES en parallèle : son obtention supposerait en effet une préparation très spécifique et dispensée par les seuls INSPE. Ils seraient donc condamnés à la contractualisation dans l’enseignement secondaire ou supérieur. Comment croire encore à la vertu des bourses en matière de réduction des inégalités sociales ? Elles ne feraient au contraire que les renforcer, car la préparation du CAPES serait entièrement conditionnée au niveau de revenu des parents, qui n’auraient plus qu’à en assurer intégralement le financement. Un autre élément préoccupant de cette réforme réside dans le fossé inédit que celle-ci créerait entre le CAPES et l’agrégation : contrairement à ce qui est le cas actuellement, les étudiantes et étudiants de master MEEF n’auraient plus la possibilité de présenter conjointement les deux concours. Pour les mêmes raisons, les candidates et candidats aux concours ne pourraient plus, de fait, poursuivre leurs recherches. Les étudiantes et étudiants, anticipant naturellement cette évolution, déserteraient alors des masters recherche déjà très fragilisés pour tenter d’obtenir un emploi stable et un peu rémunéré. Ces masters finiraient donc par disparaître des départements de philosophie, en particulier dans la plupart des universités situées hors du pôle parisien, alors même que l'égalité territoriale a une place majeure parmi ces « valeurs de la République » que prétend promouvoir la réforme. Ceci conduirait à un clivage, tout à fait contraire au sens même de notre discipline, entre une recherche déjà très menacée et un enseignement secondaire au rabais et précarisé. C’est l’existence institutionnelle même de la philosophie qui se trouve de la sorte clairement menacée. C’est pourquoi les membres du jury du CAPES externe de Philosophie, informés de ce projet qui concerne leur mission de jury de concours, en demandent le retrait pur et simple. Ils réaffirment leur attachement aux épreuves de dissertation et d’explication de texte telles qu'ils les pratiquent et les évaluent : celles-ci ont suffisamment fait leurs preuves en tant que modalités de recrutement et constituent historiquement des conditions cruciales de l’exigence et de la rigueur de l’enseignement comme de la recherche dans le champ de la philosophie en France. Ils réaffirment leur attachement au concours dans son intégralité. Ils demandent que le sort des étudiantes et étudiants de philosophie dont ils ont avec d'autres la charge, dans les masters d’enseignement comme de recherche, soit significativement amélioré et que la formation aujourd’hui dispensée dans les masters MEEF soit profondément revue au profit des contenus disciplinaires et de la recherche. Ils appellent tout collègue et toute étudiante ou étudiant de philosophie à rejoindre cette position, en signant le présent texte. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour signer, envoyez vos prénom, nom, qualité (étudiante ou étudiant, professeure ou professeur, MCF, HDR, Professeure ou Professeur des Universités, membre ou rattaché(e) à un centre de recherches, etc., + établissement, université ou laboratoire, ville) et votre appartenance présente ou passée à un jury de recrutement (CAPES, agrégation, externe ou interne ; concours d’entrée à l’École normale supérieure, Paris ou Lyon) À Capesposition2020@gmail.com SIGNATAIRES (957 philosophie, 87 soutiens autres disciplines et citoyens) ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- MEMBRES DU JURY DU CAPES EXTERNE DE PHILOSOPHIE (37) Eva ABOUAHI, Pierre ARNOUX, Lionel ASTESIANO, Marie-Odile AUVRAY-ALOUIS, Elsa BALLANFAT, Marie-Hélène BELIN-CAPON, Delphine BELLIS, David BELOT, Marie-Pierre BERNARD, Gilles BERT, Marie-Laure BINZONI, Yann BOUROTTE, Patrick CERUTTI, Mathilde CHÉDRU, Philippe CRIGNON, Donatienne DUFLOS de SAINT AMAND, Nicolas GERBOULET, André GRAVIL, Denis GUILLEC, Gweltaz GUYOMARC'H, Bérengère HURAND, Julien JIMENEZ, Odile JOLLÉ, Denis KERMEN, Kevin LADD, Pierre LANDOU, Silvia MANONELLAS, Dominique MATHIS, Typhaine MORILLE, Sophie MOUZARD, Marc PAVLOPOULOS, François PÉPIN, Sylvie RUAUX, Stéphane REY, Nadia SAINT-LUC, Laurent VILLEVIEILLE, Luc VINCENTI --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- ASSOCIATIONS PROFESSIONNELLES ET ORGANISATIONS SYNDICALES Action & Démocratie/CFE-CGC APPEP Fédération CGT Éduc’action Fédération SUD-EDUCATION ProPhiL (Association des Professeurs de Philosophie en CPGE Littéraires) SNALC De l’école au supérieur SNES groupe Philosophie SNFOLC 68 SNFOLC national Société des Professeurs de Philosophie (So.P.Phi) --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- UNIVERSITAIRES (PHILOSOPHIE) et MEMBRES D’AUTRES JURYS (314) Matthieu AMAT, Professeur agrégé de philosophie de l’Académie de Rouen, en disponibilité (premier assistant à l'Université de Lausanne), Ancien membre du jury ENS Ulm (2016-2020) Bernard ANCORI, Professeur émérite des Universités, Archives Henri Poincaré-Philosophie et Recherches sur les Sciences et les Technologies (AHP-PReST, UMR 7117 Université de Strasbourg Université de Lorraine CNRS) Jean-Pascal ANFRAY, Maître de conférences en philosophie à l’École normale supérieure (Paris), Ancien membre du jury du concours d’entrée à l’ENS Ulm A/L (2008-2011, 2014-2015) Saverio ANSALDI, Maître de Conférences HDR en Philosophie, Université de Reims, Membre du jury de recrutement (à l'écrit) de l'ENS-Lyon en 2009 Delphine ANTOINE-MAHUT, Professeure de philosophie moderne à l’École normale supérieure (Lyon), Membre du jury du concours d’entrée à l’ENS-Lyon Isabelle AUBERT, Maîtresse de conférences en philosophie du droit, Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne, Membre de l'Institut Universitaire de France Philippe AUDEGEAN, Professeur de philosophie à l’Université Côte d’Azur (Nice), Ancien membre du jury du concours de l’agrégation externe de philosophie et du jury du concours d’entrée (A/L) à l’ENS (Paris) Thomas AUFFREY, Maître de conférences, UFR de philosophie, Sorbonne Université Raphaël AUTHIER, ATER à la Faculté des lettres de Sorbonne Université. Laurent AYACHE, professeur de chaire supérieure, professeur en CPGE au lycée Dumont d'Urville (Toulon), ancien membre du CNRS (Centre Léon Robin), ancien membre du jury du CAPES interne et du CAPES externe de philosophie Bernard BAAS, Professeur honoraire de philosophie en khâgne B/L (Lycée Fustel de Coulanges, Strasbourg), ancien membre du jury du Capes de philosophie (2000 – 2003), Ancien membre du jury de l’agrégation de philosophie (2004 – 2006). Blaise BACHOFEN, Maître de conférences en philosophie, Université de Cergy-Pontoise Fabienne BAGHDASSARIAN, Maître de conférences en philosophie à l’Université Rennes 1, Ancien membre du jury du concours A/L uploads/Philosophie/ position-membres-du-jury-du-capes-philosophie-et-signataires-15-01-20.pdf
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- Publié le Mar 09, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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