[1] C.G. Jung, Psychologie de l’inconscient. (1913). Les dossiers de l’OZ La ps

[1] C.G. Jung, Psychologie de l’inconscient. (1913). Les dossiers de l’OZ La psychogénéalogie Aï e, mes aï eux ! Géraldine Fabre L ’engouement actuel pour la généalogie a fait naître une nouvelle discipline qui lui devient presque indissociable : la psychogénéalogie. C’est Anne Ancelin Schützenberger qui revendique la création, il y a une trentaine d’années, de ce néo- logisme, associant les deux vocables : généalogie et psychologie. Psychothérapeute, groupe-analyste et psychodramatiste, Anne Ancelin est professeur émé- rite de l’Université de Nice où elle a dirigé pendant une vingtaine d’année le laboratoire de psychologie sociale et clinique. Théorie issue d’observations qu’elle réalise au cours de sa carrière, la psychogénéalogie peut être défi nie comme une méthode de psychanalyse qui consiste à L a psychogénéalogie est basée sur différents concepts de psychanalyse dont celui d’incons- cient collectif développé au début du XXe siècle par le disciple de Sigmund Freud, Carl Gustav Jung mais aussi le concept de loyauté familiale invisible et celui de « fantôme ». L’inconscient Pour Jung, l’inconscient collectif est l’ensemble des images et motifs qui symbolisent les instincts fonda- mentaux de l’Homme. Il se manifeste sous forme d’archétypes, c’est-à-dire d’images anciennes, que l’on retrouve dans les mythes et légendes, comme le dragon ou le paradis perdu, et qui seraient communes à toute l’humanité. Ces archétypes se manifesteraient dans les rêves, les délires et les arts picturaux. Jung distingue plusieurs strates dans l’inconscient collectif : d’abord l’inconscient collectif familial, puis l’incons- cient collectif du groupe ethnique et culturel et enfi n, l’inconscient collectif primordial (où l’on retrouve tout ce qui est commun à l’humanité comme la peur de l’obscurité, l’instinct de survie). Jung précise que cet inconscient collectif sous- entend une certaine hérédité. Cependant, dans Psychologie de l’Inconscient (1913), il écrit : « Je n’affi rme nullement la transmission héréditaire de représentations, mais uniquement la transmission héréditaire de la capacité d’évoquer tel ou tel élément du patrimoine représentatif » [1]. Cette idée est reprise plus tard, par Jacob Lévi Moreno qui la développe et postule l’existence d’un co-inconscient familial ou groupal qui serait le vecteur d’une transmission transgénérationnelle. Pourtant, déjà en 1913, dans Totem et tabou, Freud écrivait : « Nous postulons l’existence d’une âme col- lective (…) [et la possibilité qu’] un sentiment se trans- mettrait de génération en génération se rattachant à une faute (dont) les hommes n’ont plus conscience et le moindre souvenir. » [2] évoquant la possibilité d’une transmission par un inconscient reliant les membres d’une même famille. Loyauté familiale invisible Le deuxième concept important en psychogénéalo- gie est celui de loyauté familiale invisible intimement lié à celui de justice familiale. Il a été développé par Ivan Boszormenyi-Nagy, un psychanalyste d’ori- gine hongroise qui publie en 1973 avec G.M. Spark : Invisible loyalties. Pour eux, au sein de la famille, chacun entretient une comptabilité subjective de ce qu’il a donné et reçu dans le passé et dans le présent et de ce qu’il donnera et recevra dans le futur. Il y aurait dans chaque famille des règles de loyauté et un système de comptabilité inconscients qui fi xent la place et le rôle de chaque membre et ses obligations familiales, notamment vis- à-vis du respect et des convenances. Anne Ancelin Schützenberger parle pour cela du Grand livre des comptes de la famille. Pour elle, l’acquittement des dettes familiales est très souvent transgénérationnel : « Ce que nous avons reçu de nos parents, nous le rendons à nos enfants. » Concrètement, cela sous-entend que celui, ou celle, qui a eu une enfance trop gâtée par rapport à ses frè- res et sœurs, qui n’a pas respecté le code moral de sa famille - en dénonçant par exemple un des membres ou se rendant coupable d’un délit - risque de porter une dette inconsciente et de la transmettre à ses des- cendants sur plusieurs générations. Ces règles de loyauté sont dites invisibles car pour les psychogénéalogistes, elles sont inconscientes. Pour illustrer ce concept de loyauté invisible, on peut citer ces exemples théoriques : 3⁄4 un enfant échoue au baccalauréat inconsciem- ment pour ne pas dépasser le statut social de ses parents [3], 3⁄4 une fi lle prend en charge l’éducation de sa fratrie à la mort de ses parents et ne se marie jamais, 3⁄4 une nièce s’occupe de sa vieille tante car cette dernière a sauvé la vie de son père pendant leur enfance. Les règles de loyauté invisible maintiendraient donc parfois les gens en servitude. Ils se sentiraient liés par rechercher dans le vécu de nos ancêtres les sources de nos éventuels troubles psychologi- ques, comportements étranges et/ou maladies actuelles. Anne Ancelin Schützenberger a synthétisé le résultat de ses observations et développé sa théorie psychogénéalogique dans son livre Aïe, mes aïeux !, publié dans le monde entier et devenu best-seller. [2] S. Freud, Totem et Tabou, (1913) cité par Anne Ancelin dans Aie, mes Aïeux ! [3] Exemple cité par Anne Ancelin, tiré de La Névrose de classe (1987) de Vincent de Gauléjac, dans lequel le sociologue montre comment ces loyautés invisibles seraient la cause d’actes manqués qui empêcheraient certaines personnes de passer un examen scolaire ou professionnel, ou les pousseraient à se mettre dans des situations d’échec économique ou social pour ne pas dépasser le niveau social ou intellectuel de leurs parents. Les hypothèses une reconnaissance éternelle face aux services ren- dus comme souvent le paiement des études. Parfois, elles font naître des rancunes, des ressentiments qui sont transmis de génération en génération… comme le cas classique de l’héritage que l’un des membres de la famille a reçu aux dépens des autres et que l’on remémore aux enfants sur plusieurs générations. Crypte et fantômes Meurtre ou suicide, inceste, faillite, adultère, enfants hors mariage, homosexualité, pédophilie, maladies mentales… il est rare que l’histoire d’une famille ne comporte aucun de ces épisodes. Sujets de conversa- tion peu agréables, ils sont rarement évoqués par les membres de la famille. Mais ces secrets que l’on tait souvent par honte ou simplement par pudeur, peuvent devenir pour les psychogénéalogistes de véritables fantômes. En 1978, deux psychanalystes freudiens, Nicolas Abraham et Maria Török font des recherches cliniques sur des patients qui ne comprennent pas toujours les raisons de leurs actes et leurs comportements. Ces patients ont conscience d’agir dans certaines situations de manière irrationnelle et contraire à leur volonté mais ne peuvent pas s’en empêcher. Pour expliquer ses comportements non rationnels, les deux psychanalystes inventent les notions de crypte et de fantômes. Ils imaginent en effet qu’un se- cret ait pu être enfermé par le non-dit dans une crypte de l’inconscient familial et en surgir pour influencer le comportement de leurs patients. Pour Nicolas Abraham et Maria Török, un fantôme est donc une formation de l’inconscient né du secret inavouable d’un autre membre de la famille et qui s’est transmis d’un inconscient à l’autre à travers les générations. Pour illustrer cette idée, Anne Ancelin Schützenberger cite l’exemple théorique de Monsieur Dupont qui ne supporte pas le fait que sa mère soit une enfant naturelle, née et élevée en Isère. Pour la psychogénéalogiste, cette honte poussera Monsieur Dupont à ne jamais parler de sa mère à ses enfants ni même de l’Isère. Il préférera la mer à la montagne, et adorera la natation… Dans la logique psychogénéalo- gique, son attitude risque d’avoir des conséquences sur le comportement de ses enfants. Pour Maria Török et Nicolas Abraham, le secret et les non-dits, tous les mots occultés agissent, « comme des lutins invisibles qui arrivent à rompre depuis l’in- conscient la cohérence du psychisme » [4]. Dans l’optique transgénérationnelle, une personne souffrant d’un fantôme qui sort de sa crypte souffre d’une maladie généalogique familiale, d’une loyauté familiale inconsciente et/ou des conséquences d’un non-dit devenu secret. Pour résumer, la psychogénéalogie postule l’exis- tence d’un inconscient familial permettant une trans- mission entre générations, l’existence de règles de loyautés propres à chaque famille et la possibilité pour un secret familial, un événement passé traumatisant de venir influencer le comportement des membres de la famille. Les outils et la théorie Le génosociogramme L’outil essentiel de la thérapie transgé- nérationnelle est le génosociogramme. Il s’agit d’un arbre généalogique sur cinq générations (ou plus), constitué sou- vent de mémoire, complété des éléments de vie importants (professions, lieux d’ha- bitation, contexte socio-économique…) et des dates d’événements marquants (naissances, mariages, décès, accidents, licenciement, maladie…). Le génosocio- gramme peut aussi comporter les habitu- des de chaque membre, qu’elles soient religieuses, alimentaires, culturelles ou autres. Le génosociogramme n’est donc pas un document objectif. Il ne se limite d’ailleurs pas à la filiation directe mais le patient y ajoute toutes les personnes de sa famille ayant un rôle important à ses yeux (oncles, tantes, neveux, cousins…). Quelques conventions de signes permettent de matérialiser le sexe des mem- bres de la famille, les ententes, les personnes vivant ensemble… Le génosociogramme est souvent établi en groupe pour que les souvenirs des uns réveillent la mémoire des autres. Dans cette représentation graphique, le psychogé- néalogiste cherche les répétitions, de dates, de pré- noms, de professions, les coïncidences et uploads/Philosophie/ psychogenealogie-1.pdf

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