qu’est-ce que la théorie? Intérêt de la question • « Qu’est-ce que la théorie ?
qu’est-ce que la théorie? Intérêt de la question • « Qu’est-ce que la théorie ? ». Cette question, redoutable dans sa simplicité, ne manque pas d’intérêt : elle permet de: rappeler les origines de la théorie, son dynamisme complexe (conséquence de son formidable développement et de ses prétentions scientifiques), son apport aux études littéraires. ce qu’il faut d’abord savoir! Nous pouvons d’ores et déjà souligner que la théorie est particulièrement difficile à définir. À cela plusieurs raisons : ses origines sont lointaines (il faut remonter à la Poétique d’Aristote); son évolution est continue (on ne cesse d’élaborer de nouvelles théories); ses méthodes sont multiples (il existe plusieurs approches du texte littéraire); ses prétentions sont scientifiques (sous l’influence de la linguistique, la théorie se dit/se veut scientifique, depuis notamment le début du XXe siècle). Attitude des théoriciens Cependant, il n’est pas rare que les critiques et les théoriciens de la littérature se soient sentis tenus de fournir une définition (claire ?) de la théorie: « Les épistémologues se sont depuis toujours penchés sur cette question. Ces dernières années, plusieurs réponses ont été avancées », affirme Heide Göttner ( 2018: 15). Antoine Compagnon, Introduction : « Que reste-t-il de nos amours ? », Le Démon de la théorie, (Seuil, 1998, pp. 16-2 Par exemple, dans Le Démon de la théorie ( 1998), Antoine Compagnon montre de façon exemplaire que notre question initiale (qu’est-ce que la théorie ?) appelle plusieurs réponses – différentes mais complémentaires. Les origines de La théorie littéraire La théorie de la littérature est née avec Aristote! Élaborée au milieu du IVe siècle avant J.C. (vers - 340), la Poétique d’Aristote est le grand ancêtre des théories occidentales de la littérature. Mais cet ouvrage se présente à la fois comme: 1° une théorie de la littérature (puisque Aristote procède à la description et à la dénomination de genres littéraires de son époque, à savoir la tragédie, la comédie et l’épopée) 2° et comme un art poétique, au sens classique qu’a ce terme chez Boileau, c’est-à-dire un ouvrage à caractère normatif, légitimant un ensemble de remarques concrètes en les présentant sous la forme de prescriptions et d’interdictions. Les poètes et les dramaturges devaient se plier à ces dogmes pour composer leurs œuvres. On retient donc que: la Poétique d’Aristote est à la fois DESCRIPTIVE ET NORMATIVE. Or, Antoine Compagnon nous explique clairement que, contrairement aux arts poétiques (qui imposaient des règles aux écrivains) et à la rhétorique antique (qui apprenait à bien parler en public), « la théorie de la littérature n’est […] pas normative » ( 1998: 17-18). La théorie de la littérature se veut DESCRIPTIVE ET ANALYTIQUE • La théorie de la littérature élabore des concepts (théoriques) dans une visée pratique: « [la] théorie, dit Antoine compagnon, […] présuppose une pratique » (16). • En termes simples, on dira que la théorie de la littérature a pour fonction de forger des outils, d’élaborer des méthodes d’analyse, pour nous aider à étudier, de manière scientifique, le discours littéraire et à faire de la recherche universitaire.Lesthéoriessontalorsperçuescommedesconstructionsdeconceptsetdenotionsopératoires. La théorie de la littérature aspire à l’objectivité En théorie de la littérature, pour analyser, il faut d’abord décrire. les procédés identifiés ( dans un corpus plus ou moins vaste) sont interrogés et interprétés, loin de tout verdict subjectif: la théorie se veut scientifique. D’où l’importance de la notion d’objectivité dans ce domaine. On peut, dès lors, formuler notre deuxième conclusion partielle: La théorie de la littérature nous apprend à nous comporter en savants, c’est-à-ire à produire des analyses neutres. Avouons-le! Les théoriciens produisent des métadiscours qui se ne sont pas toujours exempts d’opacité. D’ailleurs, certains concepts peuvent paraître très complexes, notamment pour les non-initiés. Jonathan Cullet ( 2016: 11) admet: « pour constituer une théorie, une explication […] doit impliquer un certain degré de complexité. […] Une théorie doit être plus qu'une simple hypothèse: […] elle implique des rapports complexes d’ordre systématique entre plusieurs facteurs; et, enfin, elle n’est pas non plus facile à confirmer ou à réfuter ». On dira, par conséquent, que les théories sont également des constructions complexes; elles exigent, pour être bien comprises, une attention soutenue. Mais… il ne faut perdre de vue que la théorie de la littérature se veut scientifique : tout théoricien de la littérature est tenu d’expliciter son objet d’étude et les fondements de sa théorie. La validité de la méthode employée est vérifiée une première fois lors de la première application de cette théorie, comme le fait, par exemple, Genette, dans Figures III, avec ses analyses sur Proust. Les notions forgées gagneront ensuite en précision et en crédibilité grâce aux efforts des chercheurs qui les appliqueront à des œuvres diverses et variées. Et c’est précisément en raison de cette visée générale, de cette ambition à se révéler opératoire sur des corpus très divers, qu’on dit que la théorie de la littérature a une portée universelle. En somme: La théorie de la littérature s’intéresse au discours littéraire (ses formes, ses composantes, etc.) en général, non à la singularité de telle œuvre en particulier. La théorie est interdisciplinaire D’après Jonathan Cullet ( 2016: 12), la théorie est un « genre » à part entière. Ce « surnom de théorie, dit-il, […] qualifie des œuvres qui parviennent à remettre en cause et à orienter la réflexion dans des domaines autres que ceux auxquels elles semblent appartenir. Ceci est la façon la plus simple d’expliquer ce qui fait qu’une œuvre appartient au champ de la théorie: son influence s’étend au-delà de son domaine d’origine ». Ainsi, « des travaux dus à des disciplines extérieures aux études littéraires ont été adoptés par des spécialistes de la littérature parce que leurs analyses du langage, de l’esprit, de l’histoire, ou de la culture offraient de nouvelles perspectives convaincantes sur des questions textuelles et culturelles ». Par exemple, l’approche structuraliste a d’abord fait ses preuves en linguistique et en anthropologie, avant de gagner le domaine littéraire. De manière plus générale, Les noms des théories témoignent de cette interdisciplinarité: sociocritique, ethnocritique, géocritique…. La théorie de la littérature est un apprentissage du déniaisement La théorie nous apporte un « savoir savant » qui nous permet de passer du statut du simple amateur à celui de connaisseur (Dufays Jean-Louis, Lisse Michel, Meurée Christophe, 2009: 11) : plutôt que de dire « j’aime » ou « je n’aime pas », on s’efforcera de produire, grâce aux outils qu’elle nous offre, une lecture « critique » rigoureuse, objective et convaincante. Mais gardez-vous de vous servir de la théorie comme d’une « recette de cuisine » : faire de la théorie ne se résume pas à l’application servile d’une « méthode ». Les notions théoriques mobilisées doivent être utilisées de façon souple, non mécanisé. On peut même s’autoriser à adapter des concepts, à en montrer les limites, à contribuer à leur développement. En guise de conclusion, on dira que: La théorie n’est pas une forme de grille à plaquer mécaniquement sur un texte. Théorie et pratique de la littérature la théorie se sépare de la pratique littéraire (le travail de l’écrivain) en la prenant pour objet : la théorie naît lorsqu’il y a discours sur cette activité et les produits qui y sont issus. Le mode normatif et le mode descriptif Il existe deux modes possibles pour cela : • le mode normatif des traités de poétique et de manifestes lancés par les écoles littéraires ; et • le mode descriptif des ouvrages savants ou pédagogiques sur la littérature. Théorie et critique littraire • « Par critique littéraire, j’entends un discours sur les oeuvres littéraires qui met l’accent sur l’expérience de la lecture, qui décrit, interprète, évalue le sens et l’effet que les oeuvres ont sur les lecteurs. […] Par histoire littéraire, j’entends en revanche un discours qui insiste sur des facteurs extérieurs à l’expérience de la lecture, par exemple sur la conception ou sur la transmission des oeuvres » Antoine Compagnon, Le Démon de la théorie, Paris, Seuil, 1998, p.20. • la théorie se distingue aussi, en tant que pratique, d’autres pratiques réflexives qui prennent pour objet la littérature : à savoir le commentaire, la critique et l’histoire. La finalité de la théorie est de proposer des manières de comprendre le fait littéraire en général. La démarche théorique vise à interroger les lois qui président à la formation des textes et les significations qui en résultent. En cela, elle se définit comme une poétique. Conclusion • Pour Antoine Compagnon, la théorie de la littérature est une attitude analytique, un point de vue métacritique visant à interroger, questionner les présupposés de toutes les pratiques critiques, au sens large. C’est donc la théorie qui offre à la critique les outils nécessaires à l’analyse Fin de la présentation uploads/Philosophie/ qu-x27-est-ce-que-la-theorie.pdf
Documents similaires










-
29
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 20, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 1.0642MB