1 René Lew, Das Ding, 27 juin – 15 juillet 2012, (1ère livraison), pour la conf
1 René Lew, Das Ding, 27 juin – 15 juillet 2012, (1ère livraison), pour la conférence de Gand, 15 septembre 2012 Das Ding, le mode réel de l’objet Comme il y a divers réels, il y a plusieurs « choses ». Comme les réels se construisent1, il y a plusieurs voies de construction des choses et de leur usage. Une chose peut ainsi servir d’« exutoire » à une fonction qui sans cela pourrait tourner en une « humeur malsaine »2. Cela laisse bien entendre qu’il y a de la fabrication dans cette mise en place d’une chose. Et par « fonction » j’entends, en psychanalyse : pulsion, désir, angoisse, jouissance, identification, transfert..., et parole, dire,... D’un autre côté, une chose peut aussi servir de barrage (même relatif) au glissement fonctionnel du temps (et donc au glissement temporel des fonctions en jeu dans l’existence de quelqu’un et en particulier dans une cure psychanalytique, une passe ou un cartel). Mais elle peut aussi servir de condition sur laquelle s’appuyer pour en redéfinir l’irréel récursif du symbolique. Une telle dialectique (liant construction, laquelle implique passage ou barrage, et déconstruction) est en fait essentielle à toute définition de « la chose ». Très exactement, j’appelle tout d’abord réel ce qui fait barrage (enstasis) à la fluence du signifiant ou, au minimum, ce qui déséquilibre la dialectique construction / déconstruction vers une emphatisation de l’objet, c’est-à-dire ce qui donne la part belle à telle ou telles extension/s de la fonction au détriment de celle-ci (alors dite en intension). Ce qui fait arrêt, même relatif, peut être une lettre, mais aussi une représentation, et tout autant déjà une chose ― sinon tout objet. Car je conçois l’objet comme réel, imaginaire et symbolique, tout à la fois (borroméennement), mais aussi séparément. 1 R.L., « Construction des impossibles », exposé au Congrès d’Analyse freudienne, 2008 ; « Construction des réels », texte collectif avec M.-C. Labadie et F. Nathan-Murat, 2ème colloque du Comité de liaison français de Convergencia, 2003. 2 Verstimmung, voir Freud voulant aller à Corfou – rapport à la fonction Père. lettre chose représentation fonction objet S objet R objet I 2 * L’avantage de l’allemand est de tirer ces choses aux quatre coins d’une structure conçue au sein d’un schéma quadrique, liant le « pur » symbolique de Lacan au symbolique proprement dit, au réel et à l’imaginaire. L’allemand distingue ainsi le niveau que je dirai être proprement celui de la chose du strict niveau de l’objet. La chose est ainsi à la fois un truc (comme on dit en mathématiques : à une loi truc ┬ s’oppose une loi anti-truc ┴) : Sache ; et une chose, surtout matérielle, mais aussi bien réelle en dehors de toute matérialité : Ding. La chose (Sache, toutes voyelles et prononciation mises à part, les deux termes sont consonnantiquement palindromiques : CHS / SCH, au niveau de leur lettrage), la chose implique la cause (Ursache) quand l’objet induit le sujet (par le biais de l’idéal) RSI Sir Ris Irs idéal du sujet sujet idéal pur symbolique objet S objet R objet I (Ur) Sache Objekt Ding Gegenstand 3 jusqu’au narcissisme (et, dirai-je, qu’on le « sache » ou non). Le lien étymologique en français de la cause à la chose, y compris au plan juridique, est identique à l’allemand où Sache signifie aussi cause juridique.3 Cependant l’axe que Freud donne dans « Pour l’introduction du narcissisme » pour être celui de l’amour narcissique (Verliebtheit, énamoration) est aussi celui où la structure fonctionnelle de la chose est accentuée (de la contingence à la nécessité) du fait d’y pointer sa raison d’être. En effet, sous l’angle d’un certain usage, der Gegenstand a la même signification que die Sache, même s’ils n’ont pas le même sens. Cette signification est celle, dérivée, que prennent les mots de « sujet » et d’« objet » en français : le sujet de la dissertation et l’objet du discours ; c’est aussi de la matière abstraite (par exemple : la mathématique) et l’affaire (en particulier juridique). Ding, dont le pluriel varie de Dinge à Dinger, a dans ce dernier cas une résonance plus ontologique (un être, une personne) qui prend une valeur floue (quoique générique). D’ailleurs Lacan note qui plus est la raison de « rassemblement » de la cause 3 W. Fliess, In eigener Sache (Pour ma propre cause), cf. Marcel Scheidharer et alii, Une question incontournable : la bisexualité (Fliess, Freud, Weininger), Lysimaque, 1994. Sache Gegenstand nécessaire possible impossible contingent (P) narcissisme 1 (H) sujet) objet (M) sujet (F) amour pour l’objet énamoration (Verliebtheit) père homme mère femme narcissisme / chose chose / réel 4 juridique, introduisant alors autant das Ding que die Sache.4 Mais je n’insiste pas plus avant sur la philologie de ces termes, ni sur leur usage actuel. * Précisons les choses avec Lacan : il n’y a de chose ou d’objet qu’en lien à la signifiance (pur symbolique : S1) où l’objet imaginaire est l’image sous ses diverses apparences, et l’objet symbolique est le signifiant linguistique (S2), plutôt que le signifié (sens, signification et position subjective, pour moi) qui dédouble ces objets. À noter qu’à l’époque de son séminaire sur L’éthique de la psychanalyse (décembre 1959) Lacan ne sort pas du système de traduction qui fait tirer la métapsychologie freudienne vers l’imaginaire : pour moi, Sachvorstellung ne signifie en rien « représentation de chose » (VII, 56) et Wortvorstellung « représentation de mot », mais, tout à l’envers et respectivement, « représentation en « terme » de chose » et « représentation en terme de mot », car la représentation n’a pas de plasticité en elle-même. Les mots et les choses définissent l’architectonique du sujet en passant par la représentation. J’y reviendrai. Freud par là s’est déjà éloigné de Brentano (dont la théorie, à côté de Meinong, débouche aussi sur Wundt et sur Husserl), il est donc inutile d’y ramener la théorie analytique. Mais disons qu’il n’y a de représentation que rapportable au signifiant soit linguistique (en termes de « mot », Wort, soit S2) soit énonciatif, et comme tel inaudible, en terme de chose-cause (Sache), prise comme S1. Cette distinction recouvre celle entre espace et temps, champ et fonction. Depuis 4 Séminaire L’éthique de la psychanalyse, texte établi, Seuil, dorénavant noté VII, p. 55. Avec ce terme de « rassemblement », on peut ici questionner la tendance heideggerienne de Lacan persistant encore à cette étape. Voir R.L., « Ce que l’inflexion lacanienne de la psychanalyse doit à Heidegger : à propos du Logos », La Part de l’Œil, n° 21-22, 2006-2007. signifiés significations objets position subjective sens S1 oS oR oI 5 1953, Lacan a en effet opposé et mis en relation la fonction de la parole et le champ du langage, quand le concept de signifiant manquait à Freud. Cependant en 1964 Lacan lit ce concept tant dans la Vorstellungsrepräsentanz que dans les Wahrnehmungszeichen, auxquels j’ajouterai les Erinnerungsspuren (respectivement : représentance impliquant représentation, signes faisant état de perception, traces organisant le souvenir). Disant cela, je rappellerai que le terme de Wort en allemand a à la fois le sens de parole (pluriel : Worte) et celui de mot (pluriel : Wörter, Wörterbuch = dictionnaire), comme le français parle du verbe (la parole et le mot) et que l’espagnol distingue habla et palabra ― en un distinguo qui n’est pas si radical que ça.5 De toute façon c’est souligner le lien de la fonction à l’objet ou l’élément (VII, 57). Pour moi, la fonction est constitutive de la structure dont les divers postes sont établis à partir des éléments issus de cette fonction (quelle qu’elle soit) en ce qu’ils en sont des transcriptions (Frege). Pour faire état de la fonction, Lacan parle de mise en chaîne, de concaténation signifiante (faisant ainsi valoir à la fois le frayage et le chemin à suivre : Bahnung). Si Lacan ne se trompe pas en disant que Freud ne parle pas de Dingvorstellung (ibid.), il omet de rappeler que Freud parle d’Objektvorstellung6. Freud souligne même la distance qui écarte l’image (visuelle, tactile, acoustique...) de sa reprise en un complexe de représentations par voie associative. 7 Quoi qu’il en soit, malgré Lacan (ibid.), il n’y a pas là, à mon avis, de théorie de la connaissance, telle qu’un Russell, par exemple, peut chercher à la produire. En effet, pour moi, il n’y a de chose qu’entrant dans les intérêts du sujet, c’est-à-dire significantisée. Tout dépend des rapports réel / symbolique qui fonctionnent dans les deux 5 Palabra, tout comme Wort, a à la fois le sens de parole et de mot (A.-C. Delgado) 6 S. Freud, Zur Auffassung der Aphasien (Pour une conception des aphasies), Fischer Taschenbuch Verlag, p. 122. 7 Je reprendrai dans une livraison ultérieure ce nœud associatif. Mais une lecture de la Contribution de Freud à une conception des aphasies (P.U.F.) me convainc de ne prendre ledit « mot » que lui-même comme un complexe associatif. Les notes de l’édition allemande, Fischer Verlag, omises dans l’édition des P.U.F., vont uploads/Philosophie/ rene-lew-das-ding-le-mode-reel-de-l-objet-gand-2012.pdf
Documents similaires










-
32
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mar 01, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1427MB