Jacques COURSIL UAG Jacques Lacan, L’épistémologie R.S.I. Dans cet espace de jo
Jacques COURSIL UAG Jacques Lacan, L’épistémologie R.S.I. Dans cet espace de jouissance, prendre quelque chose de borné, fermé, c’est un lieu et en parler, une topologie Lacan Nœud borroméen et déliage La figure ci-dessous porte le nom d’anneaux borroméens1. De ce jeu d’anneaux, nous ne retenons que la propriété suivante : le détachement d’un des anneaux entraîne le détachement des deux autres. Ainsi, détacher un anneau déconstruit la figure. La figure montre qu’en triade, les anneaux sont attachés, mais que deux à deux, ils sont détachés (superposés).2 Par ramifications, le jeu d’anneaux dépasse le cadre de la simple triade3. Néanmoins, la loi reste partout la même. Ainsi, le détachement d’un seul anneau déconstruit tout un espace d’anneaux ramifiés4. 1 Borrome Ce jeu d’anneaux est d’origine héraldique d’où il tire son nom 2 La propriété borroméenne est un modèle d’homotopie . Ainsi, si l’on se donne trois anneaux ABC et si on se place dans l’ensemble complémentaire de l’anneau C dans l’espace, les deux autres anneaux A et B ne peuvent être déformés continûment ni vers un point, ni vers deux points ; autrement dit, ils ne sont pas homotopes à un ou deux points. Toute déformation continue (homotopie) ne pourra tout au plus que les amener à entourer de plus près C qu’ils ne peuvent franchir à cause de la contrainte de rester dans le complémentaire. Même déformés, ils contiennent toujours une infinité de points. Par contre, si on ne contraint plus la déformation continue (c’est-à-dire l’homotopie) à rester dans l’espace complémentaire de l’anneau A, alors B et C peuvent être déformés continûment vers deux points détachés ou, vers un point, si on les fait se rapprocher. 3 Pierre Soury… 4 En linguistique, Saussure définit une loi de détachement semblable sous le nom de principe de solidarité dans un système de valeurs pures. Ainsi, entre deux termes d’une dualité de langue, le rapport est à la fois nécessaire et vide (arbitraire). Dans cet ago-antagonisme, la nécessité est le nœud (le liage) et l’arbitraire, le vide (le déliage). 2 Lacan (1978) propose une interprétation du jeu des trois anneaux en y substituant trois lettres R.S.I., respectivement pour Réel, Symbolique et Imaginaire. Ces trois variables en place des anneaux sont réparties comme suit : R ou « réel » est la loi de détachement qui déconstruit la figure. S ou « symbolique » correspond au langage (à tous les systèmes de règles différentielles), I ou « imaginaire », aux ontologies (logiques des objets). Enfin, RSI, en place du nœud, correspond à l’acte d’énonciation de la chaîne signifiante. Dans la théorie du langage, la variable S correspond au système de la langue intégrée et effective dans chaque sujet entendant. La variable I, pour sa part, correspond à l’ordre du discours. Enfin, la variable R opère un déliage du système et correspond au fonctionnement dia- synchronique de la langue. Comme tel, le nœud des trois lettres R,S,I, constitue un cadre de questions formellement « borné et fermé » pour la détermination de ses termes5. La visée de l’interprétation lacanienne est épistémologique. Sous la forme d’un nœud de variables, R,S,I, Lacan établit une architecture répartie de l’activité psychique. Dans l’analyse qui suit, il s’agit tout ensemble de construire formellement le nœud épistémologique R.S.I. et de le déconstruire. « Dans cet espace de jouissance, prendre quelque chose de borné, fermé, c’est un lieu et en parler, une topologie »(Lacan 1978 p ). Trois suppositions Milner [Milner 83] introduit la question R.S.I. par la méthode des suppositions. Cette méthode dont nous empruntons la trame liminaire suit l’ordre analytique, c’est-à-dire qu’elle commence par la conclusion et finit en boucle : « Il y a trois suppositions, la première (...) est qu’il y a : proposition thétique qui n’a de contenu que sa position même - un geste de coupure, sans quoi il n’est rien qu’il y ait. On nommera cela réel ou R. Une autre supposition, dite symbolique ou S, est qu’il y a de lalangue, supposition sans laquelle rien, et singulièrement aucune supposition, ne serait se dire. Une autre supposition enfin est qu’il y a du semblable, où s’institue tout ce qui fait lien : c’est l’imaginaire ou I. » [Milner 83 p7] il y a trois suppositions conclusion il y a R réel Il y a de S symbolique il y a de I imaginaire ________________ il y a trois RSI chaîne Le nœud R.S.I. forme un espace clos pour la définition de ses termes, autrement dit, sans autre détermination que la solidarité des variables entre elles. Dans ce type de structure, la « con-sistance » (se tenir ensemble) est incompatible, dit Lacan, avec « l’ex- sistance » (ex sitere - se tenir au dehors). Ainsi R, S et I sont des variables consistantes si et seulement si elles sont transdéfinies les unes par les autres. Lacan note [1966] « Avec la seconde propriété du signifiant de se composer selon les lois d’un ordre fermé, s’affirme la nécessité du substrat topologique dont le terme de chaîne signifiante dont j’use d’ordinaire donne une approximation : anneaux dont le collier se scelle dans l’anneau d’un autre collier fait d’anneaux». Ainsi maintenue par la seule intégrité d’un liage, la consistance du noeud R.S.I est entièrement définie par les cas d’application de la fonction R de détachement (déliage). En d’autres termes, l’effectivité R.S.I. répartit les variables selon les dispositions 5 Soit a, quel est l’Autre ? L’Autre est le lieu de sa transdéfinition ou, en d’autres termes, A est la matrice de a. La valeur a n’existe que dans les calculs différentiels qui maintiennent de la topique A dans son état. Dans A, a est une valeur pure. En clair, le sens d’un mot est holistique, c’est-à-dire non-détachable de sa topique. Le nœud est la matrice de ses propres éléments qui n’ont pas de statut en dehors d’elle. Dès lors et contrairement au sens commun, la signification ne se transporte pas. elle ne parcourt pas l’air du dialogue, ni ne circule dans les réseaux. Elle opère là où elle se forme, dans les sujets. C’est une opération psychique 3 possibles de R : RS, RI, RSI (qu’on lit, détachements de S, de I et de SI) puisque chacune possède la propriété borroméenne de détachement R. Lacan note à cet égard [Lacan Sem 7.12.74] « ...les trois qui sont là fonctionnent comme pure consistance. Ce n’est que de tenir entre eux qu’ils consistent - de tenir entre eux réellement. » (C’est Lacan qui souligne). Dans l’ordre inverse, une variable est dite pertinente dans un système si son détachement entraîne la destruction de la consistance de ce système. Dit tautologiquement, les cas de détachement R définissent la consistance d’une structure par l’énoncé de ses limites. Ainsi, la consistance de la structure RSI est celle d’un « noeud de coupures», mode d’être du réel. R (il y a) n’est donc pas une supposition ontologique,6 mais un évènement- rupture (Foucauld), « un geste de coupure » (Milner), car par R, il n’y a plus de figure. - de rien, rien ne saurait advenir - argumentent les logiciens (Anselme). Autrement dit, la loi de détachement R (Réel) implique que la supposition (il y a) soit polaire, car R n’a pas de contraire. Comme dans la figure des trois anneaux, les variables détachées s’oblitèrent, n’étant définies que de leur liage.7 En d’autres termes, « il y a » ou R ne peut pas être une pétition de variable isolée, car R détaché ne peut pas se dire sans déclencher la propriété borroméenne qui, par définition, l’oblitère. Parmi les trois types de détachement, notés anisomorphe, isomorphe et endomorphe 8, le détachement anisomorphe, dont le borroméen est un cas particulier, ne conserve pas les structures. Le détachement d’une seule variable déstructure son lieu de définition. Forme de la supposition R Dans la supposition ((il) (y) a) appelée réel ou R, la variable objet est manquante, (en cela opposé au cas (( il ) ( y ) ( en ) a). Ainsi, la supposition R s’analyse en un groupe de trois questions [[personne] [lieu] temps] dont les réponses sont respectivement les suivantes : la variable de personne (il) est vide (impersonnelle), celle du lieu (y) est non-vide et celle du temps, qui surdétermine les deux autres, (a) est non-nulle (durative, non- accomplie). Ce type de pétition, selon Quine [Quine 1969] permet de « parler sans parler d’objet », autrement dit, sans engagement ontologique. A la question concrète (qu’est-ce qu’il y a ?), la réponse est, autologiquement, qu’il « il y a (il n’y a pas) » ou, en d’autres termes, que la réponse à la question est son renversement. Dans cette expression, la fonction « il y a » ou R prend son contraire pour argument. Lacan note : « le réel est ce qui est strictement impensable ». Un mode d’énoncé semblable se trouve chez Heidegger [Heidegger 1966]. Dans son analytique du dasein, la forme « es gibt » (il y a) est préféré à « das Sein ist » (l’être est) ce qui permet d’éviter de poser uploads/Philosophie/ rsi-lacan-coursil.pdf
Documents similaires










-
37
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 08, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0526MB