“Discours sur les sciences et les arts, dissertation philosophique et morale” (

“Discours sur les sciences et les arts, dissertation philosophique et morale” (1750)- ROUSSEAU Essai Les sciences et les arts ont corrompu les mœurs au lieu de les épurer. L‟auteur se proposait d‟en donner des preuves historiques et de prouver qu'il ne pouvait en être autrement. Première partie Rousseau convoquait des exemples tirés de l'histoire de Sparte, d'Athènes et de Rome, puis de celle des États modernes pour constater que : - En adoucissant la vie sociale, les sciences et les arts aident les tyrans à asservir les êtres humains : « ils étouffent en eux le sentiment de cette liberté originelle pour laquelle ils semblaient être nés, leur font aimer leur esclavage, et en forment ce qu'on appelle des peuples policés... » - Il n‟y a pas de lien nécessaire entre progrès moral et progrès de civilisation. - Le progrès aboutit à la corruption des mœurs d'une société. De nos jours, les mensonges de la bienséance ont remplacé la vertu : les vices sont voilés sous la politesse ou déguisés habilement en vertus. « Nos âmes se sont corrompues à mesure que nos sciences et nos arts se sont avancés à la perfection ». - S‟il est irréversible et même réparateur, l‟état de culture est essentiellement insuffisant. - La civilisation a corrompu la nature humaine : supériorité du barbare sur le civilisé, de la constitution de Sparte sur celle d‟Athènes, etc.. Ainsi, dans l'Histoire, le progrès des sciences, des arts et du luxe a perdu l'Égypte, la Grèce, Rome, Constantinople, la Chine, tandis que les peuples ignorants et primitifs (Germains, vieux Romains, Suisses, sauvages de l'Amérique) ont conservé leur vertu et leur bonheur. Quelle eût été l'indignation de l'antique Fabricius devant la décadence de Rome ! Seconde partie Nées de nos vices et de notre orgueil, les sciences encouragent à l'oisiveté et détruisent le sens religieux sans rétablir la morale. Quant aux arts, ils sont inséparables du luxe, agent de corruption et de décadence. Enfin, la culture intellectuelle affaiblit les vertus militaires et fausse l'éducation : elle forme des savants et non des citoyens. Le secret de la vertu n'est donc pas dans la folle science : « Ô vertu, science sublime des âmes simples, faut-il donc tant de peines et d'appareil pour te connaître? Tes principes ne sont-ils pas gravés dans tous les cœurs? et ne suffit-il pas, pour apprendre tes lois, de rentrer en soi-même et d'écouter la voix de sa conscience dans le silence des passions? Voilà la véritable philosophie... » Commentaire En 1750, les lieux communs des philosophies antiques retrouvés par Rousseau (d‟où la fameuse „’Prosopopée de Fabricius’’ attribuée à cet homme politique romain du IIIe siècle avant Jésus-Christ qui fut célèbre pour son incorruptibilité et qui est le héros d‟une des „‟Vies‟‟ de Plutarque), parurent nouveaux et originaux. On se demande depuis des siècles si les connaissances développées par l'humanité aident à mieux vivre, à mieux être. À première vue, il est assez simple de voir que les savoirs et les techniques ont permis l'augmentation de notre niveau de vie et l'amélioration de nos conditions de vie. Mais cette idée n'est pas partagée par tous. Rousseau, par exemple, défendit la thèse contraire. Il expliqua que le progrès dans les connaissances, malgré son apparence brillante, est en réalité néfaste. D'abord, il pensait que les avancements dans les sciences (à prendre au sens général de «savoirs») et les arts favorisent l'élite et permettent la consolidation de leur pouvoir sur le peuple. Il voulut souligner par là que les savoirs sont souvent réservés à l'élite : élaborés par et pour elle. Et n‟est-ce pas encore le cas à notre époque? tout le monde, y compris dans les pays occidentaux, ne peut pas s'offrir tout ce que la technologie permet. Bien plus, pour Rousseau, le développement des sciences s'accompagne du luxe, c'est-à-dire de richesses débordantes et inutiles, parce que superficielles, ce qu‟il critiqua dans un esprit très moderne. En outre, au fur et à mesure que les sciences se perfectionnent, le goût des arts s'étend et les besoins souvent inutiles s'accroissent, ce qui contribue à l'asservissement du peuple. En effet, souligna-t-il, il est beaucoup plus difficile de soumettre un peuple autonome qui satisfait seul à ses propres besoins, réduits souvent au strict minimum. Il pensa, par exemple, aux autochtones découverts en Amérique, qui vivaient dans la simplicité et qui n'avaient besoin d'aucun gouvernement ou d'aucun prince pour satisfaire les besoins les plus vitaux. Enfin le progrès, selon lui, ne contribue en rien à notre bonheur. L‟exemple probant en est justement que ces peuples primitifs découverts à l‟époque, dont les moyens techniques étaient faiblement développés, n'en étaient pas moins heureux. Si le but de l'humanité est le bonheur de tous, elle ne doit pas s'entêter dans une vaine curiosité et une vanité sans relâche qui la poussent à vouloir tout savoir. Finalement, non seulement les sciences et les arts ne permettent pas le bonheur selon Rousseau, mais ils font du peuple des esclaves, privés de liberté naturelle et souvent miséreux. Pourquoi ne pas développer la sagesse pratique (dans les actions) plutôt que la connaissance et les savoirs? En effet, pourquoi chercher la superficialité, alors que la simplicité et une vie saine et naturelle pourraient nous rendre plus libres de l'asservissement par les plus forts? Il faudrait aspirer à une vie plus proche de la nature, où la société telle que nous la connaissons n'existerait pas. Au lieu de laisser développer les besoins inutiles et de donner le soin aux plus riches de nous les fournir à leur gré, on pourrait développer une société où la curiosité, la compétition et la vanité ne soient pas valorisées. Pourquoi vouloir tout savoir et tout théoriser sur le monde quand on sait à peine se comprendre soi-même? La vision de Rousseau remettait donc en question tous les fondements de la société, de l'organisation sociale faite par les êtres humains. Ces considérations sont étonnamment modernes et peuvent facilement être rapprochées de questionnements contemporains par exemple sur le partage des richesses, la pollution de l'environnement, la société de consommation et donc sur la légitimité du progrès scientifique tel que nous le connaissons. Bien sûr, Rousseau ne pensait pas à tout cela. À travers ses réflexions, le dogme du progrès était ébranlé : il entraîne beaucoup d'inégalités et son utilité pour l'atteinte du bonheur est à remettre en question. Ces positions allaient à l‟encontre des idées que Voltaire avait développées dans “Les lettres philosophiques” et dans “Le mondain”. « Les philosophes », en réaction contre la morale d'austérité et de renoncement du siècle précédent, chantaient le luxe, le progrès matériel qui engendre le progrès moral et conditionne le bonheur. Au moment où l'Encyclopédie allait symboliser cette foi dans la civilisation, voici que ce « barbare » se dressait, soutenant que les sciences et les arts corrompent les mœurs, que le bonheur est dans la vie simple, que la vertu dépend non de la science mais de la conscience ! Habitués à des écrits spirituels ou à de froides dissertations, les contemporains se laissèrent prendre à l'âpreté du moraliste, à l'éloquence de son style. Pour les lecteurs de 1750, le „‟Discours sur les sciences et les arts‟‟, qu‟on allait appeler conuramment « le premier Discours », rendait un son nouveau. Cette éloquence sans cesse nourrie de réminiscences classiques paraît aujourd'hui d'une rhétorique bien artificielle (il y a trop d‟apostrophes, d‟interrogations, d‟exclamations, d‟antithèses et de formules dans le texte de la prosopopée), mais Rousseau s'enflammait pour ses idées et l'on est sensible à l‟enthousiasme d‟une âme sincère, à cette ardeur où l‟on perçoit parfois l‟amertume d‟un homme blessé par la vie. Le 23 août 1750, l‟Académie de Dijon couronna la réponse de Rousseau qui remporta le prix et accéda à une célébrité qui allait ne jamais le quitter. Chose encore rare à l'époque, sa notoriété allait devenir telle qu'elle lui valut souvent, à Genève ou à Paris, d'être reconnu dans la rue grâce aux nombreux portraits de lui qui circulaient dans les milieux cultivés. Le „’Discours sur les sciences et les arts’’ fut publié en novembre et souleva aussitôt une foule de réfutations, notamment celles du pasteur Vernet, de Grimm et du roi de Pologne Stanislas. Mais le „’Discours préliminaire„‟ de „‟l’Encyclopédie‟‟ par d‟Alembert évoqua l‟originalité de la position de Rousseau sans la rejeter absolument au nom du progrès. À son tour, Rousseau, que cette polémique rendait célèbre, protesta contre les déformations infligées à sa pensée en déclarant qu‟était loin de lui l‟idée de détruire la société civilisée et de prêcher un retour à la vie primitive, qu‟il jugeait impossible et dangereux : ROUSSEAU “Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Essai de philosophie politique” (1755) Essai Rousseau affirma, dans la préface, que «La plus utile et la moins avancée de toutes les connaissances humaines me paraît être celle de l'homme». Négligeant l'inégalité physique, il étudia l'origine de l'inégalité morale ou politique. Il imagina ce qu'était l'homme à l'état de nature, en le dépouillant de toutes les facultés artificielles qu'il doit à la vie sociale. uploads/Philosophie/ commentaire-discours.pdf

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