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Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec, 1996 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 19 déc. 2021 04:08 Philosophiques Searle versus Derrida ? Peter Hadreas Volume 23, numéro 2, automne 1996 URI : https://id.erudit.org/iderudit/027399ar DOI : https://doi.org/10.7202/027399ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société de philosophie du Québec ISSN 0316-2923 (imprimé) 1492-1391 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Hadreas, P. (1996). Searle versus Derrida ? Philosophiques, 23(2), 317–326. https://doi.org/10.7202/027399ar Résumé de l'article Cet article cherche à montrer qu'en dépit de la célèbre polémique qui les a opposés l'un à l'autre, John Searle et Jacques Derrida s'accordent sur certains points de leurs philosophies du langage respectives. Les divergences les plus marquantes peuvent être aplanies par l'application de procédures qui sont en conformité avec les théories des deux auteurs. PHILOSOPHIQUES, VOL. XXIII, N° 2, AUTOMNE 1996, P. 317-326 SEARLE VERSUS DERRIDA ? PAR PETER HADREAS RÉSUMÉ : Cet article cherche à montrer qu'en dépit de la célèbre polémique qui les a opposés l'un à l'autre, John Searle et Jacques Derrida s'accordent sur certains points de leurs philosophies du langage respectives. Les divergences les plus marquantes peuvent être aplanies par l'application de procédures qui sont en conformité avec les théories des deux auteurs. ABSTRACT : This paper sets out to show, notwithstanding their notorious polemic, how elements of John Searle's and Jacques Derrida's philosophies of language agree with each other. It is also suggested how certain of Searle's and Derrida's most egregious bones of contention may be laid to rest through applying procedures consistent with the writings of both philosophers. On sait que John Searle et Jacques Derrida sont très critiques l'un vis-à-vis de l'autre en ce qui a trait aux méthodes philosophiques et aux thèses proposées. La querelle a commencé avec la critique par Searle de l'oeuvre de Derrida, dans un compte rendu intitulé : « Reiterating de Differences », paru dans Glyph en 1977 1. Cette critique fut reprise sous forme d'attaques contre Derrida et ses adeptes, qui parurent dans le New York Review of Books en 1983 et 1984 2. Du côté de Derrida, la polémique contre Searle a débuté avec « Limited Inc. a b c », où il répond point par point, en quatre- vingt pages, aux critiques de Searle dans « Reiterating the Differences », et s'est poursuivie en 1988, avec l'ajout d'une postface de quarante-neuf pages à « Limited Inc a b c »3, intitulée « Vers une éthique de la discussion ». Ce titre évoque les bonnes manières qui devraient avoir cours dans les rapports entre philosophes professionnels 4. Il ne s'agit pas ici de reprendre un à un tous les aspects de ce débat où la méthode « analytique » et la méthode « continentale » en philosophie se sont opposées de façon radicale voire même caricaturale. Une fois les passions calmées, on remarque plutôt que 1. John R. Searle, « Reiterating the Differences : A Reply to Derrida», Glyph2, 1977, p. 198-208. 2. Idem, « The Word Turned Upside Down », The New York Review, 27 octobre, 1983, p. 74-79. Voir aussi la réponse de John Searle à Louis H. Mackey, The New York Review, 2 février 1984, p. 48. 3. Jacques Derrida, Limited Inc, Evanston, IL, Northwestern University Press, 1988. Trad, anglaise de Samuel Weber, p. 29-110. 4. « Afterword — Toward an Ethic of Discussion », in Limited Inc., p. 111-160. 318 PHILOSOPHIQUES les deux penseurs ont des visions qui non seulement se corrigent mais se complètent mutuellement. La thèse principale de cet article est que les philosophies du langage de Searle et Derrida s'accordent particulièrement sur la question de la signification littérale. La question de la signification littérale chez Searle Cette notion joue un rôle crucial chez Searle, aussi bien dans sa première théorie des actes de langage que dans sa théorie subséquente sur l'Intentionnalité5. La signification littérale d'un énoncé doit d'abord être établie, pour que les usages non littéraux puissent par la suite être compris. De plus, la signification de l'énoncé est une catégorie générale qui dépend de la signification littérale. En fait, la différence entre signification de l'énoncé et signification littérale fait partie des assumptions qui sont si fondamentales et « si diffuses qu'on ne peut guère dire qu'elles constituent une théorie ; elles forment plus exactement le cadre dans lequel toute théorie doit être formulée et démontrée6 ». Un exemple : l'énoncé « John Searle fut boursier de la fondation Rhodes » est littéralement vrai. Pourtant, il arrive fréquemment que nous formions des énoncés, au moyen d'actes de langage indirects comme l'ironie et la métaphore par exemple, dont la signification diffère du sens littéral. Une certaine familiarité avec le contexte nous permet alors de réinterpréter le sens littéral et de l'altérer. Supposons que lors de la préparation d'un colloque, on ait à choisir celui qui sera le principal intervenant. Après avoir énuméré les qualifications de Searle, un responsable conscient de la valeur d'un séjour de trois ans à Oxford ajoute : « Et Searle fut boursier de la fondation Rhodes ». Il produit ainsi un acte de langage indirect, c'est- à-dire qu'il ne se contente pas de rapporter un fait mais qu'il utilise celui-ci pour convaincre ses pairs d'inviter John Searle comme conférencier principal. Mais on peut aussi imaginer que les boursiers de la fondation Rhodes aient formé une association dont les membres se réunissent à tous les dix ans. Dès lors, si un président d'assemblée présentait Searle avec ces simples mots : « il fut boursier de la fondation Rhodes », on pourrait y voir de l'ironie. On pourrait penser que cela signifie que les réalisations ultérieures de Searle sont négligeables (ce qui est si peu vraisemblable que l'ironie ne sera pas perçue). Quoi qu'il en soit, c'est le contexte qui donne un caractère ironique à l'énoncé littéral. Le même énoncé pourrait être utilisé de manière métaphorique. Supposons que je veuille souligner l'intelligence de mon chat, qui se trouve s'appeler « John Searle », en disant : « John Searle fut boursier de la fondation Rhodes », ce qui est une manière de dire qu'il est un érudit parmi les chats. On a là une tentative pour exprimer quelque chose à un niveau métaphorique, et 5. Nous suivrons l'usage de Searle, qui distingue les actes intentionnels de l'intentionnalité proprement dite en mettant une majuscule à Intentionnalité. Voir J. R. Searle, Intentionality, Cambridge, Cambridge University Press, 1983 ; L'Intentionnalité. Essai de philosophie des états mentaux, trad. Claude Pichevin, Paris, Éditions de Minuit, 1985. 6. J. R. Searle, Expression And Meaning : Studies in the Philosophy of Mind, Cambridge, Cambridge University Press, 1979, p. 119 ; Sens et expression, études de théorie des actes de langage, trad, par Joëlle Proust, Paris, Éditions de Minuit, 1983, p. 169. SEARLE VERSUS DERRIDA ? 319 la métaphore est comme l'ironie étroitement liée au contexte. Il s'agit de deux actes de langage indirects, qui dépendent de la maîtrise du sens littéral de l'énoncé « J o h n Searle fut boursier de la fondation Rhodes ». Cet énoncé est amplifié, déformé ou traité par analogie. Tel qu'indiqué auparavant, la notion de sens littéral joue également un rôle crucial dans la théorie de l'Intentionnalité. Publié pour la première fois en 1983, le traité de Searle est dans la prolongation des recherches sur les actes de langage. Son analyse de l'Intentionnalité traite non seulement du sens linguistique mais également de la signification des perceptions, des souvenirs et des anticipations, bref de la signification en général. Dans YIntentionnalité et dans John Searle and His Critics7, ce dernier soutient que le sens littéral doit être construit à la lumière de ce qu'il appelle l'hypothèse d'Arrière-plan : La compréhension du sens littéral des phrases, depuis les phrases les plus simples, du type « Le chat est sur le paillasson », jusqu'aux phrases les plus complexes des sciences physiques, requiert un Arrière-plan préintentionnel8. Searle souligne qu'il n'a ainsi « nullement démontré la dépen- dance à l'égard du contexte de l'applicabilité de la notion de sens littéral d'une phrase 9 ». À la différence des énoncés indirects, métaphoriques ou ironiques, qui exigent pour être compris qu'on établisse quelles sont les intentions de celui qui les énonce, le sens littéral des phrases est lié à un Arrière-plan préintentionnel : « [...] la même phrase pourvue du même sens littéral déterminera différentes conditions de vérité, différentes conditions de satisfaction, alors même que le sens littéral restera inchangé10 ». En liant le sens littéral des phrases à la notion d'Arrière-plan, Searle se trouve être en opposition avec le point de vue classique, qui est représenté par Russell et uploads/Philosophie/ searle-versus-derrida-peter-hadreas.pdf
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- Publié le Fev 11, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
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