G. SIMONDON La perception PLAN: I. - LE PROBLEME PHILOSOPHIQUE ; rôle de la per

G. SIMONDON La perception PLAN: I. - LE PROBLEME PHILOSOPHIQUE ; rôle de la perception dans les doctrines philoso- phiques. II. - DONNEES BIOLOGIQUES ET PHYSIO-. LOGIQUES. III. - PERCEPTION ET INFORMATION. IV.- PERCEPTION ET AFFECTIVITE; PER- ·. CEPTION ET ACTIVITE. PREMJ;ERE PARTIE PLACE Di LA PERCEPTIO~ DANS LA PHILOSOPHIE OCCIDENTALE CHAPITRE I: L'ANTIQUITE La perception comme instrument : Etude normative de la perception comme instrument de connaissance. A - Les qualités sensibles et les formes ; perception par contact et perception à dis- tance: la perception .comme instrument de connaissance théorique. 1. Les qualités sensibles et les éléments chez les Physiologues ioniens: Thalès, Anaxi- mandre, ,Anaxiimlne; caractère positif de devenir. 2. Structures fixes: critique éléatique du devenir, doctrine pythagoricienne des nombres idéaux, théorie platonicienne archétypes . B - Le schème hylémorphique chez Anstote: sensibles propres, sensibles communs, sens1bles par accident. 1. Principe général ; critique des idées sé- parées et notion d'individu; forme et matière, puissance et acte. 2. Les sensibles propres; opération com- mune du sentant et du senti . 3. Les sensibles communs et les sensibles par accident. 4. Théorie· inductive de la connaissance conceptuelle . C - Préoccupations éthiques, pratiques, so- tériologiques. 1. La sensation élémentaire comme critère absolu dans l'épicurisme . 2. La perception du rythme cosmique dans la sagesse stoïcienne • 3. Portée méthodologique de la critique chrétienne ·de la connaissance par les sens ; la perception du prochain . CHAPITRE II : PERIODE CLASSIQUE RATIONALISME CLASSIQUE ET EMPIRISME Etude de la perception comme opération. A - Rationalisme classique ; critique des sens et communication des substances : 1. Descartes. 2. Malebranche, Spinoza, Leibniz. B - Sensation et perception dans la doctrine : empiriste. 1. Locke et Berkeley ; rôle des associations de sensations • 2. Doctrine de Hume ; rôle de l'habitude ; : portée de la perception . . 3. Caractères communs du rationalisme et · de l'empirisme . c - Le relativisme : sensibilité et formes a priori chez Kant. CHAPITRE III : RECHERCHES ET THEORIES MODERNES La perception comme fonction et effet. A - Spiritualisme et théories de l'intuition; · rôle de l'activité du sujet. -. 1. Renaissance du réalisme : Reid, Hamil- ton. 2. L'activité du moi dans la perception : . Destutt de Tracy, Maine de Biran, Victor : Cousin. · 3. Théorie bergsonienne de l'intuition. B - Psycho-physique et psycho-Physiologie: recherche des conditions élémentaires de la. perception; méthode synthétique et mé- . thode expérimentale. 1. Psycho-physique · et mesure de la sensa- ' sa.tion. · 2. Méthode psycho-physiologique. .. 3. Portée de la. connaissance perceptive : réalisme ou nominalisme . G. SIMONDON : L.A. PERCEPTION 569 · c - Psychologie de la forme • 1. Les qualités de forme . 2. Portée de la connaissance perceptive . s. Effets perceptifs manifestant le primat des ensembles ; 4. Les effets de champ : lois particulières . Dans l'Antiquité, la perception a joué un rôle majeur comme soubassement de la ré- flexion philosophique parce qu'elle était, avant le développement des sciences physiques et naturelles, le principal mode de connaissance du monde. Au contraire, après la découverte de la mécanique, l'époque classique a trouvé une source de savoir déductif et constructif indépendant de tout exercice préalable de la perception : le rationalisme cartésien peut étudier le fonctionnement supposé des organes des sens sans préoccupation logique ou nor- mative: la source du vrai est ailleurs; le rôle de la perception dans la problématique rétlexive devient alors mineur, même au sein de l'empirisme ou du criticisme. Enfin, le posi- tivisme et les progrès de la biologie redonnent aux problèmes perceptifs une importance pri- mordiale, parce qu'ils découvrent dans la per- ception, humaine aussi bien qu'animale, une activité fonctionnelle, vivant rapport entre l'organisme et le milieu ; le schème de cette fonction peut alors servir de modèle pour in- terpréter d'autres fonctions comme l'activité ou la mémoire ; la perception redevient ainsi. à l'époque moderne et c:·ontemporaine, un prin- cipe d'intelligibilité, non plus comme source de paradigmes logiques et critère de la con- naissance vraie, mais comme point de départ d'une t!J.éorie des rapports entre l'organisme et le milieu. Grâce à son ampleur et à sa re- cherche d'universalité, cette démarche, parti- culièrement avec la psychologie de la Forme, retrouve et redistribue les principaux aspects des fonctions perceptives qui avaient été dé- couverts dans l'Antiquité gréco-latine. En résumé, les philosophes anciens ont éla· boré une logique de la perception ; leurs suc- cesseurs de l'époque classique ont ajouté à la' critique logique une étude physiologique ; en- fin, à partir du début du XIX" siècle surtout, s'est développée une étude proprement psy- chologique ou psycho-biologique. Est-il possible d'isoler des problèmes per- ceptifs les questions relatives à la sensation ? Non, ce serait projeter arbitrairement sur un long passé de cheminement intellectuel une préocupation assez récente de distinction de niveaux ; en fait, pour les Anciens, la qua- lité sensible et même le plaisir et la douleur sont liés à la saisie des formes et des objets ; la critique des sens comme pouvoirs d'illusion, puis d'égarement et de dégradation de l'es- prit ,se prolonge, à travers plusieurs change- ments de signification, du Gorgias jusqu'au Discours de la Méthode en passant par les Confessions et la Cité de Dieu. Inversement, le large accueil que les Physiologues ioniens fai- saient dans leur cosmologie aux qualités sen- sibles se retrouve dans la confiance que les Epicuriens accordent aux données des sens et dans la place que tiennent plaisir et douleur à la base de leur éthique. CHAPITRE 1 L'ANTIQUITÉ A. - LES QUALITÉS SENSIBLES ET LES FORMES; PERCEPTION PAR CONTACT ET PERCEPTION A DISTANCE Les Anciens avaient besoin de la percep- tion comme d'un instrument indispensable pour connaître le Monde et accessoirement l'Homme ; aussi, il ne se trouve guère chez eux de critique radicale de la perception qui ne soit en même temps une critique de tout le savoir, conduisant au scepticisme. Mais s'il n'existe qu'un seul mode de refus radical, com- parable à celui du doute méthodique et même hyperbolique, de nombreux modes d'accepta- tion et d'utilisation du savoir perceptif sont possibles, parce qu'il existe plusieurs espèces de perception. Aussi, on pourrait affirmer sans Paradoxe que les grands courants philoso- phiques de l'Antiquité analysent à leur ma- nière la perception, par leur diversité et leurs luttes : chaque école a choisi, comme modèle de la connaissance vraie, l'un des aspects prin- cipaux de la perception, en essayant de le développer jusqu'à ses dernières conséquences et d'en faire sortir une vision cohérente du monde. On doit comprendre, en effet, que la situa- tion de la perceptiqn par rapport aux autres sources du savoir ou de la croyance est deve- nue privilégiée avec la naissance de la philo- sophie occidentale, avant de reperdre ce pri- mat lorsque &'est développée la pensée à fon- dement religieux issue du christianisme. En un certain sens, l'aurore de la philosophie grecque coïncide avec le choix inconditionnel de la perception comme unique source de connaissance ; avant ce choix, ou en dehors de lui dans les doctrines initiatiques, ce sont les mythes, les traditions, les croyances col- lectives de chaque ethnie qui forment la base des cultures. Ce choix n'est ni spontané, ni naif, ni primitif ; il a été rendu possible par lïlo situation « transculturelle » des cités d'Ionie où se rencontraient des navigateurs, des mar- l:W'!~· .... ,\iO:: <'· 570 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE chands, ·des architectes étendant leur activité 'à travers le monde méditerranéen, jusqu'aux confins des pays Barbares et aux limites im- précises d'un Orient lointain. Cette universa· lité opératoire ne peut se contenter de tra• duire les structures cognitives d'une cité par- ticulière en celles d'une autre cité ; au-dessus de tous ces langages privés que sont les cultu- res locales, les navigateurs installent un sys- tème doué de la puissance de l'universel, co- extensif, comme source de représentation, à leur action œcuménique, indéfiniment exten- sible, poussant toujours plus loin l'exploration des contrées inconnues, rencontrant des peu- ples nouveaux ; pour l'Homme, comme pour les vivants les plus élémentaires, le dévelop- pement moteur précède et stit_nule le travail cognitif. Le «miracle grec» s'est produit lors- que le brassage des coutumes, des croyances, des religions, des techniques, a rendu inutili- sables les instruments primitifs de représen- tation cognitive et de communication : ceux des cités et des ethnies particulières ne peuvent représenter et traduire que des transforma- tions « adiabatiques », sans échanges avec l'extérieur, sans élan vers l'universalité ; or, les navigations ioniennes sont précisément le principe même de l'accueil du nouveau ; poé- sie, croyances, rites et religions, mythes et in- terdits, sont incapables de fournir des struc- tures d'interprétation indéfiniment dilatables et enrichissables pour accueillir et intégrer l'information neuve que le voyage apporte. Une simple planche découpée où l'on figure par des incisions les contours du rivage et les embouchures des cours d'eau vaut mieux, pour le navigateur, que les théogonies poé- tiques ; car cette planche, symbole perceptif, intègre un savoir cumulable ; uploads/Philosophie/ simondon-gilbert-la-perception-pdf.pdf

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