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A. Brenner – 2019/2020 V22PH5 T E X T E 9 Ernest Renan (1890), L’avenir de la science : pensées de 1848, Paris, Calman-Lévy, 1925 ; Section XV, pp. 257-259. « Je dois, pour compléter ma pensée et bien faire comprendre ce que j’entends par une philosophie scientifique, donner ici quelques exemples, desquels il ressortira, ce me semble, que les études spéciales peuvent mener à des résultats tout aussi importants pour la connaissance intime des choses que la spéculation métaphysique ou psychologique. Je les emprunterai de préférence aux sciences historiques ou philologiques, qui me sont seules familières, et auxquelles est d’ailleurs spécialement consacré cet essai. Ce n’est pas que les sciences de la nature ne fournissent des données tout aussi philosophiques. Je ne crains pas d’exagérer en disant que les idées les plus arrêtées que nous nous faisons sur le système des choses ont de près ou de loin leurs racines dans les sciences physiques, et que les différences les plus importantes qui distinguent la pensée moderne de la pensée antique tiennent à la révolution que ces études ont amenée dans la façon de considérer le monde. Notre idée des lois de la nature, laquelle a renversé à jamais l’ancienne conception du monde anthropomorphique, est le grand résultat des sciences physiques, non pas de telle ou telle expérience, mais d’un mode d’induction très général, résultant de la physionomie générale des phénomènes. Il est incontestable que l’astronomie, en révélant à l’homme la structure de l’univers, le rang et la position de la terre, l’ordre qu’elle occupe dans le système du monde, a plus fait pour la vraie science de l’homme que toutes les spéculations imaginables fondées sur la considération exclusive de la nature humaine […]. La géologie, en apprenant à l’homme l’histoire de notre globe, l’époque de l’apparition de l’humanité, les conditions de cette apparition et des créations qui l’ont précédées, n’a-t-elle pas introduit dans la philosophie un élément tout aussi essentiel ? La physique et la chimie ont plus fait pour la connaissance de la constitution intime des corps que toutes les spéculations des anciens et modernes philosophes sur les qualités abstraites de la matière, son essence, sa divisibilité. La physiologie et l’anatomie comparées, la zoologie, la botanique, sont à mes yeux les sciences qui apprennent le plus de choses sur l’essence de la vie, et c’est là que j’ai puisé le plus d’éléments pour ma manière d’envisager l’individualité et le mode de conscience résultant de l’organisme. Les mathématiques elles-mêmes, bien que n’apprenant rien sur la réalité, fournissent des moules précieux pour la pensée, et nous présentent, dans la raison pure en action, le modèle de la plus parfaite logique […]. Le plus haut degré de culture intellectuelle est, à mes yeux, de comprendre l’humanité. Le physicien comprend la nature, non pas sans doute dans tous ses phénomènes, mais enfin dans ses lois générales, dans sa physionomie vraie. Le physicien est le critique de la nature ; le philosophe est le critique de l’humanité. Là où le vulgaire voit fantaisie et miracle, le physicien et le philosophe voient des lois et de la raison. Or cette intuition vraie de l’humanité, qui n’est au fond que la critique, la science historique et philologique peut seule la donner. » uploads/Philosophie/ texte-3-renan.pdf

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