1 Philosophie morale Les émotions morales, de l’Antiquité à l’Éthique de la ver

1 Philosophie morale Les émotions morales, de l’Antiquité à l’Éthique de la vertu Olivier RENAUT 2018-2019 Transcription : Philippe Mallard – philippe.mallard@parisnanterre.fr 2 3LPH708 – Philosophie morale – CM – 2h hebdomadaires Olivier RENAUT– orenaut@parisnanterre.fr Les émotions morales, de l’Antiquité à l’Éthique de la vertu La dimension émotive comprise parfois dans les jugements moraux, souvent réfutée comme une source hétéronome du jugement, a reparu dans certaines éthiques se réclamant certes davantage de Hume que de Kant, mais aussi davantage des Anciens que des Modernes. Pourtant, même si certaines émotions apparaissent dans le discours philosophique comme des adjuvants ou des signes de moralité dans l’Antiquité, la variabilité de leur contenu et de leur signification dans le temps (on pourrait dire leur « idéologie » sous-jacente) pose la question de leur usage dans la société contemporaine. On étudiera ainsi plus spécifiquement les cas de la colère et de la honte, qui demeurent des cas limites aussi bien pour Platon et Aristote que pour Williams ou Nussbaum, et révèlent des lignes de fracture importantes en éthique relativement à la conception du soi, de sa vulnérabilité, et de son attente de justice. Bibliographie : (Des compléments bibliographiques seront donnés à chaque séance.) PLATON, Gorgias, trad. S. Marchand & P. Ponchon, Les Belles Lettres, 2017. ARISTOTE, Éthique à Nicomaque (surtout les livres II et VII), trad. R. Bodéüs, Paris, Flammarion 2004, Rhétorique (le livre II), trad. P. Chiron, Paris, Flammarion, 2007. TAPPOLET C., Emotions et valeurs, Paris, France, Presses universitaires de France, 2000. WILLIAMS, B. La honte et la nécessité, [1993] trad. J. Lelaidier, Paris, Presses Universitaires de France, 1997. NUSSBAUM, M., Hiding from Humanity : Disgust, Shame and the Law, Princeton, Princeton University Press, 2004. [L’ouvrage est disponible entièrement en ligne à partir du portail documentaire. Il n’est malheureusement pas traduit en français ; de la même auteure, on lira en français NUSSBAUM M., La fragilité du bien: fortune et éthique dans la tragédie et la philosophie grecques [2001], Roland Frapet et Gérard Colonna d’Istria (trad.), Paris, Éditions de l’éclat, 2016.] 3 Cours n°1 – 12 septembre 2019 Présentation d’Olivier Renaut, spécialiste de philosophie ancienne (Platon). Intérêts de recherche : la réappropriation des anciens dans la philosophie morale contemporaine anglo- saxonne (Anscombe, Nussbaum). Plan flottant, car le but du cours : faire un séminaire généraliste sur la philosophie morale, avec des rappels approfondis de certaines notions de philosophie morale de l’Antiquité qui réapparaissent dans la philo moderne contemporaine. Biais des émotions morales de l’Antiquité à l’éthique de la vertu (pour faire le plus large possible). Platon, Aristote avec quelques détours sur Hume et Kant. But : introduction à certaines théories morales contemporaines dont certains auteurs sont traduits, mais peu connus. Présentation du fonctionnement du cours. Information sur le mémoire (cf. annexe du livret de Master). Nécessité de choisir rapidement directeur/rice de mémoire pour commencer bibliographie, plan, plan de lecture. Risque de découragement… Il faut soutenir en juin, on ne peut pas soutenir en septembre. Le cours va évoluer par rapport au descriptif du livret du fait de la nécessité de faire des rappels approfondis de notions centrales. La bibliographie est indicative. Les textes seront mis en ligne pour constituer une anthologie. Les dialogues de Platon les plus utilisés : La République et Gorgias. L’Ethique à Nicomaque d’Aristote (plutôt la traduction de R. Bodéüs que celle de Tricot). Pour Platon, la traduction de Luc Brisson (moins bonne pour le Gorgias). Concernant la philosophie « Ethique de la vertu », on va très peu l’étudier en tant que courant pour une raison subjective : O. Renaut pas convaincu par la solidité de ce courant. En revanche, deux auteurs proches de l’éthique de la vertu, mais qui ne s’y reconnaissent pas : Bernard Williams et Martha Nussbaum (élève de B. Williams) qui peuvent avoir des perspectives absolument opposées, notamment sur la notion de la honte et de la colère. Le livre de Williams, La honte et la nécessité, [1993] pas facile à lire. Autre ouvrage, Problème du moi (anthologie parue aux PUF). Concernant Martha Nussbaum, philosophe américaine qui a écrit des ouvrages très importants à la fin des années 80, le plus important : La fragilité du bien: fortune et éthique dans la tragédie et la philosophie grecques [rééd. 2001], Roland Frapet et Gérard Colonna d’Istria (trad.), Paris, Éditions de l’éclat, [2016]. Autre ouvrage conseillé : Hiding from Humanity : Disgust, Shame and the Law, 2004. Porte spécifiquement sur la notion de honte dans la philosophie morale contemporaine mais aussi ses applications directement en éthique appliquée et dans les institutions juridiques étasuniennes. Son point de départ : scandale du traitement réservé aux prisonniers d’Abou Ghraib. Qu’est-ce qu’on fait avec cet usage du fait de faire honte à la fois dans une norme souple (celle des relations sociales ordinaires dans une société donnée) jusqu’à l’usage de ce traitement de la honte et du dégoût dans les institutions juridiques et pénales. Elle retrace dans une perspective de philo morale de l’Antiquité à nos jours, tous les usages de cette « émotion morale », entre guillemets, puisque elle refuse à la honte le fait d’être une émotion morale (alors que pour Williams, oui). 4 Modalités des épreuves (cf. livret). Epreuve EAD : 4 heures. Dissertation plus un oral. Lire la revue Critique (https://www.cairn.info/revue-critique.htm) pour se donner une idée des recensions critiques d’ouvrages. S’entraîner à l’exercice en 3 ou 4 pages. Séance introductive Introduction : Retour aux anciens pour comprendre la vie bonne. A – Contre la philosophie morale moderne. Point de départ : Elizabeth Anscombe, élève de Wittgenstein a publié un article en 1958 (à lire, traduit en français en ligne) « Modern Moral Philosophy » reçu comme une forme de manifeste : extrait (début de l’article). Article en anglais : http://www.philosophy.uncc.edu/mleldrid/cmt/mmp.html français : http://revue-klesis.org/pdf/Anscombe-Klesis-La-philosophie-morale-moderne.pdf Première thèse : il nous faut une psychologie avant de faire de la morale. Deuxième thèse : « obligation morale et de devoir moral » (cf. Kant). On se débarrasse du kantisme, car « nuisible » d’un point de vue éthique général. Troisième thèse : la philosophie morale moderne occidentale est surdéterminée par un héritage aristotélicien, or, les concepts artistotéliciens lorsqu’on lit Aristote dans le texte ne sont plus applicables à nos propres catégories morales. Thèse contournée, car ce dont il est question, c’est, qu’est-ce que ça veut dire : retourner aux anciens. Le retour aux anciens s’est produit dans les 60’s. Sont apparus comme une espèce de contre-modèle de la philosophie morale jugée dominante au XIXème et au XXème. C’est 5 Anscombe qui est en tête de file (après coup, ce n’est pas Anscombe qui a formalisé la philosophie morale qu’elle appelait de ses vœux). D’autres noms : Alasdair MacIntyre, Julia Annas, Iris Murdoch, Philippa Foot, Rosalind Hursthouse, et plus tard Martha Nussbaum et Bernard Williams. Ce retour aux anciens a porté beaucoup de noms : « éthique de la vertu », « néoaristotélisme » (en philosophie politique), « néostoïcisme » (Martha Nussbaum), « éthique du care », certains courants de l’éthique animale. Ce retour aux anciens se caractérise par une réactivation de la philosophie ancienne contre deux grands courants : le kantisme (morale déontologique) et le conséquentialisme (ou l’utilitarisme) avec John Stuart Mill et Jérémy Bentham. Dans ce tableau de retour aux anciens, certains philosophes font figure de trublions : Hume et Nietzsche utilisés par Williams pour pulvériser le kantisme et le conséquentialisme. Le courant de l’éthique de la vertu, retour aux anciens très spécifique. Gros problème, car la majeure partie de ses représentantes se réclament d’Aristote (très peu de Platon, car l’intellectualisme platonicien ne va pas avec le programme de l’éthique de la vertu, et très peu des Stoïciens). Photos : E. Anscombe (bas à droite), Philippa Foot (haut à droite), Julia Annas (haut milieu), Rosalind Hursthouse (à gauche, au milieu), Iris Murdoch (à gauche, en bas). Reprise de l’article. Comme d’habitude chez Anscombe, elle annonce quelque chose et elle ne le fait pas dans la suite de l’article, donc elle ne va pas démontre chacune de ses trois thèses. Elle va d’abord pulvériser le conséquentialisme de manière un peu malhonnête en lui assénant une critique virulente, puis s’attaque au kantisme de manière expéditive et ensuite on vient à la question de la « vie bonne ». 6 1. La critique du conséquentialisme. La critique du conséquentialisme est expéditive, elle se « réduit » à un petit paragraphe : Commentaire : Pas très facile à décrypter. Anscombe reconnaît à JS Mill le fait d’avoir reconnu chez Aristote l’importance de la recherche d’un bien commun qui puisse dans la communauté politique articuler finement la recherche du bonheur et un calcul (maximiser des biens que l’on pouvait attendre de l’issue de telle ou telle action). Mais dans cet article, elle minore la relation possible que l’utilitarisme peut avoir avec la philosophie aristotélicienne. Elle dénonce chez Mill un aveuglement de la signification réelle de bien et de mal, de vertu, de injuste, de malhonnête, de toutes ces expressions ordinaires qui pour Anscombe sont réduite à un calcul d’intérêt et de bénéfice. Son objection principale c’est uploads/Philosophie/ transcription-philo-morale-renaut-cours-01 1 .pdf

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