Transformation de Fourier sur R Joël MERKER Professeur des universités Départem

Transformation de Fourier sur R Joël MERKER Professeur des universités Département de Mathématiques d’Orsay Bâtiment 425, Faculté des Sciences, F-91405 Orsay Cedex www.math.ens.fr/∼merker/index.html joel.merker@math.u-psud.fr Dans les sections qui vont suivre, nous n’allons pas (tout de suite) utiliser la puissante et sophistiquée théorie de l’intégration de Lebesgue, mais plutôt, nous allons nous restreindre à l’intégration simple au sens de Riemann des fonctions continues. Historiquement parlant, en effet, les transformations de Fourier, de Laplace, ou de Poisson (fort utiles en ingénierie) sont apparues près d’un siècle avant l’aboutissement complet de la théorie abstraite de la mesure. En vérité, les aspects principaux de la transformation de Fourier peuvent être intégralement développés dans le royaume des fonctions les plus lisses et les plus régulières qui soient. Ce n’est que dans un second moment du cours que nous étudierons la transformation de Fourier étendue aux espaces généraux Lp(Rd), et les raisonnements plus délicats que nous aurons alors à conduire dans ce contexte apparaîtront transparents et limpides, pour le plus grand bien de cette si précieuse intuition de compréhension que chacun de nous doit, ressentir, interroger, et cultiver en lui-même. 1. Naissance par analogie de la transformée de Fourier La théorie des séries de Fourier s’applique aux fonctions définies sur le cercle unité, ou, de manière équivalente, aux fonctions 2π-périodiques sur R. Dans ce chapitre, une théorie de Fourier analogue est développée pour les fonctions définies sur R tout entier mais qui ne sont pas périodiques. Les fonctions considérées devront décroître suffisamment rapidement à l’infini pour que les concepts initiaux de la théorie aient un sens. Il y plusieurs manière de caractériser la décroissance à l’infini, décroissance qui sera essentiellement vitale pour la rigueur mathématique. Rappelons que la série de Fourier d’une fonction périodique lui associe une suite de nombres, à savoir les coefficients de Fourier ; mais lorsqu’il s’agit d’une fonction f définie sur R, l’objet analogue associé devra être une autre fonction b f elle aussi définie sur R. Puisque, donc, la tranformée de Fourier d’une fonction sur R est à nouveau une fonction sur R, contrairement aux séries de Fourier, il va y avoir une symétrie fondamentale entre la fonction et sa transformée : f ← →b f. Intuitivement, la transformée de Fourier est une version continue des coefficients de Fourier. En effet, pour toute fonction f de période 1 (au lieu de 2π) : b f(k) := Z 1 0 f(x) e−2iπkx dx (k ∈Z), la variable utilisée précédemment θ = 2πx étant dilatée du facteur convenable, et alors, si la fonction f est suffisamment régulière (par exemple C 1), elle est égale à sa série de 1 2 Joël MERKER, Cours de L3 MFA, Université Paris-Sud Orsay, 2013–2014 Fourier : f(x) = ∞ X k=−∞ b f(k) e2iπkx. Maintenant et de manière très intuitive, tentons une métamorphose de ces formules dans lesquelles on remplace tous les symboles discrets, tels que nombres entiers et sommations, par leurs contreparties continues, telles que nombres réels et intégrales. En d’autres termes, étant donnée une fonction f définie sur R tout entier, définissons sa transformée de Fourier en remplaçant le cercle sur lequelle on intègre par R, et en remplaçant k ∈Z par ξ ∈R, ce qui donne : b f(ξ) = Z ∞ −∞ f(x) e−2iπξx dx. Cette formule va exactement être celle qui définit la transformée de Fourier sur R. Mais poussons encore l’analogie plus loin, et traduisons aussi la formule qui exprime une fonc- tion comme étant égale à série de Fourier : en remplaçant donc la somme par une intégrale, et b f(k) par b f(ξ), nous sommes conduits à une formule qui va s’avérer être vraie : f(x) = Z ∞ −∞ b f(ξ) e2iπξx dξ, et qui sera appelée formule d’inversion de Fourier. En fait, ces deux formules ne seront vraies, au début de la théorie, que sous certaines hypothèses de décroissance à l’infini, et une grande partie de la théorie va consister à s’oc- cuper rigoureusement de questions de convergence. À un niveau supérieur (par exemple en Master 1), la théorie dite des distributions (Sobo- lev, Schwartz) va clarifier considérablement les espaces d’objets mathématiques plus vastes dans lesquels une correspondance f ← →b f s’effectue de manière parfaitement symétrique et satisfaisante, sans restriction. La théorie des séries de Fourier et des intégrales de Fourier a toujours rencontré des difficultés majeures et nécessité un grand appareillage mathématique lorsqu’il s’agit de justifier la convergence des formules. Elle a engendré le développement de méthodes de sommation, bien que celles-ci n’aient pas réellement fournit une solution complète- ment satisfaisante au problème. [. . . ] Pour la transformée de Fourier, l’introduction des distributions, et donc l’introduction de l’espace S [des fonctions à décroissance rapide à l’infini], est inévitable, que ce soit explicitement ou d’une manière cachée. Laurent SCHWARTZ, 1950. Toutefois, il ne sera nullement question ici dans un cours élémentaire de développer la théorie des distributions. 2. Premier éclairage En tout cas, pour une première compréhension en profondeur, il sera utile de faire voir que la formule d’inversion de Fourier : f(x) = Z ∞ −∞ b f(ξ) e2iπxξ dξ, un des buts principaux du cours, peut être démontrée en partant des connaissances acquises sur les séries de Fourier, avec des moyens simples, naïfs, éclairants, dans le cas particulier Premier éclairage (d’après Elias Stein et Rami Shakarchi) 3 mais assez général où la fonction f ∈C 1 c est continûment différentiable à support compact : Supp(f) ⊂]0, T0] (T0 > 0). En effet, pour tout T ⩾T0, on peut introduire la T-périodisation de f, notée F, qui est alors C 1 sur R/(T Z). Le théorème de Dirichlet assure ensuite que F est égale en tout point à sa série de Fourier, ce qui, après renormalisation de l’intervalle [−π, π] en l’intervalle [0, T], fournit (exercice mental) : F(x) = ∞ X n=−∞ b F(n) e2iπ n x T , où les coefficients de Fourier renormalisés sont : b F(n) = Z T 0 F(x) e−2iπ n x T dx T . Maintenant, si on définit donc la transformée de Fourier de f sur R par : b f(ξ) := Z ∞ −∞ f(x) e−2iπxξ dx, dont on se convainc aisément qu’elle est continue par rapport à ξ, il se trouve qu’en ξ = n T , on retrouve à un facteur 1 T près : b F(n) = 1 T b f n T  . Ainsi donc puisque F = f sur l’intervalle [0, T0], la formule laissée en chemin se traduit instantanément en : f(x) = 1 T ∞ X n=−∞ b f n T  e2iπ n x T . Il reste seulement à faire tendre T →∞et à reconnaître des sommes de Riemann (exercice mental) pour obtenir la formule d’inversion de Fourier : f(x) = Z ∞ −∞ b f(ξ) e2iπxξ dξ, dans ce cas précis déjà très général où la fonction f est C 1 c , au moins lorsque b f est inté- grable. Théorème 2.1. La transformée de Fourier de toute fonction continûment différentiable à support compact f ∈C 1 c (R, C) : b f(ξ) = Z ∞ −∞ f(x) e−2iπξx dx, est continue en tant que fonction de ξ à valeurs dans C, et si de plus (hypothèse supplémen- taire), b f est intégrable au sens de Riemann sur R, alors la fonction f d’origine se retrouve grâce à la formule d’inversion de Fourier : f(x) = Z ∞ −∞ b f(ξ) e2iπxξ dξ. 4 Joël MERKER, Cours de L3 MFA, Université Paris-Sud Orsay, 2013–2014 Le principe de permanence formelle des relations dans les espaces fonctionnels abstraits approximés par des sous-espaces vectoriels denses concrets nous permet d’ores et déjà de soupçonner que cette formule d’inversion sera vraie dans des espaces plus généraux. C’est au développement rigoureux de cette intuition d’anticipation que sont consacrées les sections qui suivent, le point mathématique délicat étant qu’il faut souvent faire une hypothèse supplémentaire sur b f. 3. Transformée de Fourier des fonctions à croissance modérée En admettant que l’intégration d’une fonction définie sur un intervalle fermé borné [a, b] ⊂R est connue, la manière la plus naturelle de généraliser l’intégration à des fonc- tions continues sur R tout entier est de définir : Z ∞ −∞ f(x) dx := lim M→∞ Z 0 −M f(x) dx + lim N→∞ Z N 0 f(x) dx. Bien entendu, cette limite peut ne pas exister comme nombre fini dans R, par exemple lorsque f(x) = 1 1+|x|. Toutefois, de telles intégrales convergent lorsque f décroît suffisam- ment rapidement à l’infini, au sens suivant. Définition 3.1. Une fonction continue f définie sur R est dite à croissance modérée s’il existe une constante A > 0 telle que : f(x) ⩽ A 1 + x2, pout tout x ∈R. Par exemple, pour un entier n ⩾2, la fonction 1  (1 + |x|n) est clairement à croissance modérée. Autre exemple : la fonction e−a|x| avec a ∈R∗ + (exercice mental). On vérifie aisément que l’ensemble des fonctions à croissance modérée forme un uploads/Philosophie/ transformee-de-fourier.pdf

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