Monsieur Ludwig Wittgenstein Remarques sur "Le Rameau d'or" de Frazer In: Actes
Monsieur Ludwig Wittgenstein Remarques sur "Le Rameau d'or" de Frazer In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 16, septembre 1977. Questions de politique. pp. 35-42. Citer ce document / Cite this document : Wittgenstein Ludwig. Remarques sur "Le Rameau d'or" de Frazer. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 16, septembre 1977. Questions de politique. pp. 35-42. doi : 10.3406/arss.1977.2566 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1977_num_16_1_2566 remarques ludwig Wittgenstein SUl de frazer traduction Jean Lacoste Synthèse, vol. 17, 3, sept. 1967. Note sur les manuscrits de Wittgenstein L'oeuvre de Wittgenstein présente cette particularité d'être presque entièrement posthume. En dehors du Tractatus logico-philosophicus , il n'a publié de son vivant qu'un petit article intitulé Some Remarks on Logical Form (1929), qu'il a d'ailleurs désavoué par la suite. On trouvera dans G. H. von Wright, «The Wittgenstein Papers» (The Philosophical Review, octobre 1969, pp. 483-503) le catalogue complet des manuscrits recensés en 1969. Ce catalogue donne une idée de l'importance exceptionnelle du Nachlass de Wittgenstein et de l'abondance de sa production philosophique, qui est sans commune mesure avec ce qu'on avait soupçonné jusqu'à une date récente. La publication de ces papiers posthumes pose des problèmes délicats et n'a sans doute pas fini de susciter des controverses. Wittgenstein n'a donné, sur ce point, aucune instruction précise et laissé à ses exécuteurs littéraires le soin de décider de ce qu'il convenait de publier : «Dans son testament, daté du 29 janvier 1951, Wittgenstein a donné à M.R. Rhees, Miss G.E. M. Anscombe et au professeur G.H. von Wright le copyright de tous ses écrits non publiés avec l'intention que, sur le nombre de ses papiers, nous en publiions autant qu'il nous paraîtrait judicieux de le faire» (von Wright, op. cit., p. 501). La première partie des Remarques sur «Le Rameau d'or» de Frazer provient d'un cahier manuscrit rédigé entre décembre 1930 et juillet 1931 (n° 110 dans la classification de von Wright), qui a servi, avec un certain nombre d'autres, à la préparation du texte dactylographié de 771 p. (datant probablement de 1932) auquel Rhees fait allusion. Cette version dactylographiée correspond à l'un des nombreux stades intermédiaires de remaniement et de réarrangement par lesquels Wittgenstein est passé toute sa vie avant d'arriver, et souvent sans arriver, à une forme qui le satisfasse réellement. La période 1929-1933 semble avoir été la plus prolifique dans toute la période de création de Wittgenstein. L'essentiel des productions relativement achevées qui datent de cette époque de transition est maintenant disponible sous la forme de deux ouvrages publiés : Philosophische Bemerkungen, B. Blackwell, Oxford, 1964 (d'après des manuscrits rédigés en 1929-1930 ; Remarques philosophiques, trad, française par J. Fauve, Paris, Gallimard, 1975) et Philosophische Grammatik, B. Blackwell, Oxford, 1969 (d'après un manuscrit dactylographié préparé probablement en 1933 et désigné sous le nom de «Big Typescript»), qui constitue de beaucoup l'ouvrage le plus long de tous ceux que Wittgenstein nous a laissés. L'intérêt de Wittgenstein pour Le Rameau d'or est attesté, indépendamment des notes publiées en 1967 par Rhees, par les commentaires qu'il a consacrés à Frazer dans ses leçons des années 1930-1933, dont le contenu détaillé nous est connu par les notes de Moore. La date de la deuxième partie des Remarques sur «Le Rameau d'or» est incertaine. Von Wright cite simplement, sur ce point, les indications données par Rhees. Si l'estimation de celui- ci est exacte, les notes de la seconde partie n'ont pas été écrites avant le Cahier Brun et le début de la rédaction des Recherches philosophiques et pourraient être contemporaines de celles que Wittgenstein a rédigées tout à la fin de sa vie (1949-1951) sur la certitude, le doute et le savoir (cf. Ueber Gewissheit (On Certainty) , B. Blackwell, Oxford 1969). Jacques Bouveresse 36 Ludwig Wittgenstein Note préliminaire Le docteur M. O'C.Drury écrit : «C'est en 1930, je crois, que Wittgenstein me dit qu'il avait toujours désiré lire Frazer mais ne l'avait pas fait, et qu'il me demanda de m'en procurer un exemplaire pour lui en lire un peu à haute voix. J'empruntai à YUnion Library le premier volume de l'édition en plusieurs volumes. Nous n'allâmes pas très loin dans cette lecture parce qu'il en parlait très longuement, et, le trimestre suivant, nous ne la reprîmes pas.» —Wittgenstein commença à écrire sur Frazer dans son manuscrit le 19 juin 1931 et il ajouta des remarques pendant les deux ou trois semaines suivantes, bien qu'en fait il écrivît davantage sur d'autres choses (comme la compréhension d'une phrase, la signification, le complexe et le fait, l'intention...). Il se pourrait qu'il ait pris antérieurement des notes dans un carnet de poche, mais je n'en ai pas trouvé. C'est probablement en 1931 qu'il dicta à une dactylographe la plus grande partie des manuscrits écrits depuis juillet 1930, en changeant souvent l'ordre des remarques et les détails de la formulation, mais en laissant tels quels de grands blocs. (Il n'a cessé plus tard de réarranger ce matériau). Ce manuscrit dactylographié de 771 pages comporte une partie des remarques sur Frazer, avec quelques modifications dans l'ordre et la formulation. D'autres remarques se trouvent dans des contextes différents, et quelques-unes ont été écartées. La section dactylographiée sur Frazer commence par trois remarques qui ne lui sont pas jointes dans le manuscrit. Il avait commencé alors par des remarques devant lesquelles il mit plus tard S (schlecht, mauvais) et qu'il ne fit pas dactylographier. Nous pouvons voir pour quelle raison, je pense. La première version était la suivante : «Je crois maintenant qu'il serait juste de commencer mon livre par des remarques sur la métaphysique considérée comme une espèce de magie. Dans lequel cependant je n'ai le droit ni de parler en faveur de la magie, ni de me moquer d'elle. Il faudrait conserver la profondeur de la magie. Oui, l'élimination de la magie a ici le caractère de la magie elle-même. Car, lorsque je commençai jadis à parler du 'monde' (et non de cet arbre ou de cette table), que voulais-je d'autre qu'évoquer dans mon discours quelque chose de plus haut.» Il écrivit le second groupe de remarques, -de simples notes-, des années plus tard ; pas avant 1936 et probablement après 1948. Elles sont écrites à la plume sur divers morceaux de papier ; il avait probablement l'intention d'insérer les plus petits dans l'exemplaire de l'édition en un volume du Rameau d'or qu'il utilisait. Miss Anscombe les découvrit après sa mort parmi ses affaires. Rush Rhees II faut commencer par l'erreur et lui substituer la vérité. C'est-à-dire qu'il faut découvrir la source de l'erreur, sans quoi entendre la vérité ne nous sert à rien. Elle ne peut pénétrer lorsque quelque chose d'autre occupe sa place. Pour persuader quelqu'un de la vérité, il ne suffit pas de constater la vérité, il faut trouver le chemin qui mène de l'erreur à la vérité. Il faut sans cesse que je me plonge dans l'eau du doute. La manière dont Frazer expose les conceptions magiques et religieuses des hommes n'est pas satisfaisante : elle fait apparaître ces conceptions comme des erreurs. Ainsi donc Saint Augustin était dans l'erreur lorsqu'il invoque Dieu à chaque page des Confessions ? Mais -peut-on dire- s'il n'était pas dans l'erreur, le saint bouddhiste -ou n'importe quel autre- l'était tout de même, lui dont la religion exprime de tout autres conceptions. Mais aucun d'entre eux n'était dans l'erreur, excepté là où il mettait en place une théorie. L'idée déjà de vouloir expliquer l'usage -par exemple le meurtre du roi-prêtre- me semble un échec. Tout ce que Frazer fait consiste à rendre vraisemblables les hommes qui pensent de façon semblable à lui. Il est très remarquable que tous ces usages soient au bout du compte présentés pour ainsi dire comme des stupidités. Mais jamais il ne devient vraisemblable que les hommes fassent tout cela par pure stupidité. Lorsque, par exemple, il nous explique que le roi doit être tué dans la fleur de l'âge parce que autrement, d'après les conceptions des sauvages, son âme ne se maintiendrait pas en état de fraîcheur, on ne peut pourtant que dire : là où cet usage et ces conceptions vont ensemble, l'usage ne provient pas de la façon de voir, mais ils se trouvent justement tous les deux là. Il peut bien arriver, et il advient fréquemment aujourd'hui, qu'un homme abandonne un usage après avoir reconnu une erreur sur laquelle cet usage s'appuyait. Mais ce cas n'existe précisément que là où il suffit d'attirer l'attention de l'homme sur son erreur pour le détourner de sa pratique. Or ce n'est pas le cas lorsqu'il s'agit des usages religieux d'un peuple et c'est pour cette raison qu'il ne s'agit pas d'une erreur. Frazer dit qu'il est très difficile de découvrir l'erreur dans la magie -et c'est pour cela qu'elle se maintient si longtemps- parce que, par exemple, un sortilège destiné à faire venir la pluie se révèle certainement, tôt ou tard, efficace. Mais alors il est étonnant précisément que les hommes ne s'avisent pas plus tôt que, même sans cela, tôt ou tard, il pleut. Je crois que uploads/Philosophie/ wittgenstein-sur-frazer.pdf
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- Publié le Nov 13, 2022
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