CLIO. Histoire, femmes et sociétés Numéro 2 (1995) Femmes et Religions ........

CLIO. Histoire, femmes et sociétés Numéro 2 (1995) Femmes et Religions ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Montserrat JUFRESA Savoir féminin et sectes pythagoriciennes ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Montserrat JUFRESA, « Savoir féminin et sectes pythagoriciennes », CLIO. Histoire, femmes et sociétés [En ligne], 2 | 1995, mis en ligne le 01 janvier 2005. URL : http://clio.revues.org/index486.html DOI : en cours d'attribution Éditeur : Presses universitaires du Mirail http://clio.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://clio.revues.org/index486.html Document généré automatiquement le 04 février 2011. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'édition papier. Savoir féminin et sectes pythagoriciennes 2 CLIO. Histoire, femmes et sociétés, 2 | 1995 Montserrat JUFRESA Savoir féminin et sectes pythagoriciennes 1 En feuilletant une histoire de la philosophie, nous avons peu de chances de tomber sur un nom de femme. Nous en avons moins encore s’il s’agit de la partie consacrée à la philosophie grecque, si importante soit-elle. 2 Pourquoi ? La production philosophique et littéraire du monde antique parvenue jusqu’à nos jours est restreinte. Les activités des femmes font partie d’une histoire parallèle et cachée qui, en grande partie, se déroule sans affleurer dans le courant du savoir officiel. Enfin, dans la société grecque, l’accès de la femme au savoir en général, et au savoir philosophique en particulier, rencontre des barrières culturelles, sociales et institutionnelles. 3 Pour tenter de comprendre pourquoi il en est ainsi, quelques remarques préliminaires nous paraissent nécessaires. Elles nous permettront par la suite de mieux mesurer les apports des femmes philosophes pythagoriciennes. Nous expliquerons tout d’abord ce que les Grecs entendaient par sophía, le savoir, la connaissance. 4 Une croyance communément admise affirmait, à l’instar des mythes d’abord, puis des philosophes et des historiens, que l’humanité était périodiquement soumise à des cataclysmes qui entraînaient sa destruction presque totale, mais laissaient survivre quelques rescapés dans une situation de pénurie extrême, ce qui obligeait ceux-ci à réinventer la civilisation. Dans ces circonstances, tous ceux qui surent fournir, grâce à leur intelligence, des réponses ou des outils pour subvenir aux besoins les plus évidents furent nommés sages. Les individus qui, par la suite, surent améliorer les conditions de la vie et la rendre plus belle furent aussi appelés sages. Ce nom fut ensuite attribué à ceux qui conçurent un ordre moral et politique. Plus tard, furent tenus pour sages les hommes qui se consacraient à l’observation de la nature et à la découverte de ses lois. Enfin, passèrent pour sages ceux qui se vouaient à la contemplation des vérités au-delà de notre monde, éternelles et immuables 1. 5 Nous voyons donc que la catégorie des sages comprend des experts dans les domaines les plus variés : depuis l’inventeur de la charrue, le menuisier, le forgeron, le médecin, le prophète, le poète, le sculpteur, l’inventeur de l’alphabet et des chiffres, jusqu’au juge, au législateur, au physiologiste, à l’astronome, au géographe, au mathématicien et, en dernier lieu, au philosophe qui vit dans la contemplation. 6 Aristote dit, au début de la Métaphysique 2, que pour atteindre les derniers et probablement les plus prestigieux degrés de la sagesse, ceux de la Physique et de la Métaphysique, il convient de pouvoir jouir du loisir et laisser de côté le critère d’utilité. Ainsi les stades les plus élevés de la connaissance restent-ils liés à l’absence de travail manuel et d’activité professionnelle. 7 Pour la femme les chances d’accéder à la sagesse sont peu nombreuses. Dans la stricte division sexuelle des tâches que pratique la société grecque, son rôle consiste à procréer les enfants légitimes qui assurent la transmission du statut et du patrimoine. Enfermée dans l’espace privé de l’oíkos, la femme, en général, n’accède qu’au savoir que requièrent les besoins primaires de se nourrir et de se vêtir. Aussi l’art du tissage et le tissu lui-même deviennent-ils des métaphores de cette vie féminine qui se déroule - ou, plutôt, se fige - devant le métier à tisser 3. Une preuve de l’identification de la femme avec le travail domestique, c’est qu’une étymologie proposée pour le mot thugatêr (fille) lui attribue le sens de « celle qui donne à manger » 4 ; une autre étymologie, moins incertaine du point de vue scientifique, mais plus terrible, relie thugátêr à la racine indo-européenne *dwu-, deux 5, ce qui ferait allusion à la place secondaire de la femme au sein de la famille, tout comme le suggère le fait qu’au moment de la naissance les filles étaient refusées par le père de façon plus fréquente que les garçons. 8 L’accès de la femme à la parole - logos - est donc difficile car celle-ci se déroule à l’agora et à l’assemblée, lieux publics où prennent naissance les manifestations élaborées du savoir Savoir féminin et sectes pythagoriciennes 3 CLIO. Histoire, femmes et sociétés, 2 | 1995 comme l’art oratoire, la philosophie et la politique. En revanche, l’accès au logos devient plus facile pour la femme dans le champ de la religion car, à certains moments de sa vie, lorsqu’elle ne possède pas encore sa capacité procréatrice ou lorsqu’elle l’a perdue, elle peut participer activement au culte de la divinité 6. 9 Dans l’espace religieux, où se manifestent les arts de la prophétie et de la poésie, s’ouvrent donc les premières voies conduisant la femme à la possession d’un logos. Le mythe et l’histoire en font état. Les premières femmes savantes furent des prophétesses ou des poétessses. Citons Hippô, fille du sage centaure Chiron et mère de la savante Mélanippê, dont parle Euripide en disant qu’ » elle chantait des hymnes prophétiques indiquant aux mortels des remèdes qui les délivraient de leurs souffrances » 7. Citons de même Thémistocléa, la prêtresse de Delphes, dont Pythagore aurait appris les principes éthiques 8, Théanô, épouse et disciple de Pythagore, qui était aussi poétesse 9, la vénérée Sapho 10, et Diotime l’étrangère de Mantinée, qui soutint un dialogue avec Socrate au sujet de l’amour 11. 10 De façon très exceptionnelle, et protégée non plus par les murs de l’oíkos, mais par l’espace et les normes de la religion, la femme a donc pu avoir accès au deuxième niveau de la sagesse, celui qui sert à rendre plus belles et plus satisfaisantes les conditions de vie. C’est ainsi que la poésie, toujours associée dans le monde grec à la musique et à la danse, put être pratiquée par les femmes, et c’est dans ce champ du savoir que nous trouvons les témoignages les plus nombreux de leur activité. Outre Sapho, on peut citer Corinne, Erinna, Nassis de Locres, Anytê, Myrtis, Hélydê, dont l’Anthologie Palatine conserve de nombreux fragments de leurs œuvres. La prophétie, qui elle aussi s’exprime en vers, exerce une fonction bienfaisante car, du fait qu’elle dévoile le futur ou qu’elle interprète les fautes du passé, elle aide à rendre plus supportable le présent. À l’oracle d’Apollon à Delphes et à celui de Zeus à Dodone, c’étaient des femmes qui communiquaient la volonté du dieu 12 et nous avons déjà vu que les noms de certaines nous sont parvenus entourés d’une auréole de prestige. La poésie et la prophétie sont aussi, dans l’Antiquité, des activités qui pourraient être qualifiées d’utiles car elles opèrent dans des champs comme la beauté et la bonté, qualités attribuées à la femme par une partie de la tradition. 11 L’appréciation que porte la société grecque sur le genre féminin est pour le moins ambiguë. Quand le poète Hésiode explique dans sa Théogonie 13 la naissance de Pandore, la première femme, il la décrit comme un « mal si beau » et un « piège profond et sans issue » et il affirme que « c’est de celle-là qu’est sortie la race, l’engeance maudite des femmes, terrible fléau installé au milieu des hommes mortels ». Dans Les Travaux et les Jours 14 Hésiode révèle qu’Hermès infusa dans le sein de la femme « mensonges, paroles trompeuses et cœur artificieux ». Tout au plus Hésiode accorde que « celui, en revanche, qui dans son lot trouve le mariage, peut recontrer sans doute une bonne épouse de saint jugement ; mais, même alors, il voit toute sa vie le mal compenser le bien » 15. 12 Plusieurs siècles plus tard, Euripide, le poète qui décrivit tellement de femmes - et des femmes si passionnées - fait dire à un de ses personnages, la sage Mélanippe : uploads/Philosophie/ savoir-feminin-et-sectes-pythagoriciennes.pdf

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