M. Wittling Ontogenèse du schéma corporel chez l'Homme In: L'année psychologiqu

M. Wittling Ontogenèse du schéma corporel chez l'Homme In: L'année psychologique. 1968 vol. 68, n°1. pp. 185-208. Citer ce document / Cite this document : Wittling M. Ontogenèse du schéma corporel chez l'Homme. In: L'année psychologique. 1968 vol. 68, n°1. pp. 185-208. doi : 10.3406/psy.1968.27604 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1968_num_68_1_27604 ONTOGENÈSE DU SCHÉMA CORPOREL CHEZ L'HOMME par Marcelle Wittling Aborder la question de « l'ontogenèse du schéma corporel chez l'homme », c'est s'engager dans un domaine étrange plein de confusion. En effet, selon les auteurs, le terme employé est différent et son contenu aussi lorsqu'on a le bonheur de le trouver défini. Somatopsyché (Wernicke-Foerster, 1894), schéma postural (Head, 1926), image de soi (Van Bogaert, 1934 ; Tournay, 1959), notion du corps propre (Wallon, 1931), conscience de soi (Wallon, 1932 ; Lézine, 1951 ; Lévine, 1958), image du moi corporel (Lhermitte, 1942), schéma corporel (Schilder, 1950 ; Spionek, 1961), représentation du moi physique (Burstin, 1957), image du corps et conscience de soi (R. Zazzo, 1962), corps vécu (Trillat, Ghasseguet-Smirguel, 1963), image de sa propre personne (Köhler, 1965), représentation de soi (B. Zazzo, 1966), consti tuent tantôt les diverses désignations d'une même chose, tantôt la même appellation de phénomènes divers que Lhermitte (1939) englobait sous le terme général de « l'image de notre corps ». En réalité, il semble qu'on puisse déjà dégager, à travers la flui dité de cette notion, trois niveaux d'étude : l'un à dominante physique, l'autre plus psychologique, le troisième plus social. 1) L'image de notre corps, c'est d'abord « l'image de soi, le sent iment complexe mais fort et toujours présent à la frange de la cons cience de notre personnalité physique..., l'image de notre moi corporel, de notre corps de chair » (Lhermitte, 1939). Ce niveau est particulièrement intéressant pour nous, car il apparaît en premier dans le développement de l'enfant. 2) L'image de notre corps, c'est ensuite le « problème de l'identi fication et donc, inévitablement, du « Moi ». Le Moi est avant tout une « réalité psychique », donc un « processus psychique » au sens le plus classique du terme » (Nacht, 1956). Ce niveau a été particulièrement étudié par les psychanalystes, à la lumière des travaux de Freud qui, notons-le bien cependant, n'a laissé aucun écrit sur cette question. 3) L'image de notre corps, c'est enfin « une manière d'être et de penser, la façon dont les jeunes construisent la représentation qu'ils ont d'eux-mêmes dans l'exercice plus ou moins réfléchi de leurs rôles » (B. Zazzo, 1966). Ce niveau, déjà plus évolué, est postérieur au précé- 186 REVUES CRITIQUES dent, car il fait appel à l'introspection, au langage ; de ce fait, son étude ne peut être menée que sur des sujets plus âgés. On est un peu déçu de constater qu'une si faible place soit réservée à l'étude de la formation de l'image du corps chez l'enfant normal. C'est cette optique génétique que nous voudrions valoriser dans le présent article, en nous limitant essentiellement à un aspect de la question : celui de l'image de notre corps physique. Nous décrirons d'abord les techniques d'exploration qui nous conduiront ensuite à nous placer à deux points de vue différents : 1. Celui de l'observation directe qui nous renseigne sur les différentes étapes de l'acquisition de l'image de notre corps ; 2. Celui de la psychologie expérimentale qui nous renseigne sur les mécanismes de cette acquisition. A) LES TECHNIQUES D'EXPLORATION DE L'IMAGE DE NOTRE CORPS On peut distinguer : 1. L'exploration directe, toujours fragmentaire (moyens psychotechn iques) ; 2. L'exploration indirecte, plus globale (dessins du corps humain). I. — L'exploration directe La plupart des échelles de développement mental à la suite de Binet-Simon (1920) font usage d'items qui consistent à faire montrer ou nommer des parties du corps. La construction ou la connaissance du corps a également été étudiée sur profil ou sur mannequin (Merrill-Palmer, 1956 ; Borel-Maisonny, 1960 ; Borelli-Oléron, 1964). Le test d'imitation de gestes de Bergès-Lézine (1963) permet de suivre l'étude de l'organisation praxique entre 3 et 6 ans. L'étude des gestes dans l'espace est comparée dans cette batterie aux premiers repérages droite- gauche, à la connaissance des parties du corps et à la représentation graphique du corps. L'imitation des mouvements dans l'espace permet de mettre en évidence les aspects figuratif et opératif de l'épreuve. Complémentaire du test précédent, le test de schéma corporel de Daurat-Hmeljak, Stambak, Berges (1966) a pour but de contribuer à la « connaissance du versant gnosique du schéma corporel, dans son aspect de représentation ». Il consiste en une étude génétique (4 à 14 ans) de quatre images différentes : corps de face, visage de face, corps de profil, visage de profil. D'autres épreuves font appel à des mouvements plus fins. L'étude sur l'imitation de la motricité faciale de Kwint (1934) — étalonnage français de M. Stambak — est directement liée à la maturation motrice proprement dite. MARCELLE WITTLING 187 La localisation volontaire des mouvements digitaux de Rey (1952) permet de mettre en valeur l'évolution des synergies et des syncinésies au niveau des doigts. Les investigations sur la connaissance des doigts se retrouvent dans l'échelle de Merrill-Palmer (1956) ou dans la batterie d'Ozeretzki (1936), dans des épreuves où se mêlent la dextérité et la bonne orientation par rapport aux doigts. Benton (1951) étudie d'une manière plus précise les gnosies digitales (test étalonné en France par N. Granjon-Galifret). Benton (1951) donne des techniques très précises appliquées à des sujets de 4 ans 6 mois à 10 ans en ce qui concerne les investigations portant sur l'évolution génétique de la latéralité. Les épreuves font alterner les réponses yeux ouverts et yeux fermés sur soi et sur autrui. La batterie Head-Piaget (1953) — remaniée par N. Granjon-Galif ret (1960) — comporte une série d'épreuves portant sur l'imitation du mouvement de l'observateur face à face, l'exécution de mouvements sur ordre oral et la représentation de mouvements sur figures schémat iques (enfants de 6 à 12 ans). II. — L'exploration indirecte L'exploration de l'image de notre corps par le dessin est importante car c'est une preuve, dit Lhermitte (1939), que le schéma de notre corps est monté pièce par pièce. On peut ainsi distinguer les étapes chrono logiques de la connaissance qu'ont les enfants de leur corporalité et de celle de leurs semblables. Deux techniques sont utilisées : le dessin spontané, et le dessin sur commande. Le « dessin sur commande » constitue une technique d'exploration de l'image du corps chez l'enfant. Parmi les tests les plus connus, nous relevons trois niveaux d'étude : 1) Les épreuves correspondant à l'image du corps physique où le sujet est seul représenté (test du bonhomme de Goodenough, 1936, feuille de dessins Prudhommeau, par exemple, 1947) ; 2) Les épreuves correspondant à l'image du corps sociale où le sujet est représenté « en situation » (dessin de la famille, D. 10 de J. Le Men, 1966) ; 3) L'image du corps psychique peut être saisie à la fois à travers les deux niveaux précédents. B) L'IMAGE DE NOTRE CORPS PHYSIQUE I. — Les apports de l'observation clinique comportementale De nombreux auteurs se sont efforcés de décrire minutieusement les étapes de l'éveil à la vie du nourrisson, depuis sa naissance jusqu'à la prise de conscience de sa corporalité. Wallon (1932-1962), Lher- 188 REVUES CRITIQUES mitte (1939), Gesell (1949), Piaget (1956), Spitz (1957), Zazzo (1962), pour n'en citer que quelques-uns, nous fournissent des données précieuses et concordantes, à tel point qu'il est difficile de déterminer en quoi réside l'originalité de l'un par rapport à l'autre. Le comportement du nouveau-né est caractérisé par l'incertitude, l'incoordination des mouvements du bébé qui crie, agite ses membres en tous sens et paraît être démuni totalement de toute notion de spatialité. Entre 2 et 6 mois, l'enfant commence à prendre conscience de ses membres dès que ceux-ci apparaissent dans son champ perceptif visuel ; dès la douzième semaine pour les uns, la quinzième pour les autres, on observe un déplacement des yeux vers les membres qui s'agitent, ce qui sans doute témoigne d'un effort de connaissance, de discrimination, de perception de la profondeur (Spitz, 1963). Tournay (1924) fait observer que l'enfant ne s'intéresse pas également à toutes les compos antes de son corps, mais seulement à certaines parties. Cet auteur fait remarquer que ce n'est qu'au quatrième mois que le nourrisson fixe son attention sur sa main droite, regarde ses doigts s'agiter et s'intéresse visiblement au jeu de ces organes, alors que la main gauche paraît laissée à l'abandon. Les mouvements qui amusent le bébé demeurent jusqu'au cinquième mois purement automatiques et réflexes (Wallon, 1932 ; Piaget, 1956 ; Spitz, 1957). Ce décalage entre la recherche de la conscience de sa corporalité droite et gauche se retrouve pour les segments supérieur et inférieur du corps. Si l'enfant de trois mois commence à suivre du regard le déplace ment de ses mains, il faut patienter encore deux mois pour le voir s'intéresser aux mouvements de ses pieds. Cette différence, nous dit Lhermitte (1939), n'a rien pour nous surprendre puisque, « très évidem ment, les membres inférieurs uploads/Philosophie/ wittling-ontogenese-du-schema-corporel-chez-l-x27-homme.pdf

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