SERGE BRAMLY RUDOLF STEINER PROPHÈTE DE L’HOMME NOUVEAU RETZ POCHE Photo de cou

SERGE BRAMLY RUDOLF STEINER PROPHÈTE DE L’HOMME NOUVEAU RETZ POCHE Photo de couverture : Rudolf Steiner (1916). Copyright Philosophisch-Anthroposophischer Verlag, Gœtheanum, CH-4143 Dornach/Schweiz Maquette de couverture : Régis Macioszczyk © Retz, 1976 © Retz-poche, 1990 SOMMAIRE Steiner, le prophète. Du sensible au surnaturel. L’autre monde. Le mystère vivant. Le “volcan” viennois. La sagesse des simples. Les “Rois Mages”. Gœthe et le “Traité des Couleurs”. Haeckel, une énigme humaine. Nietzsche, un lutteur contre son temps. À propos de la “philosophie de la liberté”. De la théosophie à l’anthroposophie. Steiner et le Christ. La société allemande de théosophie. La science et le principe vital. Le cycle de Paris. La rupture. “Théosophie” et “initiation”. Autour de Gœtheanum. Le théâtre de l’âme. Le chant des mouvements. La maison johannique. Au cœur de la tourmente. L’évolution d’une pensée : Steiner et la pédagogie. Rayonnement. La dernière épreuve. Les graines de l’avenir. La médecine anthroposophique. Annexes STEINER LE PROPHÈTE Rudolf Steiner… pour les Français qui ne connaissent ni l’homme ni son œuvre, voici un nom qui chante à lui tout seul les belles sonorités de la poésie romantique allemande. Ou encore, pour celui qui cherche le secret des noms propres, le jeu de la sémantique lui fera voir une vocation bien prédestinée : « Steiner », l’homme de la pierre… sur laquelle se bâtirait tout un édifice que l’on pourrait facilement imaginer être celui d’une civilisation nouvelle : l’ère michaélique proposée, annoncée justement à la fois sur le plan pratique et spirituel par Rudolf Steiner, une ère de lumière divine et d’amour. Mais, bien plus encore, un autre nom sur lequel réfléchir, qui pénètre peu à peu (et, semble-t-il, d’une façon exponentielle, mais nous y reviendrons) tous les milieux, un autre nom forgé par Rudolf Steiner lui-même : anthroposophie. Ce terme résume son œuvre, la multiplicité de ses recherches et de ses découvertes qui n’ont pas fini d’étonner les humains du XX e siècle et qui sont toutes tendues vers un but unique. Ce but ? Donner aux générations présentes et futures une nouvelle sagesse (ou conscience) de l’homme, une connaissance totale de cet « anthropos ». Ajoutons au passage qu’il est bien significatif d’ailleurs qu’un membre de la nouvelle école d’anthropologie française, Louis-Vincent Thomas, ait proposé dans son ouvrage Anthropologie de la mort (Payot, 1975) ce même terme d’anthroposophie à la réflexion de nos contemporains comme aboutissement de ses travaux sur notre société « mortifère » (qui tue ou laisse mourir) : « Il est permis d’espérer qu’une démarche unitaire s’achèverait en une “anthroposophie”, synthèse de l’art du bien-vivre et du bien-mourir. » C’est justement cette démarche unitaire qui constitue celle de l’anthroposophie de Rudolf Steiner : « L’anthroposophie, dit-il, est un chemin de connaissance qui veut réunir l’esprit dans l’homme à l’esprit dans l’univers. » Qu’il nous soit permis de considérer que cette démarche commence avec la naissance de Rudolf Steiner en 1861. Rudolf Steiner est l’enfant d’un siècle qui n’est pas simplement celui d’Offenbach. Curieusement – mais les surréalistes nous ont appris que le hasard est objectif –, cette même année naquit l’unique enfant de Jules Verne, Michel. Rudolf Steiner aurait pu être le fils spirituel de Jules Verne : comme le grand romancier, il possède cette vision large des choses et des événements, cet esprit de synthèse et de prospective scientifiques. Néanmoins, tandis que Jules Verne, tout en se faisant le champion d’un nouveau monde meilleur et fraternel, reste sur un plan « horizontal », Rudolf Steiner ajoute, lui, une dimension « verticale » à cette prospective. L’anthroposophie steinérienne naît de cet ensemble de coordonnées : sciences technologiques et sciences spirituelles. Cette naissance, presque contemporaine aussi du premier roman de Jules Verne (Cinq semaines en ballon), est entourée d’un climat particulier. Jamais les esprits des hommes, n’ont été aussi audacieux, mais, comme Jules Verne, ils fondent, pour imaginer un monde « extraordinaire et fraternel », tous leurs espoirs sur les grandes innovations techniques, les découvertes scientifiques qui alors voient le jour. Bien sûr, certains – à commencer par notre compagnon d’enfance, Jules Verne – redoutent la terrible tentation égoïste et matérialiste qui rôde dans l’aura même desdites innovations et découvertes. Lorsque le fléau de la balance penche trop d’un côté, il est certain que l’autre côté, bientôt, cherchera à peser de tout son poids, lui aussi. Or, c’est ce qui se produit. Le siècle de Rudolf Steiner est aussi celui qui voit, pour reprendre les termes du professeur Antoine Faivre, « l’orientalisme déferler sur l’Europe qui se familiarise avec les livres de l’Égypte et de l’Inde » ; c’est aussi celui de la philosophie allemande post-kantienne idéaliste, avec tout ce qu’elle peut comporter d’excès mystiques ou métaphysiques. Unir la science à la religion C’est un siècle de génies… On commence peut-être à peine à comprendre, avec le recul nécessaire à l’objectivité, la portée de leur œuvre sur nos structures mentales actuelles. Le plus méconnu d’entre eux, Rudolf Steiner, est peut-être celui qui les surpasse. Pour n’en citer que quelques-uns, pensons à Flammarion qui se passionne pour l’apparition de la vie sur notre planète et sur les autres planètes de notre système solaire ; à Freud grâce à qui, indirectement, l’homme retrouve son unité psychosomatique sans toutefois en comprendre le sens ; à Marx qui, bien qu’on l’ignore généralement, écrit un texte magnifique sur le sens de la liberté « cosmique » (immédiatement après ses poèmes Chants sauvages, où je sens personnellement un style de pensée parfaitement gnostique : « De même que, dans le système planétaire, chaque planète ne tourne autour du Soleil qu’en tournant sur elle-même, de même, dans le système de la liberté, chacun des mondes gravite autour du soleil central de la liberté qu’en tournant sur lui-même… » Sans oublier Maxwell (auteur de la théorie électromagnétique de la lumière), les Curie, Edison, Hertz et tant d’autres à qui nous devons aujourd’hui non seulement notre petit confort quotidien, mais le fait de savoir qu’il existe dans l’univers d’autres dimensions mesurables scientifiquement, mais qui ne sont pas « visibles » par notre œil physique. Rudolf Steiner est certainement le seul, parmi tous ces génies de l’époque, qui ait pressenti l’urgence de réconcilier chez l’homme les impulsions spirituelles et les connaissances scientifiques. En ce sens, il nous apparaît clairement comme le précurseur d’une gnose tout à fait moderne. Ainsi que l’explique l’auteur de cet ouvrage, le père de l’anthroposophie avait une mission : « Unir la science à la religion. » Trouver un équilibre entre les deux était certainement le plus difficile. Aussi, pour les matérialistes comme pour les « spéculatifs », Rudolf Steiner sera-t-il considéré comme un hérétique. Mais l’hérétique n’est-il pas justement « celui qui choisit » ? Tout en critiquant le matérialisme (et, à travers lui, certaines tendances du marxisme), il est cependant le pionnier qui ose affirmer que la pensée est une réalité expérimentale (théorie qui constitue à présent la base des recherches de savants marxistes aussi bien chinois que soviétiques). Et cela lui permet, dans la même foulée, de critiquer la philosophie de Kant qui ne voit dans la pensée qu’un objet de spéculation. Bien entendu, naviguer ainsi en solitaire lui valut non seulement des incompréhensions, mais de solides inimitiés qui se perpétuent encore de nos jours. C’est ainsi qu’un livre récent écrit par un journaliste français affirme que Hitler aurait été « instruit » par Rudolf Steiner ! Si les articles et les reportages de ce journaliste sont de la qualité de cette information, quel dommage ! Rudolf Steiner a quitté Vienne en 1891, alors que Hitler avait deux ans ! Cela pour nous inviter au passage à méditer sur les inepties qui ont, de tout temps, été écrites sur les hérétiques et, plus particulièrement, sur les cathares dans le magnifique pays desquels j’écris en ce moment. Donc, la pensée de Rudolf Steiner a réussi à éviter deux écueils : le matérialisme et la pensée purement spéculative. Ces deux écueils étant situés, il nous est plus facile de nous rendre compte de la modernité, de l’actualité de l’anthroposophie. Elle nous propose une symbiose de la science et de la religion. Mais elle n’est pas que théorie, elle est aussi pratique. En effet, philosophe et poète à ses heures, Rudolf Steiner est aussi un scientifique. Nourri des travaux scientifiques de Gœthe dont il a été chargé de faire une étude détaillée, c’est un « savant » qui introduit avant la lettre, dans sa démarche, les lois de la sémantique générale (cette dernière sera « inventée » par Korzybski en 1924- 1925). Lorsque Rudolf Steiner publie le Traité des couleurs de Gœthe, il achève ses études de mathématiques et de physique à Vienne et, comme le souligne Paul-Henri Bideau dans la préface de l’édition française, le jeune Steiner est le premier à démontrer l’originalité de Gœthe par rapport à tous ses prédécesseurs et à en tirer les principes qui présideront par la suite à son anthroposophie : la physique, tout comme les autres domaines scientifiques, ne doit pas seulement tenir compte de critères quantitatifs, elle doit aussi étudier uploads/Philosophie/bramly-serge-rudolf-steiner.pdf

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