La Littérature existentialiste et son Influence Author(s): édouard Bourbousson

La Littérature existentialiste et son Influence Author(s): édouard Bourbousson Source: The French Review, Vol. 23, No. 6 (May, 1950), pp. 462-473 Published by: American Association of Teachers of French Stable URL: http://www.jstor.org/stable/382658 . Accessed: 25/04/2013 21:48 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . American Association of Teachers of French is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to The French Review. http://www.jstor.org This content downloaded from 143.106.201.154 on Thu, 25 Apr 2013 21:48:28 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions LA LITT1ERATURE EXISTENTIALISTE ET SON INFLUENCE PDOUARD BOURBOUSSON Oregon State College Peut-on faire actuellement une mise au point de l'existentialisme sans d6former la doctrine et mal interpreter la litterature? II faut remarquer que les analyses des critiques varient beaucoup d'une ann6e a l'autre. Chaque nouvelle production existentialiste jette un reflet sur le tout. Sartre aborde bien des domaines; et son ceuvre manque un peu d'unit6. II a fallu attendre 1943 avec L'Etre et le nkant pour rencontrer un systhme. Jusqu'd cette date, c'6tait le nihilisme total; depuis il a con- stitu6 quelque chose de positif. Apres Situations on attend les deux derniers volumes des Chemins de la liberti: La Mort dans l'dme et La Derniere chance, qui apporteront peut-etre quelque 616ment nouveau. Sartre est, certes, dou6 d'une intelligence extremement brillante et tout le monde s'accorde A reconnattre que ses analyses et ses romans m6ritent I'attention. Il est bien le chef du groupe existentialiste; ses adeptes, surtout Simone de Beauvoir et Merleau-Ponty, se sont r6v1l6s par le mouvement de cette nouvelle 6cole et prennent une certaine ind6pendance de pens6e au sein du groupe. Nous nous proposons dans cette 6tude, apres un court historique du mot "existentialisme," d'6tudier les oeuvres de Sartre en n6gligeant I'ordre chronologique pour d6velopper les diff6rents themes qui constituent l'es- sence de la droctrine. Nous laisserons de c6t6 Kierkegaard, Heidegger et Jaspers, malgr6 l'apport 6norme qu'ils amenent a la philosophie existen- tialiste; et nous terminerons par un bref apergu sur les autres membres du mouvement. Le mot "existentialisme" a W6t form6 d'apres l'adjectif allemand "ex- istential," adjectif forge, semble-t-il, par Martin Heidegger dans son Sein und Zeit paru en 1927. Le substantif allemand "Existenz" a donn6, outre l'adjectif "existential," l'adjectif "existentiel." Heidegger distingue ces deux 6pithetes: la philosophie "existentielle" est la description des traits g6n6raux de l'existence humaine telle qu'on pourrait la trouver chez un moraliste. La philosophie "existentiale" ou "existentialiste" est l'ana- lyse de la structure humaine qui applique ces traits. La premiere en reste au point de vue "ontique," c'est-&-dire du donn6; la seconde passe au point de vue "ontologique," c'est-h-dire de la reflexion sur le donne. Dans les deux cas, l'existence A laquelle on surgit n'est pas l'existence en g6n6ral mais l'existence humaine, ma propre existence, qui est pour moi la con- dition grace A laquelle toutes les autres choses existent. L'Existentialisme peut donc se d6finir comme la philosophie de l'existence humaine au sens le 462 This content downloaded from 143.106.201.154 on Thu, 25 Apr 2013 21:48:28 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions LA LITTVRATURE EXISTENTIALISTE 463 plus concret et le plus imm6diat du terme, c'est-A-dire l'existence prise avec toutes les aides et les obstacles que l'homme peut trouver en lui-meme, dans son propre corps, dans les objets du monde exterieur et chez les autres. Dans un de ses romans, Sartre r6sume ainsi la vie humaine: "Je pre- f6rerai crever plut6t que de livrer Gris; ... sa vie n'avait pas plus de valeur que la mienne; aucune vie n'a de valeur."' Ainsi, I'homme connait des alternatives, mais elles sont r6solues d'avance; rien n'a de valeur. On est jet6 dans le monde; c'est Lucien qui dit: "Je me demande pourquoi j'existe! ... Aprbs tout je n'ai pas demande " naitre."2 Sartre part du principe que la conscience n'existe pas et que si elle veut r6f6lchir sur elle-meme en dehors de ce qu'on appelle les objets, elle ne recontre que le neant; elle n'est quelque chose que par sa pr6sence aux objets, presence A notre corps et aux choses exterieures. Qu'est-ce que le n6ant pour Sartre? Ce mot revient des dizaines de fois dans L'Etre et le neant avec les mots "n6antir" ou "an6antir" qui n'impliquent pas l'idle de destruction ni meme d'an6antissement, mais signifient simplement: entourer d'une r6gion de non-etre, d'un "manchon" dira Gabriel Marcel. Sartre r6sume sa notion du n6ant dans une image: "Ce qui compte dans le vase, c'est le vide du milieu."3' Nous sommes d6termines par le vide qui nous entoure, la conscience n'existe pas, elle est "le vide du milieu," elle ne s'explique que par le n4ant qu'on y a mis. L'homme n'est libre que s'il peut an6antir sa conscience, la mettre "dans une situation insulaire."4 C'est ainsi qu'en regardant les choses, puis ses mains, le h ros du Sursis saisit cette distance infinie qui le s6pare de l'univers et d'une vie normale: "Dehors, tout est dehors: les arbres sur le quai, les deux maisons du pont qui rosissent la nuit..... Au dedans rien, pas mime une fum6e, il n'y a pas de dedans, il n'y a rien. Moi, rien. Je suis libre, se dit-il la bouche s.che.... Je ne suis rien, je n'ai rien. Aussi inseparable du monde que la lumibre et pourtant exil comme la lumiere, glissant A la surface des pierres et de l'eau, sans que rien jamais ne m'accroche ou ne m'ensable. Dehors. Dehors. Hors du monde, hors du pass6, hors de moi-m~me: la libert6 c'est l'exil et je suis condamn6 etre libre."5 Sartre n'a pas manqu6, dans toute son oeuvre litt6raire, de souligner le caractere penible de cette conscience que prend l'homme d'etre un vide. C'est la source meme de cette tonalit6 affective qui, d'apres Kierkegaard, il appelle "l'angoisse." C'est dans l'angoisse que la libert6 se met en ques- 1 Le Mur, page 31, 6d. Gallimard, 1939. 2 L'enfance d'un chef, page 192, dd. Gallimard, 1939. 8 L'Etre et le neant, introduction, 6d. Gallimard, 1943. 4 Gabriel Marcel, Homo Viator, dd. Aubier, 1945. 1 Sartre, Le Sursis, page 285, 6d. Gallimard, 1945. This content downloaded from 143.106.201.154 on Thu, 25 Apr 2013 21:48:28 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 464 THE FRENCH REVIEW tion, aussi l'homme aspire-t-il A cette pl6nitude 6ternelle et paisible des choses: il n'y arrivera vraiment que dans la mort. Tant qu'il vit, il est libre, ii est "en situation." I1 d6sirerait etre "en-soi," c'est-'-dire ne plus avoir besoin d'assurer la libert6, pouvoir rester passif et ne pas se rdvolter contre sa destin6e. Mais alors, il glissera dans la "viscosit6," dans "1'inauthen- tique" du monde bourgeois, fait de bien-ttre et d'irresponsabilit6 devant 1'existence; c'est le monde des "salauds," o0 tout n'est que "nausee." C'est dans le journal d'Antoine Roquentin que Sartre relate avec une implacable minutie le degott qui saisit I'homme devant ce que L'Etre et le n6ant appellera "l'Ttre-en-soi," c'est-A-dire 1'existence envisag6e dans ce qu'elle a de contingent, d'inexplicable et done de superflu pour notre entendement. Un galet, un verre de bibre apportent graduellement au h6ros de Sartre une r6v4lation. L'originalit6 de Sartre par rapport aux autres existentia- listes est de trouver l'exp rience de l'absurde dans les choses elles-m mes et non dans les relations que l'homme a avec elles ou avec le monde. "Les objets, cela ne devrait pas toucher puisque cela ne vit pas..... C'6tait une espbce d'6cceurement douceAtre. Que c'6tait done d6sagrdable! Et cela venait du galet, j'en suis sir, cela passait du galet dans mes mains. Oui, c'6tait bien cela, une sorte de'Naus6e' dans les mains."6 L'existence est 1&, puisqu'elle est 1, il n'y a rien a chercher de plus: "Maintenant je suis: j'existe, le monde existe et je sais que le monde existe. C'est tout. Mais ga m'est 6gal."' Roquentin pour 6chapper A la "Naus6e," a cette conviction atroce qu'il est de trop, pense a se suicider; mais ce serait simplement exister d'une autre fagon, substituer une existence A une autre. On ne met pas fin A son existence: elle est vou6e a demeurer 6ternellement superflue. "J'6tais de trop pour l'6ternit6,"I conclut-il. Pour 6chapper au monde 6touffant de "l'en-soi" il rtvera de s'ensevelir dans la banalit6 de l'existence sociale, finalement il ne pourra se r6soudre A devenir un de ces "salauds" qu'il m6prise. Par contre, Lucien Fleurier succombera h la tentation, il cherchera A exister comme "un 6norme bouquet de responsabilit6s et de droits,"9 il adh6rera A cet univers maudit. A l'oppos6 se situent Les Mouches. Claude- Edmond Magny a dit justement: "La Nausae et les Mouches forment les deux p6les extremes de Sartre."'o Les Mouches, qui incarnent la colbre de Zeus, montrent Q I'homme sous une forme extr~mement concrEte le chemin du uploads/Philosophie/la-litterature-existentialiste-et-son-influence.pdf

  • 23
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager