Division de l’information, de la documentation et des recherches – DIDR 16 sept
Division de l’information, de la documentation et des recherches – DIDR 16 septembre 2021 Haïti : Situation politique et sécuritaire depuis janvier 2020 Entre violences et crise institutionnelle L‘assassinat du président Jovenel Moïse Avertissement Ce document, rédigé conformément aux lignes directrices communes à l’Union européenne pour le traitement de l’information sur le pays d’origine, a été élaboré par la DIDR en vue de fournir des informations utiles à l’examen des demandes de protection internationale. Il ne prétend pas faire le traitement exhaustif de la problématique, ni apporter de preuves concluantes quant au fondement d’une demande de protection internationale particulière et ne doit pas être considéré comme une position officielle de l’Ofpra. La reproduction ou diffusion du document n’est pas autorisée, à l’exception d’un usage personnel, sauf accord de l’Ofpra en vertu de l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle. Haïti : Situation politique et sécuritaire depuis janvier 2020 DIDR – OFPRA 16/09/2021 2 Table des matières 1. Une crise politique et institutionnelle qui s’aggrave en 2020 .......................................................... 3 1.1. La caducité du pouvoir législatif .............................................................................................. 3 1.2. L’opposition appelle au départ du président Moïse à la date du 7 février 2021 ...................... 3 1.3. Des craintes d’une dérive autoritaire ....................................................................................... 4 2. Une recrudescence de la violence .................................................................................................. 4 2.1. Le mouvement de contestation au sein de la Police nationale haïtienne (PNH) et la formation du groupe Fantom 509 ......................................................................................................................... 4 2.2. Une forte augmentation de la criminalité ................................................................................. 5 2.2.1. Compétitivité accrue entre les gangs .............................................................................. 5 2.2.2. Une augmentation de 200% des enlèvements sur l’année 2020 .................................... 5 2.3. Interpénétration entre violence des gangs et actualité politique ............................................. 6 2.3.1. Une instrumentalisation politique de la violence des gangs ............................................ 6 2.3.2. Formation de l’alliance de gangs G-9 an fanmi ............................................................... 7 3. Une crise politique majeure et inextricable ...................................................................................... 8 3.1. Une aggravation des tensions ................................................................................................. 8 3.2. La journée du 7 février 2021 .................................................................................................... 8 3.3. Le pouvoir maintient son projet de réforme constitutionnelle .................................................. 9 4. La dégradation de la situation sécuritaire ...................................................................................... 10 4.1. Une violence des bandes armées incontrôlable .................................................................... 10 4.2. Une nouvelle hausse des cas d’enlèvements ....................................................................... 11 4.3. L’opération de police ratée du 12 mars à Village-de-Dieu et ses conséquences ................. 12 5. Une explosion des violences entre gangs en juin 2021 ................................................................ 12 6. L’assassinat du président Jovenel Moïse ...................................................................................... 13 7. Les autorités provisoires à la recherche d’un accord politique avec l’opposition .......................... 14 Bibliographie .......................................................................................................................................... 16 Résumé : L’absence d’accord politique et la polarisation extrême de la scène politique plonge le pays dans une véritable impasse - Un vif débat agite la société haïtienne concernant la date de fin du mandat présidentiel et entraîne le pays dans une situation de blocage institutionnel - Des craintes d’une dérive autoritaire - Une hausse générale de la criminalité sur fond d’instrumentalisation politique de la violence des gangs – L’assassinat du président Jovenel Moïse le 7 juillet 2021 Abstract : The lack of political agreement and the extreme polarization of the political scene plunges the country into a real impasse - A lively debate agitates Haitian society concerning the date of the end of the presidential mandate and brings the country into a situation of institutional blockage - Fears of an authoritarian drift - A general increase in crime with a political instrumentalization of gang violence - The assassination of President Jovenel Moïse on July 7, 2021 Nota : La traduction des sources en langues étrangères est assurée par la DIDR. Haïti : Situation politique et sécuritaire depuis janvier 2020 DIDR – OFPRA 16/09/2021 3 1. Une crise politique et institutionnelle qui s’aggrave en 2020 1.1. La caducité du pouvoir législatif L’absence de consensus sur un programme politique commun en 2020 et la polarisation extrême de la scène politique plonge le pays dans une véritable impasse politique. En raison du report sine die des élections parlementaires et municipales prévues le 27 octobre 2019, le pays ne dispose plus de Parlement à partir du 13 janvier 2020. Le président Jovenel Moïse constate alors la caducité du Parlement, c’est-à-dire la fin du mandat des députés et de deux tiers des sénateurs (le mandat du tiers restant arrive à terme en 2023)1. Dès lors, face à ce vide institutionnel, Jovenel Moïse va s’appuyer sur l’autorité que lui confère la Constitution pour assurer le bon fonctionnement des institutions et la continuité de l’Etat. L’adoption de réformes par décrets présidentiels, en l’absence d’un pouvoir législatif en état de fonctionnement, suscite de vives critiques au sein de l’opposition et de la société civile qui dénoncent une absence de contrôle de l’action présidentielle et une dérive dictatoriale2. Le 16 janvier, Jovenel Moïse annonce son intention de procéder à une révision de la Constitution haïtienne dans le but de mettre un terme « à un cycle de décennies de crises politiques », le nouveau texte devant être définitivement adopté par voie référendaire3. L’absence de corps législatif, le manque de clarté entourant le calendrier électoral et le flou concernant le calendrier des réformes constitutionnelles et structurelles expliquent la persistance d’une grande incertitude politique et d’une forte polarisation. Le président Moïse En février 2020, les efforts du président haïtien pour parvenir à un consensus sur un accord politique et remédier au vide institutionnel après le 13 janvier n’ont pas abouti, l’opposition repoussant toutes les offres de discussion arguant qu’elle ne participera à un dialogue qu’après la démission de Jovenel Moïse4. Le 2 mars, Jovenel Moïse nomme par décret au poste de Premier ministre Joseph Jouthe. Ce- dernier succède officiellement à Jean-Michel Lapin, resté Premier ministre en dépit de sa démission le 22 juillet 2019, la nomination de Fritz William Michel n’ayant jamais été entérinée par les deux chambres du Parlement haïtien. La nomination de Joseph Jouthe intervient toutefois en dehors du cadre constitutionnel, car le Parlement, qui doit être consulté et doit approuver la déclaration de politique générale de tout Premier ministre, est caduc depuis le début d’année5. 1.2. L’opposition appelle au départ du président Moïse à la date du 7 février 2021 A la fin du mois de juin, les appels de l’opposition au départ du président Jovenel Moïse en février 2021 et à la formation d’un gouvernement de transition tendent davantage le climat politique6. Un vif débat agite la société haïtienne concernant la date de fin du mandat présidentiel. Pour rappel, en Haïti, le mandat présidentiel est de cinq ans et la Constitution dispose qu'il débute le 7 février suivant les élections. Jovenel Moïse a été élu au premier tour de l’élection présidentielle d’octobre 2015 mais ce scrutin a été annulé en raison de fraudes constatées. Déclaré vainqueur au second tour de l'élection organisée un an plus tard, Jovenel Moïse a finalement prêté serment le 7 février 2017. Ses partisans estiment, en conséquence, que son mandat ne s'achèvera qu’en date du 7 février 2022, ce que contestent vigoureusement l’opposition qui retient, quant à elle, pour fin du mandat présidentiel, la date du 7 février 20217. L’opposition souligne que le président Moïse n’a pas adopté cette même lecture de la Constitution quand, en janvier 2020, il a lui-même publiquement constaté la fin des mandats de parlementaires élus lors de la même élection de 20158. 1 Le Nouvelliste, 13/01/2020. url 2 Nations Unies, Conseil de sécurité, 13/02/2020. url ; RFI, 13/01/2020. url 3 Le Nouvelliste, 17/01/2020. url 4 Nations Unies, Conseil de sécurité, 13/02/2020. url ; Nations Unies, Conseil de sécurité, S/2020/537, 15/06/2020. url 5 Le Nouvelliste, 14/04/2021. url 6 Nations Unies, Conseil de sécurité, 25/09/2020. url 7 Le Nouvelliste, 15/01/2021. url 8 RFI, 06/02/2021. url Haïti : Situation politique et sécuritaire depuis janvier 2020 DIDR – OFPRA 16/09/2021 4 Le 21 août, plusieurs centaines de responsables politiques, d’organisations paysannes et syndicales, de membres de mouvements de la société civile ou encore d’intellectuels signent une résolution exigeant le départ du président Moïse, condition indispensable pour les signataires à l’organisation de toute nouvelle élection9. 1.3. Des craintes d’une dérive autoritaire Ces craintes sont accrues avec la nomination par décret, le 9 juillet, de commissions municipales pour les 140 localités dont le conseil municipal élu arrivait en fin de mandat entre le 23 mai et le 30 juillet. L’incertitude prévaut également sur le plan électoral faute d’un consensus sur des aspects clefs de la préparation des élections, y compris le calendrier électoral et la composition du nouveau Conseil électoral provisoire (CEP), dont les neuf membres ont présenté leur démission collective en juillet 202010. Neuf nouveaux membres du CEP sont nommés par le président le 18 septembre. L’opposition dénonce une désignation réalisée en l’absence de tout accord politique, d’autant que la nouvelle équipe entame ses travaux sans prêter serment devant la Cour de cassation, rompant ainsi avec une tradition républicaine vieille de plusieurs décennies11. Fin octobre 2020, le Président Moïse met en place un comité consultatif indépendant chargé de l’élaboration du projet de la nouvelle Constitution. Le comité, composé de cinq membres, est dirigé par l’ancien président de la République par intérim entre 2004 et 2006, Boniface Alexandre (84 ans)12. De même, la uploads/Politique/ 2109-hti-situation-politique-et-securitaire-152054-web.pdf
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