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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Un an après l’attaque du Capitole, une démocratie américaine en faillite PAR PATRICIA NEVES ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 5 JANVIER 2022 Lors de l’attaque du Capitole, le 6 janvier 2021, à Washington. © Photo Saul Loeb / AFP Les États-Unis font face à l’une des pires crises démocratiques de leur histoire. Malgré les centaines de poursuites lancées au pénal, et les premières condamnations, beaucoup à gauche craignent que ce type de violences se répète en 2024. Washington (États-Unis).– L’homme à «cornes», le «chaman» de la mouvance complotiste QAnon? Condamné. L’ex-champion olympique de natation? Coupable. L’autoentrepreneur, armé d’un taser, qui a posé ses pieds sur le bureau de Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la Chambre des Représentants? Sous le coup de plusieurs chefs d’accusation. Pour les petites mains qui ont participé le 6janvier 2021 à l’assaut du Capitole, la justice n’a pas tardé. Un an après les faits, sept cents individus font l’objet de poursuites. Parmi eux, soixante-dix ont d’ores et déjà été condamnés à des peines allant du simple sursis à cinq ans de détention. Dans les cas les moins graves, seule la présence à Washington dans des zones interdites au public, dans l’enceinte du Capitole, a été retenue. Dans d’autres affaires, il a en revanche été question de violences aggravées, envers les policiers en particulier, mais aussi de vol d’objets appartenant au gouvernement ou encore «d’obstruction» contre un acte officiel, en l’occurrence la certification des résultats de l’élection présidentielle de 2020, remportée par Joe Biden. Malgré les images spectaculaires de l’attaque, et bien que 350personnes soient toujours recherchées par le FBI, la plus grande menace qui pèse aujourd’hui sur les États-Unis se situe en réalité ailleurs, dans ce qu’il s’est passé en coulisses, là où il n’y avait pas de caméras, dans les semaines, les jours, les heures qui ont précédé et accompagné l’attaque du Capitole. Dans les «war rooms» où se sont tenus des meetings secrets, au plus haut niveau, entre les membres de l’administration Trump et les proches de l’ancien président. Jake Angeli, au centre, partisan de QAnon connu pour son visage peint et son chapeau à cornes, lors de l’attaque du Capitole, le 6 janvier 2021, à Washington. © Photo Saul Loeb / AFP À gauche, beaucoup craignent que Donald Trump tente, en 2024, de se faire réélire à la Maison Blanche sur la base des mêmes stratégies qui ont conduit l’année dernière aux violences du 6 janvier. Autrement dit à des manœuvres proches, pour la gauche américaine, d’une tentative de coup d’État. Dans le prestigieux magazine américain The Atlantic, le journaliste Barton Gellman esquisse les contours de cette hypothèse pas si lointaine d’un «effondrement de la démocratie américaine». On est en 2024, entame- t-il, «des milliers de votes» ont été rejetés. Et «le perdant est déclaré vainqueur». Grâce entre autres au détournement du système des grands électeurs censés désigner le gagnant. Le scénario pourrait paraître alarmiste. Seulement, il a régulièrement été conforté ces derniers mois. Trump en embuscade D’après les derniers sondages, chez les électeurs républicains, 71% croient encore que l’élection présidentielle de 2020 aurait été volée au camp Trump via des schémas de fraudes massives mis en place par Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 la gauche. Bien que la quasi-totalité des soixante-cinq recours déposés par les équipes de Trump, devant les tribunaux, ait échoué. Dans ce contexte, l’ancien locataire de la Maison Blanche a engrangé en à peine quelques semaines, pendant les premiers mois de 2021, un arsenal de guerre, plus de 100millions de dollars en donations de campagne. Sans même qu’il se soit, pour le moment, officiellement déclaré candidat. Un record. Et un levier de persuasion redoutable au sein du parti républicain qui lui a été, jusqu’ici, loyal. En parallèle, ces derniers mois, grâce à l’enquête judiciaire et à l’investigation conduite à la Chambre des Représentants par une commission spéciale, le déroulé de l’attaque du Capitole et de ce qui l’a précédé a commencé à se préciser. Plus de quarante individus ont été inculpés, au pénal, pour avoir «conspiré»et s’être coordonnés le jour de l’attaque. Sur ces quarante personnes, beaucoup appartiennent aux milices d’extrême droite dont l’organisation paramilitaire Oath Keepers (les gardiens du serment, en français) et les Proud Boys, le groupe d’autodéfense «chauviniste» que Donald Trump a personnellement encouragé à se tenir «prêts». À ce jour pourtant, aucune charge contre ces groupes ne relève d’une «sédition», d’une tentative de renverser le gouvernement. Mais à la Chambre des Représentants, la commission spéciale n’a cessé de relever les liens troubles entre ces mouvances d’extrême droite et certains élus républicains du Congrès. En Arizona, le député Paul Gosar n’a pas hésité par exemple à prendre la pose avec un membre des Proud Boys. Son collègue Andy Biggs a participé à des événements aux côtés de la hiérarchie des Oath Keepers. Au Colorado, en Géorgie, en Floride, d’autres élus républicains sont apparus dans les cercles d’extrême droite. Le 6janvier 2021, ces élus et ces milices ont-ils été en contact? Ont-ils coordonné ensemble les violences? Pour le moment, la question reste en suspens. On sait néanmoins que les efforts de Donald Trump et de ses alliés se sont concentrés à tous les étages du pouvoir exécutif et judiciaire. En particulier, comme l’écrit The Atlantic, au niveau local, sur les grands électeurs. A l’approche des élections de mi-mandat, Donald Trump manœuvre dans l’arrière- cuisine des Républicains. © Photo illustration Sébastien Calvet/Mediapart Dans un courriel fourni par Mark Meadows, l’ancien chef de cabinet du président Trump, aux enquêteurs de la Chambre des Représentants, il est en effet question à droite, dès le 7 novembre 2020, soit quelques jours après la victoire de Joe Biden, de remplacer les grands électeurs démocrates — chargés de désigner Biden vainqueur — par de grands électeurs pro-Trump. L’initiative, contraire à la Constitution, a finalement été abandonnée mais d’autres stratégies ont été mises sur la table : déclarer l’état d’urgence ; saisir les machines de vote ; continuer à insister, faussement, sur l’existence d’une fraude massive ; instrumentaliser le ministère de la justice (en remplaçant le ministre intérimaire, Jeffrey Rosen, pas assez coopératif aux yeux de Donald Trump) ; mettre la pression sur le vice- président, Mike Pence, chargé de certifier les résultats de l’élection au Capitole, le 6 janvier 2021… Dans les médias, des dizaines d’experts, de chercheurs ont tenté de mettre du sens dans cette journée de janvier. Omar Wasow, professeur au Pomona College, en Californie, est celui qui résume le mieux les semaines de chaos qui ont conduit à l’attaque du Capitole. À la différence d’autres périodes où les États-Unis ont connu ce type de violences, explique- t-il dans le New York Times, on a ici pour la première fois «un président et des responsables politiques» qui appellent eux-mêmes les citoyens à s’engager «dans une résistance violente». L’appel a d’ailleurs fonctionné. Un tiers des Américains, selon un dernier sondage publié le 1er janvier par le Washington Post, y compris Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 paradoxalement à gauche, juge que la violence contre le gouvernement peut-être «justifiée». Dans cette période d’incertitude, le temps presse pour les démocrates. Dans quelques mois, les élections de mi-mandat pourraient mettre un frein au volet parlementaire de l’enquête si la gauche venait à perdre sa fragile majorité à la Chambre des Représentants. Un problème de plus pour l’administration Biden qui s’est tenue jusqu’ici, dans le débat public, à l’écart de l’enquête, pour ne pas apparaître juge et partie dans une Amérique déjà profondément divisée. Donald Trump, lui, à l’approche de ces élections cruciales de mi-mandat, manœuvre dans l’arrière- cuisine des Républicains tel un faiseur de rois, en soutenant les candidats conservateurs qui lui sont favorables et en attaquant les autres. Il apparaît à la fois absent et omniprésent sur les chaînes d’information en continu, qui, depuis des semaines, tournent en boucle sur l’attaque du Capitole. Mais pour lui aussi, les problèmes ne font que commencer. La commission spéciale de la Chambre des Représentants n’exclut pas de recommander contre Donald Trump des poursuites judiciaires, pour le chef «d’obstruction» contre un acte officiel. Le 6 janvier 2021, l’ancien président était, selon plusieurs témoignages, scotché devant sa télé et aurait sciemment tardé à réagir. Une cour d’appel fédérale a par ailleurs rejeté début décembre le recours de Donald Trump visant à empêcher que le Congrès accède aux dossiers de la Maison Blanche liés à l’attaque du Capitole. L’ancien président avait essayé d’invoquer, en vain, le privilège exécutif et l’existence de documents classés secret- défense. Directeur de la publication : Edwy Plenel Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 24 864,88€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent uploads/Politique/ article-1004055.pdf

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