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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Boris Johnson et le « partygate » : un scandale qui en cache de plus graves PAR LUDOVIC LAMANT ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 19 JANVIER 2022 Le chef du gouvernement britannique se démène pour éviter un vote de défiance contre lui. Au-delà de fêtes clandestines organisées en plein confinement, d’autres affaires ont terni sa réputation depuis deux ans, et montrent l’emprise du secteur privé sur sa politique. Boris Johnson dans un hôpital de Londres le 18 janvier 2022 © Ian Vogler / Pool / AFP. Une nouvelle fois, Boris Johnson a tenté de faire baisser la pression, dans le scandale du « partygate » qui menace de l’emporter. Dans un entretien accordé mardi à Sky News, il a répondu aux accusations de son ancien proche conseiller Dominic Cummings, devenu l’un de ses adversaires politiques les plus redoutables. Sur son blog, Cummings assure qu’il avait, avec un autre responsable dont il tait le nom, tenté de convaincre Boris Johnson de faire annuler la tenue de la fête improvisée du 20 mai 2020, dans le jardin du 10 Downing Street, à laquelle une centaine de personnes était invitée (et une trentaine participa), alors que le pays était en plein confinement. Johnson, lui, assure qu’il n’a jamais reçu ces mises en garde, répétant la version qu’il avait livrée aux députés le 12 janvier : s’il s’y est mêlé quelques minutes, c’est qu’il pensait qu’il s’agissait d’un événement lié au travail, qui se déroulait dans le jardin, en plein air, un cadre plus sûr en temps de pandémie que des bureaux à l’intérieur. Au cours de l’entretien, Johnson s’est refusé, à plusieurs reprises, d’écarter une démission – ravivant les spéculations sur un éventuel départ précipité, sous la pression. Alors que la presse britannique a calculé que plus de 18 000 personnes ont écopé d’amendes en Angleterre et au pays de Galles pour s’être réunies, à l’extérieur, durant la pandémie (en majorité des personnes noires), la situation semble de plus en plus inextricable pour le chef du gouvernement de 57 ans. La colère des députés conservateurs, inquiets pour leur propre siège, est loin d’être retombée. Son avenir dépend en partie des conclusions de l’enquête interne commandée à une fonctionnaire, Sue Gray, censée établir si Johnson a, ou non, enfreint les règles du confinement. Mais les mines indignées des députés conservateurs qui d’un coup se braquent, et lâchent tour à tour Johnson ont aussi de quoi laisser perplexe. What did you expect? s’interrogeait il y a quelques jours The Economist : à quoi vous attendiez-vous, après avoir porté au pouvoir l’ancien journaliste et maire de Londres ? « Boris Johnson ment souvent et facilement. C’est la marque de fabrique de sa carrière. Il a été licencié de son premier emploi, au Times, pour avoir falsifié une citation », rappelle l’hebdomadaire. Sur mediapart.fr, un objet graphique est disponible à cet endroit. « BoJo » n’a-t-il pas fait du mensonge, mais aussi du mélange des genres politico-financier, et du non- respect des règles éthiques, le socle de ses deux années de mandat ? Après tout, les électeurs n’étaient-ils pas déjà prévenus, lorsqu’ils accordaient à Johnson une victoire éclatante en décembre 2019 (plus de 43 % des voix, le meilleur score du parti depuis 1987 et l’ère Thatcher) ? « Les électeurs sont des adultes : ils savaient pour qui ils votaient, et ils ont eu ce qu’ils voulaient », tranche encore The Economist. Dans un éditorial moins cynique, le Financial Times, qui plaide pour le départ sans ménagement du chef du gouvernement, décrit aussi un « modèle de comportement » propre à Johnson, qui va bien au- delà des seules fêtes clandestines du 10 Downing Street : « Le chef du gouvernement a prouvé qu’il ne s’intéressait pas aux règles qu’il édictait, ou seulement lorsqu’il est pris en train de les transgresser ». Alors qu’observateurs et observatrices se déchaînent sur le « partygate », une énigme persiste : pourquoi les nombreux scandales qui ont émaillé la Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 chronique politique depuis début 2020, n’avaient- ils pas, jusqu’alors, provoqué une telle indignation ? D’autant que certaines affaires peuvent apparaître bien plus graves que les apéritifs clandestins des deux dernières années. Comme le résume le site d’enquête Open Democracy, qui plaide pour davantage de transparence dans la vie politique britannique, « les infractions les plus manifestes, et certaines autres infractions supposées [commises par Johnson - ndlr] n’ont jusqu’alors débouché, au mieux, que sur une tape sur les doigts, et même dans certains cas, sur rien du tout ». L’énumération impressionne. Johnson s’est par exemple fait épingler l’an dernier pour le financement des travaux de son appartement à Downing Street. Il avait d’abord affirmé qu’il avait tout financé sur ses deniers personnels. Il s’est avéré par la suite qu’il avait obtenu un prêt de la part d’un donateur du parti conservateur, à hauteur de 52 000 livres (62 000 euros). À l’époque, le parti conservateur avait fini par écoper d’une amende, mais Johnson, qui avait changé de version en cours de route, s’en était sorti indemne. Dans un sous-développement lié aux travaux de l’appartement, la presse a publié des messages WhatsApp entre Johnson et un donateur conservateur, David Brownlow. Ces échanges laissaient entendre que le premier ministre proposait un marché à son interlocuteur : une aide pour les travaux de son appartement (« des dizaines de milliers de livres »), contre son soutien politique au projet de Brownlow d’organiser une nouvelle - et très mystérieuse - « Exposition universelle », sur le modèle de celle qui s’était déroulée dans le Crystal Palace de Hyde Park en 1851. Des éléments qui, s’ils sont exacts, constituent « un fait de corruption pure et simple », avait résumé la travailliste Angela Rayner. Autre dossier : Boris Johnson s’est illustré l’an dernier, en voulant voler au secours de son ami, le député pro-Brexit Owen Paterson, qui avait reconnu avoir mené des actions de lobbying rémunérées par deux entreprises, tout en continuant à exercer son mandat de député. L’ancien maire de Londres s’est démené pour éviter à Paterson six semaines de suspension, et a cherché à forcer les députés conservateurs à voter un allègement du code de discipline à Westminster. L’opération n’a pas fonctionné (et le départ de Paterson a provoqué en décembre une élection anticipée, perdue par les torys). En mai 2021, la presse révélait que Boris Johnson et sa femme se sont fait livrer, sur une période de huit mois, de luxueux menus bios au 10 Downing Street, par l’intermédiaire de discrets coursiers à vélo, pour un total de 27 000 livres (32 000 euros). Une partie de l’addition était prise en charge par la propriétaire de la chaîne de restauration en question, qui n’est autre que la femme d’un donateur du parti conservateur. Il n’y a eu aucune sanction. En novembre 2021, le Sunday Times et Open Democracy révélaient un mécanisme officieux, présidé par Boris Johnson, selon lequel n’importe quel donateur du parti qui versait au moins trois millions de livres sterling obtenait dans la foulée un siège de lord. Pas moins de 22 des plus importants donateurs du parti conservateur ont été nommés lords au cours des onze dernières années. Malgré la demande de députés de l’opposition, aucune enquête n’a été lancée. Boris Johnson s’est aussi fait épingler pour avoir passé en 2020 de luxueuses vacances avec sa femme sur l’île Moustique, en mer des Caraïbes, organisées par un autre donateur du parti, David Ross, par ailleurs ami du chef du gouvernement. Un comité indépendant a reproché à Johnson de ne pas avoir respecté le code de conduite de la Chambre des communes, en omettant de déclarer dans quelles conditions exactes ce logement lui avait été offert. Mais le débat s’est arrêté là. Au cours de l’année 2020, une série de nominations à des postes clés de la gestion du Covid - réalisées sans appel à candidature préalable - ont alimenté des critiques sur la « chumocracy » – soit « le régime des copains », surtout des entrepreneurs qui financent le parti. Entre autres, la nomination éclair de Dido Harding, issue du monde des télécoms et femme d’un Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 député conservateur, à la tête du système national de test et traçage des individus touchés par le Covid, a par exemple suscité une vive polémique. En novembre 2020, le haut fonctionnaire Alex Allan, conseiller du gouvernement sur les questions éthiques, a claqué la porte. Alors que son rapport documentait avec précision des faits de harcèlement de la ministre de l’intérieur, Priti Patel, à l’égard de ses collaborateurs lors de ses passages dans trois ministères différents - un comportement « en rupture avec le code de conduite ministériel » -, Boris Johnson a décidé de passer outre, et soutenir sa ministre coûte que coûte. Un syndicat de fonctionnaires a tenté d’attaquer en justice la décision de Johnson, mais la Haute Cour de justice a estimé que uploads/Politique/ article-1006581.pdf

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