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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Etats-Unis : les difficultés ne font que commencer pour le parti républicain PAR ALEXIS BUISSON ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 15 JANVIER 2021 Rester fidèle au futur ex-président en vue des « midterms » de 2022 ou de la présidentielle de 2024 ? Le laisser tomber ? L’ère post-Trump, qui débutera par son procès en destitution, s’annonce mouvementée pour le parti républicain. New York (États-Unis). – C’est l’heure de vérité pour les républicains. Après quatre années de soutien quasi sans faille à Donald Trump, il aura fallu que le président américain encourage une émeute contre le Capitole dans ses derniers jours à la Maison Blanche pour que le parti d’Abraham Lincoln se décide, au moins en partie, à lâcher son leader. Mercredi 13 janvier, à la Chambre des représentants, dix députés républicains ont voté en faveur de sa mise en accusation, soit dix de plus que lors de la première procédure fin 2019. Jamais un impeachment n’avait été aussi bipartisan. Parmi ceux qui ont voté pour la résolution, Liz Cheney, la numéro 3 du parti à la Chambre et fille de l’ancien vice-président Dick Cheney. La procédure arrivera la semaine prochaine au Sénat, où un procès en destitution déterminera le sort de Donald Trump. Une destitution compliquerait une possible candidature en 2024. Preuve de la fracturation du parti, Mitch McConnell, sulfureux leader des républicains à la Chambre haute et allié fidèle de Donald Trump, a dit publiquement qu’il n’avait pas pris de décision sur son vote. Les temps changent (et les vestes se retournent) vite à Washington. La rupture s’observe à tous les échelons du pouvoir. Au sein de l’administration, trois ministres et plusieurs conseillers de Donald Trump ont annoncé leur démission après les événements du 6 janvier. Mike Pence, qui a avalé bien des couleuvres pendant quatre ans en tant que vice-président, était furieux que son patron ne demande pas de ses nouvelles après le siège du bâtiment du Congrès. Il était en train de présider la séance de certification des résultats de la présidentielle au Capitole quand il a dû être évacué avec sa famille dans les sous-sols. 10 novembre 2020. Mitch McConnell s'entretient avec la presse © Saul Loeb / AFP Au Sénat, les relations entre Trump et Mitch McConnell s’étaient passablement tendues depuis que l’élu du Kentucky avait reconnu la victoire de Joe Biden à la mi-décembre. Le combat autour de la certification a ajouté de l’huile sur le feu. Soucieux de préserver l’image de l’institution en vue des élections sénatoriales de 2022, qui s’annoncent compliquées pour son parti, McConnell avait plaidé pour que ses collègues rebelles entérinent les résultats le 6 janvier pour éviter de plonger « la démocratie dans une spirale mortelle ». Il n’a pu empêcher que huit d’entre eux votent contre la certification, dont Josh Hawley et Ted Cruz, élus du Missouri et du Texas. Ils ont été vertement critiqués par leurs collègues pour ce choix, motivé par leurs propres ambitions présidentielles pour 2024. Certains diront, à juste titre, que ces remises en question sont trop tardives et bien faciles alors que Joe Biden est assuré de prendre le pouvoir le 20 janvier. Reste que ces divisions étalées au grand jour sont annonciatrices d’une période mouvementée pour le Grand Old Party (GOP). Celui- ci aborde la présidence de Joe Biden sans majorité au Congrès pour la première fois depuis 2008, notamment parce qu’il s’est incliné dans les deux élections sénatoriales de Géorgie en janvier, un État historiquement républicain. « Est-ce que le parti républicain implosera entre les élus favorables à Trump et ceux qui tourneront la page ? C’est la grande question », résume Gabriel Scheinmann, directeur de l’Alexander Hamilton Society, une ONG basée à Washington et dédiée à la promotion des relations internationales. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 Pour cet observateur de la vie politique américaine, les images de l’assaut contre le Capitole ont été choquantes, mais la décision des huit sénateurs et des 139 députés à la Chambre des représentants de s’opposer à la certification des résultats de la présidentielle, suivant jusqu’au bout Donald Trump dans ses folles théories du complot, l’est tout autant. Même le siège violent contre le Capitole, qui a fait cinq morts, ne leur a pas fait changer d’avis. « La plupart sont restés sur leur position parce que la base, pro-Trump, pense que les élections n’ont pas été bien gérées, aussi parce qu’on leur a répété qu’elles étaient frauduleuses. Ces élus disent qu’ils reçoivent tous les jours des milliers de coups de fil et des e-mails. Ils sentent qu’ils doivent donner une voix à ces électeurs, même s’ils ne sont pas d’accord avec eux. Ce n’est pas la bonne façon de le faire ! On ne peut pas traiter des millions de personnes comme des enfants qui ne peuvent pas accepter une réalité ! » Déjà en 2012, le parti se posait des questions sur son avenir. Après la défaite de son candidat à la présidentielle, Mitt Romney, face à Barack Obama, il avait produit un rapport « d’autopsie » expliquant qu’il fallait élargir sa base, essentiellement masculine et blanche, aux femmes et aux minorités raciales sur fond d'électorat de plus en plus divers. Puis, Donald Trump est arrivé et a fait voler ces belles recommandations en éclats avec ses propos racistes et sexistes. Quatre ans plus tard, il a créé une crise de valeurs au sein du parti. « L’avenir des traditions du parti républicain est en doute. Le programme de Donald Trump sur le plan économique, le populisme, l’immigration, le commerce, certains aspects de la politique étrangère était très différent de celui des leaders du parti avant lui, reprend Gabriel Scheinmann. La gauche, avec son aile extrême, va avoir le même problème, mais on le voit déjà tous les jours chez les républicains. » Avec près de 74 millions de voix en novembre, plus que n’importe quel candidat républicain à la présidentielle, et le spectre d’une candidature en 2024, la mainmise de Donald Trump sur le parti pourrait rester importante. D’autant que plusieurs « bébés Trump », comme le député de Floride Matt Gaetz, qui a défendu l’idée fausse que la nébuleuse antifa était derrière l’envahissement du Capitole, ont émergé à Washington pendant sa présidence. Même s’il ne lance pas son propre média, l’homme d’affaires peut compter sur des canaux complaisants comme One America News (OAN), Newsmax et certains animateurs affidés sur Fox News (Tucker Carlson, Sean Hannity…) pour répandre sa bonne parole et défendre son bilan. Du moins dans l’immédiat. Ses électeurs les plus convaincus, qui haïssaient déjà l’establishment « RINO » (« Republicans In Name Only »), considéré comme des poules mouillées trop proches des démocrates, vont également maintenir la pression sur les républicains au Congrès, surtout ceux qui ont commis le crime de lèse-majesté de reconnaître la victoire de Joe Biden. « Ils devront continuer à soutenir Trump s’ils veulent garder leur job ! », lance Robert Montgrow, un électeur trumpiste rencontré à Washington lors d’un rassemblement contre les résultats de la présidentielle, le 6 janvier, avant le siège du Capitole. « Nous assistons peut-être à la naissance d’un troisième parti, composé de vrais patriotes, d’Américains fidèles à la Constitution qui voient la corruption dans les deux autres partis et disent: trop, c’est trop. » Électeur indépendant, il n’a voté républicain que parce que Donald Trump était le candidat du parti en 2016. C’est aussi le cas de Denis et Sharon, un couple venu de Nashville (Tennessee). « Trump est le premier – et je n’aime pas ce mot – homme politique qui parle franchement. Tout le monde à Washington pense aux implications de ce qu’ils vont dire avant d’ouvrir la bouche », estime Denis, un retraité de 68 ans. « Je m’en fiche des républicains. Je ne m’identifie plus comme tel, enchaîne son épouse. Comme les démocrates, il y a des élus républicains qui ne sont là que pour se servir. Je vote républicain car je dois le faire, mais il faut les dégager, à commencer par Mitch McConnell. Nous avons besoin de limiter le nombre de mandats de tous les élus. Sinon, rien ne va changer. » Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 Ce désormais tristement célèbre 6 janvier, lors d’un discours-fleuve devant la Maison Blanche, Donald Trump s’en est pris ouvertement aux élus républicains au Congrès, mais aussi à son propre vice-président Mike Pence, le gouverneur de Géorgie Brian Kemp accusé de ne pas avoir fait assez pour le défendre dans cet État clé, ou encore la Cour suprême, devenue un bastion conservateur après sa nomination de trois juges. Gabriel Scheinmann n’est pas convaincu que Donald Trump restera influent. « Les Américains n’aiment pas les perdants, assure-t-il. On a vu plusieurs de ses soutiens conservateurs à Fox News ou au Wall Street Journal prendre leurs distances dès qu’il a perdu l’élection. Ils ont réalisé qu’entretenir de bonnes relations avec lui n’était plus nécessaire pour parvenir à leur but. Peu uploads/Politique/ article-934485.pdf

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