Mémoire soutenu par Olivier Marty, Dirigé par Madame Comte Dans le cadre de l'I
Mémoire soutenu par Olivier Marty, Dirigé par Madame Comte Dans le cadre de l'Institut d'Etudes Politiques de Toulouse. (1998-1999) Les ultralibéraux face à l'intérêt général De la pensée à la pratique Avertissement Etant étudiant en sciences politiques et en philosophie, la réflexion sur la notion d'intérêt général est, pour ainsi dire, venue naturellement. Ayant par ailleurs été marqué par un texte d'Hayek présentant sa conception de la société, cette réflexion a été rapidement orientée selon les grands thèmes ultralibéraux. En effet, sans être moi-même ultralibéral (je suis trop peu économiste et trop peu engagé politiquement pour cela), je me dois de signaler quelques affinités de pensées sur les conceptions de base. Loin d'être un mémoire de propagande, il s'agit simplement d'une synthèse de ce que les ultralibéraux ont pensé sur la notion d'intérêt général. Ces quelques lignes ont, je l'espère, plus d'objectivité que l'opinion commune qui se limite aux aspects saillants d'une pensée qu'elle n'a pas le temps de pénétrer. M'étant au contraire littéralement plongé dans le sujet, tout en conservant une distance critique, j'espère en avoir retiré les principales lignes qui le résument. Je tiens à remercier : -le site Catallaxia pour leur remise en page du mémoire (“ L’intérêt général dans la pensée ultralibérale ” est disponible dans la rubrique “ les pépites de catallaxia ” du site. Passer par yahoo.fr). -mon père pour sa relecture attentive. -mon ami colombien Andrés Valencia pour les documents qu'il a bien voulu me faire parvenir et pour les nombreuses discussions qui ont alimenté ma réflexion. Préambule L'Etat, médiateur entre la pensée et la pratique de l'intérêt général. L'objet de ce préambule est de réunir le corps principal du mémoire ('l'intérêt général dans la pensée ultralibérale') à l'annexe réalisée quelques mois plus tard ('l'intérêt général dans la pratique ultralibérale'). Pour ce faire, quoi de plus naturel que d'avoir choisi comme thème 'l'Etat' : en effet l'Etat est le médiateur, l'instrument, qui permet d'articuler la pensée et la pratique de l'intérêt général. Voici donc une brève réflexion sur l'Etat. On abordera, dans un premier temps, la notion d'Etat en des termes très généraux ; puis, dans un second temps, la conception qu'en ont les ultralibéraux. L'Etat… Contrairement aux recherches portant sur la réalité physique qui ne tolèrent pas la cohabitation de paradigmes différents1[1], les recherches en sciences sociales ont la réputation d'être plus ouvertes et d'accepter la multiplication des points de vue2[2]. Faisant face à une réalité bien plus 1[1] Cette affirmation reste à nuancer puisque le relativisme épistémologique se répand en ce 20ème siècle jusqu'à toucher les sciences 'dures'. C.f. Feyerabend : Contre la méthode. (collection Points Science). Pour une analyse critique : Raymon Boudon, L'art de se persuader, (collection Points Essais). 2[2] C.f. les sept métaphores qu'emploie Gareth Morgan (Images of organization) pour cerner la réalité 2[2] C.f. les sept métaphores qu'emploie Gareth Morgan (Images of organization) pour cerner la réalité d'une organisation. Mais surtout la théorie qu'il présente sur la nécessité de multiplier les métaphores pour expliquer le fait social. complexe, les chercheurs en sciences sociales ne peuvent se persuader qu'un seul paradigme suffira à cerner le problème. Ils sont donc obligés3[3] d'accepter des visions de la réalité sociale bien différentes. Ainsi la notion d'Etat, dont la définition par les scientifiques est concurrencée par celle qu'en donnent les politiques, est une des plus riches en concepts et approches différentes. Il ne s'agit pas, dans ces quelques lignes, de tenter vainement une énumération exhaustive de ces différentes approches4[4]. On essaiera plutôt d'en élaborer une5[5] qui, bien que sommaire, nous permettra de poser un cadre solide, préparant ainsi notre réflexion sur la vision de l'Etat propre aux ultralibéraux. L'Etat est une structure administrative résultant d'un procesus historique… Les multiples tentatives d'explication historique de l'Etat ne s'accordent pas véritablement sur une date (même imprécise) censée marquer sa naissance. Ainsi Bernard Charbonneau6[6] considère Rome comme le premier Etat alors que Bertrand de Jouvenel7[7] insiste sur l'impact de la révolution française et la rationalisation administrative dirigée par Napoléon. De son côté, Pierre Rosanvallon8[8] fait des mesures hygiénistes prises au 19ème siècle la marque d'un premier interventionnisme annonçant l'Etat moderne. Point d'entente donc, si ce n'est pour affirmer que l'Etat, compris comme une structure administrative imposante, s'est lentement dégagé de la société. En quoi à consisté ce processus historique de longue haleine ? Les trois auteurs insistent sur la puissance croissante de l'Etat : l'augmentation du pouvoir militaire impressionne les deux premiers alors que le dernier étudie les interventions toujours plus efficaces de l'administration sur la société civile. S'attacher à décrire l'emprise croissante de l'Etat sur la société par le biais de l'administration est intéressant. Indispensable, même, si l'on veut se pencher sur un problème au cœur des politiques ultralibérales : l'interventionnisme économique. Mais il faut remonter plus haut pour saisir la nature même du phénomène administratif. En quoi consiste le processus historique dont résulte l'administration, base de l'Etat moderne ? 3[3] Ouverture se faisant toujours à l'encontre d'un certain confort intellectuel qui réclame une vision unifiée de la réalité…(cf Auguste Comte : Introduction aux cours de philosohie positive) 4[4] L'Anthropologie Politique de Georges Balandier constitue une somme imposante de différentes typologies visant à cerner le phénomène étatique. 5[5] Signalons simplement que, a côté de l'approche historisciste que nous développons ici, il existe une approche fonctionaliste qui met en avant les rôles de l'Etat : par exemple assurer la coopération et la sécurité dans la théorie de Radcliffe-Brown. C.f. Balandier,opp. Cit., p18 6[6] Bernard Charbonneau : L'Etat, pages 25-26 7[7] B. de Jouvenel : Du pouvoir, histoire naturelle de sa croissance. 8[8] P. Rosanvallon : L'Etat en France … qui consiste en une dépersonnalisation des rapports de pouvoir,…. La société, et plus particulièrement les hommes qui animent les rapports de pouvoir en son sein, précède l'Etat : nous venons de voir que celui-ci n'apparaissait qu'après une longue évolution. Quelle est la différence entre la société non étatique et la société étatique qui lui succède ? En suivant Max Weber -qui nous guidera à plusieurs reprises dans nos recherches- nous apprenons que c'est la dépersonnalisation des rapports de pouvoir9[9] qui marque la différence entre les deux sociétés. Alors que le pouvoir politique reste, au sein de la première, prisonnier de rapports d'individus à individus, il est, dans la seconde, bien plus organisé et efface les individus derrière leur fonction. Le pouvoir, en se bureaucratisant, se rationnalise : tout y est pré-réglé. Cette dépersonnalisation des rapports de pouvoir, qui n'est autre que la mise en place d'une organisation politique survivant aux individus, a été étudiée par des penseurs allemands et, à leur suite, par Maurice Hauriou10[10] dans sa théorie de l'institution. …c'est à dire en la création d'une institution politique. Maurice Hauriou définissait une institution comme "une organisation dans laquelle le pouvoir est subordonné à la fonction"11[11]. L'individu s'y voit attribuer un statut et un rôle, il est inscrit au sein d'une structure hiérarchique qui le dépasse et qui détermine ses pouvoirs. S'il existe plusieurs types d'institutions (de plus ou moins grande échelle, privées ou publiques), l'institution administrative (chargée des problèmes politiques de la société globale) est belle et bien la marque de l'Etat moderne. 9[9] Cette thèse développée par Max Weber est reprise par plusieurs auteurs. On en trouve notamment des echos dans les articles de Jacques Ellul, cf la revue Droits, n°15. 10[10] on trouvera un exposé de la théorie de l'institution d'Hauriou dans les premiers chapitres de son Précis de droit administratif 11[11] Hauriou, opp. Cit, p14 Mais au-delà de la dépersonnalisation des rapports de pouvoir, l'institution est aussi caractérisée par l'idée qui la domine et la dirige. En effet, "une institution sociale est une entreprise dont l'idée domine tellement le personnel des agents qu'elle est devenue pour eux une œuvre à accomplir"12[12]. Qu'est-ce à dire ? Pour Maurice Hauriou, le phénomène d'institution se décompose en cinq phases principales : 1/ une idée d'œuvre est lancée par quelques individus, 2/ cette idée se propage, un groupe de gens l'assimile et aspire à sa réalisation, 3/ dans ce groupe s'élève un pouvoir qui s'empare de la domination pour réaliser l'entreprise, 4/ un débat historique s'engage et débouche bientôt sur une définition des rôles et des statuts (c'est à dire sur la constitution d'une organisation), 5/ cette organisation devient enfin une institution après une assez longue durée de rapports pacifiés. Cette analyse entraîne cependant une difficulté majeure : quelle aurait été l'idée-mère à l'origine de l'institution étatique moderne ? Faut-il la baser sur l'idée de conquête qui guidait les romains (ou Napoélon), sur l'ideé d'unifier un pays pour mieux le contrôler (cf la révolution française, Robespierre et l'égalitarisme) ou encore sur l'idée d'assainir la société (par une politique hygiéniste, qu'elle soit médicale (19ème siècle) ou économique (20ème siècle)) ? A moins que l'Etat ne soit le résultat d'un lent agrégat d'institutions, toutes issues d'idées différentes ? Nous rentrons ici au cœur de la problématique ultralibérale : en effet nous avons vu comment s'était peu à peu constitué au-dessus des invididus une institution étatique, censée assurer la réalisation uploads/Politique/ les-ultraliberaux-face-a-l-x27-interet-general-de-la-pensee-a-la-pratique.pdf
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- Publié le Oct 22, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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