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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Allemagne: trois hommes s’affrontent pour la succession de Merkel à la CDU PAR THOMAS SCHNEE ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 15 JANVIER 2021 Un libéral « réac » sorti des années Kohl, un prince de région affable et le « George Clooney » de la diplomatie allemande sont en lice pour prendre les rênes de la CDU, le parti de la chancelière, qui tient son congrès samedi. La chancelière allemande, Angela Merkel, le 16 décembre 2020. © Odd ANDERSEN / AFP Berlin (Allemagne).– En presque 16 ans de règne, Angela Merkel a réussi beaucoup de choses. Mais elle a échoué à organiser sa succession. La dauphine qu’elle s’était choisie en 2018, et qui occupe encore la présidence du parti chrétien-démocrate (CDU), Annegret Kramp-Karrenbauer, a éprouvé de gros problèmes d’autorité et décidé de jeter l’éponge en février 2020. Pour la remplacer, trois candidats, des hommes, blancs, catholiques et de l’Ouest, sont en lice. Le congrès, prévu à l’origine en présentiel pour décembre dernier, démarre finalement vendredi 15 janvier en virtuel, avec une élection prévue samedi en début d’après-midi. La chancelière allemande, Angela Merkel, le 16 décembre 2020. © Odd ANDERSEN / AFP S’il y a trois candidats officiels, il y a aussi deux camps non officiels. D’un côté : Armin Laschet, ministre-président du vaste Land de Rhénanie-du- Nord-Westphalie (NRW), ainsi que Norbert Röttgen, ancien ministre de l’environnement d’Angela Merkel (2009-2012) et président de la commission des affaires étrangères du Bundestag. De l’autre : Friedrich Merz, ancien dignitaire du parti, conservateur convaincu de son destin de chef, mais adversaire malheureux de la jeune Angela Merkel en 2002. Dépité, il est parti travailler dans la finance internationale pendant dix ans. Puis il est revenu tenter sa chance il y a deux ans, battu de justesse par Annegret Kramp- Karrenbauer, le 7 décembre 2018. Les deux premiers candidats partagent les positions de la chancelière, notamment sur la transition énergétique, la politique sociale ou les réfugiés. « Et ils n’ont pas de problème avec une CDU qui s’est “sociale-démocratisée” sous Merkel, complète le politologue berlinois Herfried Münkler. M. Merz, en revanche, a un profil plus à droite, libéral en économie et conservateur sur le plan sociétal. Il joue beaucoup sur la nostalgie de la droite du parti qui rêve d’Helmut Kohl, et sur sa prétendue capacité à faire barrage à l’AfD, le parti d’extrême droite. Il a un profil plus clair que les deux autres. Pourtant, s’il veut gagner, il faudra qu’il frappe vite et fort. Car ses adversaires risquent de s’allierdès le second tour. » Pour Friedrich Merz, qui est tour à tour traité comme favori ou comme outsider, savoir gérer les crises ne suffit pas : « Après la crise du coronavirus, nous serons confrontés à des questions de politique économique », explique le candidat en critiquant indirectement une chancelière qui, selon lui, n’a pas fait assez pour moderniser le pays. Mais à bien y regarder, son approche modernisatrice, certes très libérale, est plutôt proche de celles de ses deux adversaires. Eux aussi sont prêts à secouer la chape bureaucratique et fiscale qui pèse sur les entreprises et les administrations, et investir dans les infrastructures, la décarbonisation ou le numérique. Eux aussi veulent se battre pour une Europe forte. « L’un des problèmes de Merz, c’est que la CDU a actuellement une cote élevée dans l’opinion publique et que l’AfD est mal en point », souligne Uwe Jun, professeur de sciences politiques à l’université de Trier. La lutte contre la pandémie et un nombre de morts très faible lors de la première vague ont nettement redoré le blason du parti. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 « La popularité de la chancelière est forte et les intentions de vote pour la CDU ont grimpé comme jamais en mars dernier », précise l’universitaire. Si, grâce à la vaccination, l’économie redémarre sans trop de problèmes, « alors la CDU va aborder l’élection dans une situation très confortable, clairement en tête », explique M. Jun. Dans cette optique, pourquoi la CDU s’embarrasserait-elle d’un président capable de gâcher la campagne électorale et de gêner une future coalition gouvernementale qui se construira très probablement avec le parti écologiste ? Certaines déclarations homophobes ou anti-réfugiés de Friedrich Merz conduisent en effet nombre d’électeurs à se demander si ce dernier n’est pas avant tout un homme du passé avec un gros manque d’empathie. Alors qu’une grande majorité de la population a soutenu la politique de Merkel sur les réfugiés, Merz ne voit aucune raison pour accueillir les réfugiés qui survivent sans toit dans le froid et la boue en Bosnie ou en Grèce. Alors qu'il était interrogé à l’automne dernier sur la possibilité d’avoir un jour un chancelier homosexuel à la tête de l’Allemagne, son homophobie déjà connue a resurgi, le conduisant à amalgamer instinctivement homosexualité et pédophilie. « Tant que tout se fait dans un cadre légal et que les enfants ne sont pas concernés – car pour moi c’est une frontière absolue à ne pas dépasser –, je considère que c’est un sujet qui relève de la vie privée », a-t- il répondu. Le ministre conservateur de la santé Jens Spahn, qui ne cache ni son homosexualité ni son intention de devenir un jour chancelier, n’a pas été le seul à s’indigner. La palme absolue revient cependant à la manière dont M. Merz se perçoit dans l’échelle sociale. « Je fais partie de la classe moyenne supérieure », a-t-il affirmé très sérieusement au quotidien populaire Bild, fin 2018. Ce qui a provoqué un énorme éclat de rire et une pluie de sarcasmes dans tout le pays. En effet, Friedrich Merz possède deux avions. Et à l’époque, il gagnait encore un million d’euros par an en tant que lobbyiste allemand numéro un de BlackRock, le plus gros fonds privé du monde avec un volume de 7800 milliards de dollars d’investissements. Alors que l’état de l’échiquier politique laisse peu d’alternatives à une future coalition unissant les Verts aux conservateurs, les 1 001 délégués de la CDU prendront-ils le risque d’élire un futur candidat à la chancellerie susceptible de faire fuir l’électorat conservateur modéré et modeste qui constitue l’une des bases les plus solides du pouvoir merkelien ? « Il faut bien voir que si les sondages auprès des adhérents de la CDU donnent un plus à Merz, aucun sondage n’a été réalisé auprès des délégués qui éliront le président du parti. Or ce sont pour la plupart des professionnels de la politique, fonctionnaires du parti ou petits élus, qui analysent la situation d’une manière plus froide. Ils préfèrent la stabilité », relève Herfried Münkler. Quant à savoir qui sera le candidat conservateur à la chancellerie, il est trop tôt pour le dire : « Si Armin Laschet ou Norbert Röttgen sont élus à la tête de la CDU, il n’est pas garanti qu’ils s’imposent. La possibilité a été évoquée qu’ils passent un accord avec le patron des conservateurs bavarois Markus Söder Celui-ci est tout prêt à se présenter à la succession d’Angela Merkel, si on le lui demande. En revanche, Merz a fait comprendre qu’il se présenterait à la chancellerie dans tous les cas », précise Miriam Hollstein, chef du service d’enquêtes politiques du groupe de médias Funke. Au bout du compte, si les observateurs et experts politiques allemands admettent que la situation est trop confuse pour tenter un pronostic, la logique et l’expérience donnent un léger bonus à Armin Laschet. Fidèle de la chancelière, il a appuyé toute sa campagne non pas sur des idées nouvelles mais sur sa réussite électorale en Rhénanie et son expérience de gouvernement à la tête de sa « petite Allemagne », une région de 18 millions d’habitants. Quant à Norbert Röttgen, fin connaisseur de la politique internationale, il a échoué exactement dans la région où Laschet a réussi. Son manque de réussite électorale, son trop bref passage au ministère de l’environnement, ou encore son absence relative de Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 réseau, pourraient lui être fatals. À moins qu’il ne soit le candidat du compromis. Mais pour le quotidien conservateur Die Welt, ce « George Clooney » de la politique allemande est sûrement « trop moderne pour la CDU ». Directeur de la publication : Edwy Plenel Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 24 864,88€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel (Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, François Vitrani. Actionnaires directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, Marie- Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, Société des Amis de Mediapart, Société des salariés de Mediapart. Rédaction et uploads/Politique/ article-934721.pdf

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