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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Israël: même l’extrême droite ne veut plus de Netanyahou PAR RENÉ BACKMANN ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 31 MAI 2021 Le chef du parti israélien Yemina, Naftali Bennett, arrive à la Knesset, le Parlement israélien, pour faire une déclaration politique à Jérusalem, le 30 mai 2021. © YONATAN SINDEL / PISCINE / AFP Pour bâtir une coalition en mesure de chasser le premier ministre du pouvoir, le centriste laïc Yair Lapid a accepté de céder provisoirement le poste de premier ministre à l’une des figures de la droite dure, Naftali Bennett, partisan de la colonisation et de l’annexion des Territoires palestiniens. La politique de « Bibi » va-t-elle se poursuivre sans lui ? Benjamin Netanyahou est-il sur le point de perdre le pouvoir dont il a usé et abusé à la tête du gouvernement israélien pendant 15 ans ? C’est très probable. Il faudra attendre mercredi à minuit l’expiration du mandat confié par le chef de l’État au député centriste laïc Yair Lapid pour constituer un gouvernement « de changement », avant d’en avoir la certitude. Mais tout indique – y compris la démesure de la colère du premier ministre, dimanche, lorsqu’il s’est adressé à ses compatriotes – que sa sortie de scène est proche. Après un mois de tractations interrompues par l’éruption de violences de Jérusalem à la bande de Gaza, en passant par les villes « mixtes » d’Israël et la Cisjordanie, le chef du parti Yesh Atid («Il y a un avenir»), chef de file du « bloc » anti-Netanyahou lors des dernières élections législatives, devrait présenter dans les jours ou les heures qui viennent au président Reuven Rivlin un projet de gouvernement soutenu par une coalition composite mais unie par sa volonté d’en finir avec le règne de plus en plus contesté de « Bibi ». Le chef de l'opposition centriste israélienne Yair Lapid à la Knesset (parlement israélien) à Jérusalem le 31 mai 2021. © DEBBIE HILL / POOL / AFP Pour atteindre son objectif, Yair Lapid devait obtenir l’accord d’au moins 61 députés (sur 120). Le « bloc » anti-Netanyahou rassemblait à l’origine 57 députés de 7 formations différentes, qui vont de la gauche sioniste (Meretz, Parti travailliste) aux dissidents du Likoud (Nouvel Espoir) et aux nationalistes issus de l’immigration russe (Israël, notre maison) en passant par les partisans du général Benny Gantz, actuel ministre de la défense (Bleu et blanc), la Liste d’union des formations représentant les Palestiniens d’Israël et les centristes de Il y a un avenir). Ces formations ont des contours, des ambitions, des intérêts et des desseins divergents, voire contradictoires. Plusieurs d’entre elles, par exemple, refusent que la majorité doive son existence à la présence en son sein de députés arabes et jugent invalides les textes et décisions qui n’ont pas réuni une « majorité juive ». En fait, elles n’ont en commun que la volonté d’en finir avec Netanyahou. La tâche de Lapid était d’autant plus difficile que pour atteindre une majorité de 61 députés, il devait impérativement obtenir le soutien des islamistes de la Liste arabe unie (quatre députés) ou de la droite nationaliste radicale favorable à la colonisation et à l’annexion. Représentée par le parti Yamina (sept députés) cette droite refuse toute participation à une coalition comprenant les islamistes et son chef de file, Naftali Bennett, ancien allié de Netanyahou, a longtemps hésité entre ses griefs à l’encontre du premier ministre et l’ancrage idéologique à droite et même à l’extrême Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 droite de son électorat. Au point d’annoncer, au début du conflit avec le Hamas, que sa participation à un « gouvernement de changement » n’était plus d’actualité…, avant de reprendre les négociations au lendemain de la signature u cessez-le-feu. À la fin de de la semaine dernière, malgré la défection d’un de ses députés, Amichaï Chikli, qui refusait de voir son parti soutenir un « gouvernement de gauche » et a préféré rallier Netanyahou, Bennett paraissait avoir réussi à triompher de son indécision légendaire et un accord pour le « gouvernement de changement », devenu un « gouvernement d’union nationale », semblait pratiquement conclu. Pour obtenir l’apport des six députés restants de Yamina, Yair Lapid, il est vrai, a fait des concessions politiques majeures. Et accepté un accord d’alternance en vertu duquel le chef de file de Yamina obtiendra en premier le poste de premier ministre et exercera le pouvoir jusqu’en septembre 2023 où Lapid lui succédera. En outre, pour consolider l’adhésion des formations de droite – Yamina et Nouvel Espoir - à la coalition et rassurer leurs éléments les plus conservateurs, un veto leur serait accordé sur les décisions touchant à la réforme de la justice et aux nominations des six juges de la Cour suprême qui doivent être renouvelés dans les quatre prochaines années. Hostiles à Netanyahou mais plus que réservés face au fondateur de Yamina, les six députés de la Liste d’union représentant les Palestiniens d’Israël ont indiqué qu’ils n’avaient pas l’intention de voter en faveur d’un gouvernement dirigé par Bennett, qui fut l’un des dirigeants du Conseil de Yesha, l’organisation des colons, et défend l’annexion par Israël des Territoires palestiniens. Mais ils sont disposés, si c’est nécessaire, à s’abstenir pour permettre à la nouvelle coalition de remplacer celle de Netanyahou. Rien, donc, ne devrait empêcher Lapid de présenter d’ici à mercredi au chef de l’État une coalition et un gouvernement en mesure de gouverner. Ce qui ouvrirait la période de sept jours débouchant sur l’approbation par la Knesset du nouvel exécutif. Compte tenu des dispositions belliqueuses dans lesquelles la perspective de la perte du pouvoir a plongé Netanyahou et ses alliés, de multiples manœuvres de retardement sont à craindre. Ulcéré à l’idée d’abandonner sa résidence officielle de la rue Balfour, mais surtout d’avoir à comparaître bientôt devant le tribunal en simple citoyen, pour répondre de ses affaires de corruption, le premier ministre sortant a d’ailleurs livré quelques pistes dimanche, dans sa réponse hargneuse au discours de Bennett qui annonçait son accord avec Lapid. Sur mediapart.fr, un objet graphique est disponible à cet endroit. Le fondateur de Yamina pourrait être amené à s’expliquer sur la trahison des engagements pris devant ses électeurs de droite que constitue, aux yeux du Likoud, la participation à un gouvernement comprenant des ministres du Meretz et bénéficiant du soutien de députés arabes, ce qui retarderait le vote de la Knesset. Une question de procédure pourrait aussi être soulevée en raison du fait que le député qui accédera au pouvoir – Bennett – ne sera pas celui – Lapid – qui avait reçu du président le mandat de constituer le gouvernement. Les intéressés ont déjà prévu de faire observer qu’il existe à cette substitution un précédent historique : en 1961, David Ben Gourion avait dirigé le gouvernement que Levi Eshkol avait formé pour lui. Mais le débat pourrait être porté devant la Cour suprême et retarder le processus d’approbation du nouvel exécutif. Et Netanyahou pourrait utiliser ce délai pour tenter d’obtenir la désertion d’autres députés de droite, gênés par la participation de leurs formations à un gouvernement « de gauche » qui « plaira beaucoup à l’Iran et à la Syrie ». Face aux 61 élus de la coalition Lapid-Bennett, il ne dispose pour l’heure que de 53 députés, ce qui limite sérieusement ses moyens. « En d’autres termes, constate un ancien parlementaire, Netanyahou n’a plus qu’une seule chance de paralyser la relève : dramatiser jusqu’à la caricature la situation sécuritaire, proclamer l’existence de l’État d’Israël en danger et attendre une bavure ou la mobilisation de ses partisans dans la Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 rue pour provoquer le gel du processus politique et parlementaire en cours. Mais il ne peut ignorer que les foules qui ont manifesté contre lui chaque semaine depuis des mois sont autrement plus importantes que celles que rassemblent ses partisans.» C’est pourtant cette version locale, pathétique et d’une décence discutable, de la stratégie de la tension qu’il a tenté de jouer vendredi dernier, juste avant le début du shabbat, en se faisant filmer, pendant trois minutes et sept secondes, tournant le dos à la Méditerranée, près de sa résidence de Césarée, comme si la menace d’être jetés à la mer pesait aujourd’hui sur les Israéliens. « Un gouvernement de gauche, a-t-il prophétisé, ne pourra protéger le peuple, le pays, les soldats des forces de défense d’Israël, l’éthique sioniste.» « Netanyahou est prêt à mettre le feu au pays pour rester au pouvoir, estime Ayman Odeh, avocat et chef de file de la Liste d’union représentant à la Knesset les Palestiniens d’Israël. Pendant la dernière éruption de violences, il a géré la situation de manière à provoquer une escalade dont il pourrait tirer profit.» « L’État d’Israël n’est pas en péril, ces temps sont révolus, estime le chroniqueur politique de Haaretz, manifestement indigné par l’alarmisme irresponsable et intéressé du premier ministre sortant. C’est Netanyahou qui est en péril. Un homme capable de uploads/Politique/ article-964758.pdf

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