PRÉSENTATION DU DÉBAT : Comment penser la démocratie aujourd’hui ? La démocrati
PRÉSENTATION DU DÉBAT : Comment penser la démocratie aujourd’hui ? La démocratie est l’idée que la société doit s’organiser en attribuant le pouvoir souverain au peuple. C’est une bien vieille idée puisqu’elle est apparue dans la Grèce du VIème siècle avant J- C. Étouffée par l’impérialisme romain, elle a trouvé une reviviscence à l’époque moderne quand il a fallu surmonter l’arbitraire du féodalisme et de ses séquelles monarchiques. Elle est ainsi parvenue jusqu’à nous. Mais elle apparaît aujourd’hui bien fatiguée. Si la démocratie est invoquée comme principe par la plupart des États de la planète, nombreux sont ceux qui affichent d’elle un masque gravement déformé. Et même dans les États qui furent les pionniers de la démocratie moderne, on la voit remise en cause par des mouvements dits « populistes » en ce qu’ils préconisent des mesures autoritaires en se prétendant portes-parole des sentiments du peuple. Il faudra nous efforcer de comprendre cette faiblesse contemporaine de la démocratie. C’est pourquoi nous serons amenés à la référer à ses grands théoriciens du passé, mais aussi à apprécier son inflexion liée à ses démêlés avec le libéralisme. Notre approfondissement des caractères de cette évolution contemporaine de la démocratie devrait nous permettre de mettre en évidence les menaces mortelles qui pèsent sur elle, mais aussi l’émergence de pratiques sociales qui ouvrent la possibilité d’un nouveau printemps de la démocratie. Peut-être saurons-nous alors plus clairement comment aller vers une démocratie vivante, autrement dit vers une véritable maîtrise collective de notre avenir ? ____________________________________ Introduction Nous nous sommes réunis ce soir autour d’un mot « démocratie » Nous ne nous connaissons pas forcément, mais au moins nous savons que nous avons un point commun : nous nous sentons très concernés par l’idée de démocratie. Nous sommes très concernés par la démocratie parce que nous avons à faire avec la démocratie – notre Etat ne s’affirme-t-il pas démocratique ? – Constitution article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Or la démocratie se définit comme la souveraineté du peuple sur le pouvoir public – le pouvoir qui organise la vie sociale. Qi’est-ce que la souveraineté ? C’est l’instance de décision ultime concernant les choix publics. Au-delà de ce que proclame la Constitution, sommes-nous effectivement en démocratie ? Des doutes : J’ai lu dans la presse que le gouvernement tardait à mettre en route le processus de recueil des signatures concernant le RIP voté par les parlementaires sur le projet de privatisation de l’ADP. Sans parler du non-respect du résultat du référendum de 2005. Je vous propose qu’on ne s’arrête pas à cette question, du moins maintenant, mais que l’on considère comme acquis que nous sommes en démocratie : Par déférence envers nos aînés qui ont vécu le nazisme Nous pouvons débattre librement ce soir de la bonne manière de s’organiser en société. Et cette liberté, nos aînés ne l’avaient plus, et ils se sont battus durement pour la retrouver et nous la léguer. Mais ceci étant posé la question de ce soir – « Comment penser la démocratie aujourd’hui ? » – suppose que l’on ne vit pas la démocratie comme la solution à notre problème de vivre-ensemble, mais qu’elle fait elle-même problème. En tant qu’elle est une manière d’élaborer le pb contemporain de la démocratie, la réponse à la question – « Comment penser la démocratie aujourd’hui ? » – a 2 versants, un versant rétrospectif et un versant prospectif, autrement dit : 1– Comment la démocratie en est-elle arrivée à poser ainsi problème ? 2– Comment faire évaluer la démocratie pour qu’elle réalise ses promesses ? La réponse à 1 devant éclairer les possibilités de réponse à 2. Qu’on note bien que notre approche est philosophique : nous cherchons à déterminer la bonne idée de la démocratie, compte-tenu des déboires que cette idée, telle qu’elle a été comprise par le passé, à occasionnés hier et aujourd’hui. L’approche philo vise toujours l’universel : nous voulons aller vers la bonne idée de la démocratie, celle qui puisse être reprise toujours et partout. Ainsi nous n’avons pas la même démarche que notre voisin le sociologue J. Viard qui vient de publier « l’implosion démocratique » M. Viard part des faits sociaux contemporains – la révolution numérique, la crise écologique, la crise identitaire post-effondrement du communisme – et propose des pistes de réforme pour réaliser une démocratie vivante. Nous nous poserons plutôt la question : qu’est-ce qui était défaillant dans l’idée démocratique, pour qu’elle nous amène aux impasses contemporaines ? Viard se préoccupe plutôt de mesures politiques pour sortir de l‘impasse, nous voulons penser valeurs qui devraient nous guider pour ne pas y entrer. Cependant nous revendiquons une supériorité de l’approche philosophique car, comme le dit Castoriadis (1983) « penser sans restriction est la seule manière d’aborder les problèmes et les tâches » D’où vient l’idée de démocratie ? Elle vient de la Grèce antique L’apparition de l’idée de démocratie a été concomitante de la diffusion du logos dans la société grecque. Cela s’est fait au long d’un processus qui semble avoir commencé au -VIII° siècle, et qui apparaît acquis au début du VI° siècle avec le personnage de Thalès. Le logos, c’est le discours rationnel. Il s’oppose au muthos qui est le discours mythique. Toutes les espèces vivantes ont un biotope assigné en lequel elles s’épanouissent, et hors duquel elles dépérissent – le bovin a besoin d’herbe, comme l’hirondelle d’insectes volant Toutes sauf une : l’espèce humaine. C’est pourquoi l’individu humain a besoin de justifier sa situation dans le monde, et plus particulièrement sa situation dans la société. La parole mythique est la première et la plus universellement répandue forme de réponse à ce problème : pourquoi suis-je ici et dans cette condition ? Elle est caractérisée par le recours à la volonté d’êtres surnaturels (les dieux) qui ne peut être contestée. De plus c’est une parole révélée donc définitive (sacrée dit-on). Enfin elle est proférée par une élite qui a une relation privilégiée aux dieux (les prêtres, mais aussi les rois). C’est pourquoi la parole mythique est tout-à-fait adaptée à une société organisée selon des rapports de domination par la force : il suffit que les dominants se fassent reconnaître comme les portes-parole des volontés divines. La parole mythique est la parole élitiste par excellence. Au contraire le logos a une origine populaire. Car le discours rationnel a d’abord été le discours de la maîtrise de la réalité, afin d’en tirer les ressources pour vivre. En effet la forme basique de la raison humaine, mais qui se trouve déjà dans le mode animal, est la saisie de séquences causales dans l’environnement naturel – le bois flotte, mais non la pierre – , et la reprise de ces séquences causales à son profit – construire une embarcation en bois. Le logos – le discours rationnel – est d’abord l’intégration dans le langage de cet ordre des nécessités, manifesté par les rapports de causalité dans la nature – c’est pour cela que les principes fondamentaux du logos sont les principes de non-contradiction et de déduction – le premier permet d’identifier sûrement une réalité, et le second d’en tirer la prévision de réalités à venir – donc d’anticiper – en utilisant ce bois j’aurai un arc souple et solide. Ce que ne réalise pas du tout le discours mythique qui est capable de faire parler un serpent et de faire naître une femme de la côte d’un homme. La diffusion du logos dans haute Antiquité grecque doit énormément au développement des échanges marchands en Méditerranée orientale. Affrêter un bateau, pour un voyage de plusieurs semaines afin de faire des affaires dans plusieurs ports le long des côtes demande effectivement une grande maîtrise du logos. De plus faire des affaires implique toujours des litiges, et ceux-ci doivent être réglés de manière à pacifier les relations car il n’y a rien de plus nuisible au commerce qu’un climat d’insécurité. Le premier usage politique du logos (politique = concernant l’organisation de la cité.) a été dans la pratique judiciaire ; très tôt – dès le VIIIème siècle. On ne plus fonde plus l'acte de justice sur une sentence royale, ni sur une épreuve ordalique, mais sur un jugement prononcé par un juge au-dessus des parties, au terme d'un débat contradictoire qui lui a permis d'examiner et de comparer les arguments afin d'amener au jour la vérité objective. C’est le moyen le plus sûr de parvenir au jugement qui mettent tout le monde définitivement d'accord. Désormais la justice se rend de plus en plus sur l’agora – la place publique – qui devient désormais le centre de la cité. Dans l'agora, tout le monde a une égale possibilité d'accès aux règles qui régissent les décisions (le droit). D'ailleurs il s'agit de l'époque où en Méditerranée orientale, l'écriture n'est plus privilège royal, mais devient accessible à tous. Tout le monde peut donc avoir accès aux textes de lois, les discuter, en vérifier l'application. On comprend que la révolution judiciaire en uploads/Politique/ comment-penser-la-democratie-aujourd-x27-hui.pdf
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- Publié le Apv 15, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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