Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Univ
Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article Verner K. Ruf Études internationales, vol. 5, n° 2, 1974, p. 302-325. Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante : http://id.erudit.org/iderudit/700446ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 16 juin 2012 04:11 « Aspects systémiques de la coopération internationale entre pays inégalement développés » ASPECTS SYSTÉMIQUES DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE ENTRE PAYS INÉGALEMENT DÉVELOPPÉS Werner K. RUF* INTRODUCTION La coopération entre États inégalement développés ne peut plus être analysée avec les termes utilisés pour les relations internationales traditionnelles. Puisque le développement est un phénomène qui relève de la structure socio-économique d'une société il ne peut être étudié qu'en fonction de la société elle-même qui est l'objet de l'analyse. Par conséquent la coopération pour le développement dépasse nécessaire- ment le cadre restreint et classique de la diplomatie. En même temps elle pose de sérieux problèmes aux juristes spécialistes du droit international ' : ceci n'est que la preuve ultime que nous nous trouvons devant un phénomène nouveau dans les relations internationales, nouveau et particulièrement épineux parce qu'il n'est plus que partiellement saisissable avec Yinsirumentarium traditionnel des juristes et diplomates. En effet, le postulat de développement ne vise pas l'État dans sa notion classique mais plutôt la société qui est « derrière » cet État et qui, elle, ne se prête que très difficilement à Yinstrumentarium du juriste. Le postulat du développement étant son fond essentiellement moral, il sous-entend aussi l'établissement d'une justice sociale à l'intérieur d'une société donnée. Ce n'est donc plus l'État dans sa construction juridique et dans l'apparence de son exécutif légal d'une société érigée en nation qui est visé mais la société qui est vivante derrière cette construction juridique. De là découle une grande partie des difficultés auxquelles se heurte l'élaboration d'une doctrine de coopération destinée à être appliquée sur le plan des relations entre nations, car, dans le fond, il s'agit beaucoup plus de réaliser un système de justice au niveau de la société mondiale que d'appliquer une règle de jeu légaliste entre gouvernements. * Professeur associé à la Faculté de Droit et de Science politique à A ix-en-Pro vence. 1. Maurice FLORY, Inégalité économique et évolution du droit international; contribution au Colloque de la Société française pour le Droit international, Aix-en-Provence, 24-26 mai 1973 (dactylographié). 302 ASPECTS SYSTÉMIQUES DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE 303 Si nous parlons d'aspects systémiques de la coopération, ceci ne veut nullement dire que nous nous référions par là à l'école « classique » de l'analyse systémique2 mais que nous comprenons le monde actuel comme étant un système global et structuré dans lequel toutes les sociétés se trouvent intégrées d'une façon ou d'une autre. Ceci nécessite une explication qui, en même temps, nous fournira le cadre de référence pour expliquer ce que nous entendons par coopération et comment nous pensons pouvoir arriver à la mesurer. I - L'ÉVOLUTION DE LA THÉORIE DES RELATIONS INTERNATIONALES Les modèles utilisés communément et depuis très longtemps dans l'analyse des relations internationales identifiaient, en général, l'État national comme étant l'acteur politique sur la scène internationale. Ceci avait sans doute des avantages opératoires : l'État national était une donnée bien précise, ultime et indivisible au-delà de laquelle l'internationaliste n'avait pas à se poser de questions. Pour pouvoir ainsi analyser l'évolution du système international il suffirait de définir l'intérêt national de l'État- nation ou des États-nations qui étaient l'objet de la recherche, cet intérêt national étant la résultante de la situation géographique des États, de leur écologie, de leur climat, de leur richesse en ressources, etc., et donc finalement de leur « pouvoir » respectif. Ceci est, grosso modo, l'approche de l'école dite réaliste \ D'une certaine façon nous trouvons donc le concept de la démocratie occidentale transposé à l'échelon international : en principe, tous les États indépendants sont égaux. Ils diffèrent par leur richesse relative, corrolaire de leur pouvoir, mais ils sont les maître absolus de leur destin national. L'intérêt national étant en quelque sorte prédéterminé, le chercheur en matière de relations internationales n'avait plus qu'à analyser comment les différents États nationaux réussissaient à réaliser leurs intérêts dans ce que l'on appelle communément le concert des nations. Il va de soi qu'une telle approche était largement influencée par - et influençait à son tour - le concept du droit international qui, justement, part de l'idée de l'individualité des nations et pour qui la présence d'une souveraineté nationale reconnue comme telle constitue le critère de l'égalité entre les nations4. Il est significatif de noter que la quasi-totalité des organisations internationales existantes - dans leurs statuts et dans leur structure interne - se réfèrent à ce modèle. En attribuant à chaque membre un siège et une voix on souligne l'égalité formelle de tous les membres appartenant à cette organisation. Le déterminisme étroit qui découle de cette conception de l'intérêt national a largement contribué à cette tendance d'individualisation et même de personnalisation de la notion d'État. Cette personnalisation permet une conception très simplifiée, pour ne pas dire simpliste, du fonctionnement du système international. 2. Si nous parlons d'analyse systémique « classique », nous nous référons essentiellement aux travaux de Talcott Parsons, David Easton et Gabriel A. Almond, et à ce qui peut être appelé leur(s) école(s). 3. Cette position est défendue surtout par Hans J. MORGENTHAU, Poliîics Atnong Nations, New York, 1947, et ce qu'on est convenu d'appeler son école. 4. Voir pour une critique de cette tradition, Maurice FLORY, Inégalité économique et évolution du droit international; contribution présentée au Colloque de la Société française pour le Droit international, Aix-en-Provence, 24-26 mai 1973 (dactylographié). 304 Werner K. RUF En fait, l'approche de l'école réaliste a été - directement ou indirectement - largement critiquée par les représentants de l'analyse systémique5. Cependant l'analyse systémique n'a jamais présenté de résultats notables au niveau de l'analyse du système international. Ceci semble être dû largement au fait que malgré la démarche et la terminologie « sociologisantes » de cette approche, le « système politique » est, en général, largement identifiable au terme classique de « gouverne- ment » en tant qu'instance régulatrice suprême d'une société6. C'est au niveau du système politique que les conflits et contradictions existant à l'intérieur d'une société qui, en dernier lieu, est délimitée par ses frontières nationales, sont résolus. C'est peut- être justement parce que, à l'échelon mondial, il n'y a pas une organisation comparable à un gouvernement et ayant les pouvoirs régulateurs qui caractérisent les instances gouvernementales à l'échelon national, que de telles analyses n'ont jamais été réalisées, même si l'applicabilité de l'analyse systémique au niveau du système international a été affirmée7. Toutes les autres approches de l'analyse des relations internationales qu'on dit « classiques » n'ont développé que des modèles partiels et applicables à un contexte empirique concret comme, par exemple, l'approche fonctionnaliste8. Ou alors elles se sont contentées de développer des modèles pour des constellations concrètes ou perçues comme telles, qui étaient en général les résultats de l'après-guerre, comme le démontrent les différents modèles de bipolarité ou de multipolarité9. La seule approche qui, parmi les théories dites classiques, paraisse donner à première vue un cadre de référence praticable pour l'analyse des interdépendances existant entre nations, est la théorie des transactions de Karl Deutsch et de son école 10. Un des inconvénients de cette approche est que l'analyse des transactions reste essentiellement quantitative. Elle n'aborde donc pas les conséquences qualitatives que 5. Notamment pour ne citer que quelques-uns des travaux les plus importants Gabriel A. ALMOND, «Comparative Political Systems », Journal of Politics 18, 1956, pp. 391-409; IDEM, «A Development Approach to Political Systems», World Politics, 17 février, 1965, pp. 183-214; ALMOND et James C. COLEMAN, The Politics ofthe Developing Areas, Princeton, 1960; ALMOND et Bingham POWELL Jr., Comparative Politics: A Developmentai Approach, Little, Brown and Co., Boston, Toronto, 1966; David EASTON, The Political Systems: An Inquiry into the State of Political Science, New York, 1953; A Framework for Political Analysis, New York, 1965; A System Analysis of Political Life, New York, 1965; Talcott PARSONS et Edward A. SHILLS, Toward a General Theory of Action, I, New York, 1962. 6. Pour une critique plus détaillée de cet aspect de l'analyse systémique, voii Werner K. RUF, Bilder in der Internationalen Politik, Saarbrucken 1973, notamment, p. 7 à 19. 7. Chadwick F. ALGER, « Comparaison of Intranational and International Politics », American Political Science Review, vol. 57, n° 2, juin 1963. 8. Ernst B. HAAS, « Regionalism, Functionalism and Universal International Organization », World Politics, VIII; 1956; The Uniting of Europe, Stanford, 1958; Beyond the Nation-State, uploads/Politique/ aspects-systemiques-de-la-cooperation-internationale-entre-pays-inegalement-developpes.pdf
Documents similaires










-
34
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 16, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
- Taille du fichier 2.7176MB