Ambigua, Revista de Investigaciones sobre Género y Estudios Culturales, n.º 2,

Ambigua, Revista de Investigaciones sobre Género y Estudios Culturales, n.º 2, 2015, pp. 133-­‐146. ISSN: 2386-­‐8708 Marta Segarra Montaner 133 Le plaisir de la vengeance : Biopolitiques du viol The pleasure of revenge : biopolitics of rape Marta Segarra Montaner Universitat de Barcelona martasegarra@ub.edu Date de réception : 09/09/2014 Date d’évaluation : 22/10/2014 Date d’acceptation : 04/11/2014 Abstract: This paper analyzes Baise-moi by Virginie Despentes (the novel and the film) as an example of the rape and revenge genre. Based on the notion of “biopolitics” as theorized by Michel Foucault, as well as in other critical concepts (developed by Agamben, Derrida, Devereux, Freud, Kristeva, and Preciado), the essay analyzes the “biopolitics of resistance” against heteropatriarchal biopower offered by Baise-moi. These biopolitics are related here to two myths, studied by psychoanalysis: the story of Baubo and the mythological figure of Medusa, both based on the exhibition of female sex. Despentes’ text, playing with the rules of pornography, insists on the characterization of the female body by holes, but removes the connotations of vulnerability and passivity usually assigned to this body. At the same time, it pierces the hermetically sealed male body, which turns to be the victim of female violence. This “holed body” loses its threatening power (since it reminds us of castration and death). Moreover, the text turns the victim’s passivity into a hospitable openness to the other (Derrida). Baise-moi mixes up genres and genders, “feminine” passivity and “masculine” activity, the phallic body and the holed body, but also the violence inflicted and the violence suffered, pleasure and pain. Thus, the borders between man and woman, as well as between human and animal become blurred, creating lines of escape from the prison of the “anthro- pomorphic machine” (Agamben) and its heteropatriarchal technologies, which contribute to the bodies’ physical and symbolic domestication. Keywords: Virginie Despentes; Baise-moi; rape; biopolitics; Medusa; Baubo; vulnerability; passivity/activity; holed body. Ambigua, Revista de Investigaciones sobre Género y Estudios Culturales, n.º 2, 2015, pp. 133-­‐146. ISSN: 2386-­‐8708 Marta Segarra Montaner 134 Resumen: Este artículo analiza Baise-moi de Virginie Despentes (tanto la novela como la película) como ejemplo del género rape and revenge. Partiendo de la teorización sobre la “biopolítica” desarrollada por Michel Foucault y apoyándose en otras bases críticas (Agamben, Derrida, Devereux, Freud, Kristeva, Preciado…), este análisis muestra las «biopolitícas de resistencia» que propone Baise-moi contra el biopoder heteropatriarcal. Estas biopolíticas se relacionan con dos mitos, estudiados por el psicoanálisis: la historia de Baubo y la figura mitológica de Medusa, ambos basados en la exhibición del sexo femenino. El presente estudio demuestra que el texto de Despentes, jugando con los códigos de la pornografía, insiste en el carácter agujereado de los cuerpos de las mujeres, pero elimina las connotaciones de vulnerabilidad y de pasividad que se asocian generalmente a esos cuerpos; al mismo tiempo, agujerea el cuerpo hermético e invulnerable del hombre transformándolo en víctima de la violencia de las mujeres. El cuerpo agujereado se ve desprovisto de su carácter amenazador, ya que recuerda la castración y la muerte, así como de su atribución a la víctima pasiva, para utilizar la pasividad de otro modo, en tanto que apertura hospitalaria al otro (Derrida). Baise-moi efectúa, pues, una confusión de los géneros, mezclando pasividad femenina y actividad masculina, exaltación del cuerpo fálico y del cuerpo agujereado, pero también la violencia que se sufre y la que se inflige al otro, placer y dolor. De este modo, difumina las fronteras entre hombre y mujer, así como entre humano y animal, estableciendo líneas de fuga de la prisión de la «máquina antropomórfica» (Agamben) y sus tecnologías heteropatriarcales para la domesticación física y simbólica de los cuerpos. Palabras clave: Virginie Despentes; Baise-moi; violación; biopolítica; Medusa; Baubo; vulnerabilidad; pasividad/actividad; cuerpo agujereado. Résumé : Cet article analyse Baise-moi de Virginie Despentes (le roman et le film) à partir de leur appartenance au genre rape and revenge. Partant de la théorisation sur la « biopolitique » développée par Michel Foucault et s’appuyant sur d’autres fondements critiques (Agamben, Derrida, Devereux, Freud, Kristeva, Preciado…), l’étude examine les « biopolitiques de résistance » proposées par Baise-moi contre le biopouvoir hétéropatriarcal. Ces biopolitiques sont mises en rapport avec deux mythes dont s’est appropriée la psychanalyse : l’histoire de Baubo et la figure mythologique de Méduse, les deux basés sur l’exhibition du sexe féminin. Le texte de Despentes, jouant avec les codes de la pornographie, insiste sur le caractère troué du corps des femmes, mais enlève les connotations de vulnérabilité et passivité généralement associées à ce corps ; en même temps, il troue le corps hermétique et invulnérable de l’homme en le rendant, lui, victime de la violence des femmes. Le corps troué se dénue cependant de son caractère terrible puisque rappelant la castration et la mort, et également de son attribution à la victime passive, pour jouer de la passivité d’une autre façon, en tant qu’ouverture hospitalière à l’autre (Derrida). Baise-moi effectue donc une confusion des Ambigua, Revista de Investigaciones sobre Género y Estudios Culturales, n.º 2, 2015, pp. 133-­‐146. ISSN: 2386-­‐8708 Marta Segarra Montaner 135 genres, mêlant passivité féminine et activité masculine, exaltation et du corps phallique et du corps troué, mais aussi violence subie et infligée, plaisir et souffrance. Ainsi, il brouille les frontières entre homme et femme, mais aussi entre humain et animal, établissant des lignes de fuite dans la prison de la « machine anthropomorphique » (Agamben) et de ses technologies hétéropatriarcales pour la domestication physique et symbolique des corps. Mots-clés : Virginie Despentes ; Baise-moi ; viol ; biopolitique ; Méduse ; Baubo ; vulnérabilité ; passivité / activité ; corps troué. Baise-moi de Virginie Despentes ‒ autant le roman publié en 1994 que l’adaptation cinématographique réalisée par son auteure avec Coralie Trinh Thi en 2000 ‒ a été considéré par la critique et le public comme un ouvrage érotique, et même pornographique selon les autorités qui ont cantonné le film, peu après sa sortie, dans le circuit de diffusion réservé aux films classés « X ». Cette décision a provoqué un scandale puisqu’elle a été jugée une forme de censure, mais a aussi constitué une sorte d’opération publicitaire involontaire du film et du roman. Au-delà du caractère explicite du film concernant la monstration des actes sexuels, celui-ci a aussi été classé dans le genre rape and revenge (viol et vengeance). Il s’agit d’un genre filmique assez fourni, dont l’exemple le plus populaire serait Thelma and Louise (Ridley Scott, 1991), bien que le roman et le film de Virginie Despentes se situent sur un tout autre plan, autant esthétique qu’idéologique. Baise-moi met en scène « la colère incontrôlée de deux filles » ‒ tandis que les protagonistes du film de Scott sont deux femmes mûres ‒, ce qui le rendrait très apte à un public d’adolescentes, selon l’auteure1. Cette colère ou fureur (en y incluant la « fureur utérine ») pousse ses héroïnes à commettre des actes de folie meurtrière dans une escalade de violence qui les mènera finalement à l’autodestruction. Une agression sexuelle particulièrement violente ‒ dans le roman, une des deux femmes violées est tuée par les agresseurs ‒ est en effet à l’origine de la cavale de Manu, l’une des protagonistes de Baise-moi ; en ce qui concerne l’autre héroïne, on pourrait dire, d’un point de vue féministe classique, que Nadine se fait violer régulièrement puisqu’elle se prostitue pour gagner sa vie. Le viol, en tant qu’action typiquement commise par un homme sur une femme ou sur un enfant, peut être rangé parmi les stratégies du « biopouvoir » hétérosexuel, en vue de la « do- mestication » par la force du corps féminin ou féminisé ‒ en ajoutant une perspective genrée aux développements théoriques de Foucault (1976 ; 1997) sur les notions de biopouvoir et de biopolitique. Le viol est aussi en rapport, dans bien des cas, avec le contrôle de la reproduction : pensons, par exemple, au triste phénomène des « viols de guerre » et particu- lièrement à ceux commis en Europe et en Afrique ces dernières décen- nies, qui avaient pour but non seulement l’humiliation extrême des 1 Propos de Virginie Despentes inclus dans la version britannique du DVD de Baise-moi. Ambigua, Revista de Investigaciones sobre Género y Estudios Culturales, n.º 2, 2015, pp. 133-­‐146. ISSN: 2386-­‐8708 Marta Segarra Montaner 136 femmes du côté des vaincus, mais aussi de leurs époux et pères, ainsi que de leurs familles et communautés, puisque ces viols visaient souvent à donner lieu à des grossesses et, par conséquent, à la contamination de la communauté ennemie, et donc à son viol symbolique. (voir à ce sujet Martín-Lucas 2014). Le viol appelle tout naturellement à la vengeance, menée par ces hommes violés par procuration ou par les victimes elles-mêmes. En fait, « viol » et « vengeance » partagent la même racine étymologique en latin, le terme vis, qui signifie « force », « violence ». D’un côté, « violer » contient l’idée de pénétration, autant dans le sens sexuel que symbolique (violer un lieu sacré, violer une loi, entrer par effraction dans uploads/Politique/ biopolitiques-du-viol-ambigua.pdf

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