Chapitre introductif 1. La sociologie politique : science de l’Etat Cette conce

Chapitre introductif 1. La sociologie politique : science de l’Etat Cette conception, la plus ancienne, s’en tient à l’étymologie du mot (polis = cité) et définit la politique comme la “science du gouvernement des Etats”(Litré). Le dictionnaire de l’Académie française va dans le même sens et considère “la politique (substantif) comme la connaissance de tout ce qui a rapport avec l’art de gouverner un Etat et de diriger ses relations avec les autres Etats”. De façon plus concise, il convient de retenir que la sociologie politique a comme objet d’étude l’Etat. Elle est la science de l’Etat. Cette thèse est développée par le doyen Marcel Prélot, le Professeur Jean Dabin et bien d’autres. Définir la sociologie politique par l’Etat donne l’avantage de la précision, de la clarté, car on sait de quoi on parle. Mais, cette définition présente un inconvénient majeur : elle limite la Sociologie Politique à l’étude de l’Etat et de ses institutions. Certes, personne ne conteste aujourd’hui la prééminence de l’Etat comme cadre de l’action politique. Tout le monde convient que l’Etat se trouve au cœur du politique : “La vie politique, tant interne qu’internationale, est dominée par la concentration de tous les pouvoirs au niveau organisationnel qu’est l’Etat”.1 La précision et la simplicité de cette première approche ne vont pas, répétons-le, sans inconvénients. “Définir le politique par l’Etat, c’est verser dans l’institutionnalisme. La science politique est réduite à l’étude d’un ensemble de normes avec leur substrat social”. Cette définition de la politique comme science de l’Etat est donc trop restrictive. Il y a nécessité d’élargir le champ de la sociologie politique et, par conséquent, de la science politique, car le politique ne se borne pas simplement à l’activité des institutions de l’Etat, ou même des institutions politiques aussi familières que les partis politiques et les groupes d’intérêts, mais il s’étend à un immense secteur de l’activité humaine. D’où la seconde conception. 2. La sociologie politique : Science du pouvoir Avancée par Max Weber, cette conception est la plus répandue aujourd’hui. Elle définit la sociologie politique comme la science du pouvoir, du gouvernement, du commandement, de l’autorité dans toutes les sociétés et dans tous les groupes humains et pas seulement dans la société nationale.2 Cette conception fait du pouvoir le concept central de la Sociologie Politique ; mais tout pouvoir n’est pas forcément politique. Le pouvoir est un phénomène courant qui se rencontre dans les familles, dans les entreprises, dans les églises, dans les écoles, dans les domaines économique, financier, intellectuel, etc. Cette définition ne va donc pas sans problème. Le "pater familias", le chef d’entreprise, le chef de train ou le professeur détiennent une parcelle de pouvoir. Si le professeur détient une parcelle de pouvoir, est-ce à dire que ses étudiants sont politiques ? On peut déjà dire que tout exercice de l’autorité n’est pas politique. Qu’est-ce qui fait la spécificité du pouvoir ? En quoi le pouvoir politique est-il différent des pouvoirs non politiques ? 1 Jean-Pierre Cot et Jean-Pierre Mounier, Pour une sociologie politique, tome 1, pp. 14-15. 2 Maurice Duverger, Sociologie politique, Paris : Presses Universitaires de France, p. 27. Le pouvoir apparaît davantage comme un instrument que comme fondement du politique. De fait le pouvoir est l’un des concepts fondamentaux constitutifs de la sociologie politique qu’il nous faudra élucider dans la première partie de ce cours. Mais avant d’en arriver là, il nous faudra partir d’une définition, tout au moins provisoire. Pour reprendre la formulation la plus récente, celle de Robert DAHL, disons qu’un “système politique est une trame persistante de rapports humains qui implique une mesure significative de pouvoir, de domination ou d’autorité.”3 Partout où il y a politique, il y a conflits et tentatives par les hommes de trouver des solutions à ces conflits. A vrai dire, quand des êtres humains vivent ensemble en société et créent des administrations, des autorités ou des gouvernements pour faire face aux conflits, les efforts mêmes qu’ils déploient pour leur apporter une solution engendrent, bien souvent, des conflits (cf. Stephen K. Bailey, op. cit., p. 21). La politique apparaît donc partout où des gens vivent ensemble en société, partout où ils sont impliqués dans des conflits. Il n’y a pas de société sans conflits. Qu’il s’agisse de la société sous sa forme moderne qu’est l’Etat, ou pré-étatique (la tribu, le clan) ou paraétatique (la corporation médiévale, la mafia), il y a toujours des conflits. En un mot, le pouvoir est d’abord celui du plus fort. Le pouvoir reposant sur la force, il en résulte des crises graves. L’objet et le but de la sociologie politique ainsi définis, voyons maintenant la méthode en vigueur dans cette discipline. 3. La méthode de la sociologie politique Loin de vouloir faire la genèse de la science politique, qu’il nous suffise de décliner l’identité de ses fondateurs. C’est Nicolas MACHIAVEL (1469-1527) qui accomplit le saut méthodologique qui fait passer de la philosophie politique à la science politique. Aristote et autres faisaient de la philosophie politique. C’est lui qui a créé véritablement la science politique en lui donnant son objet, sa méthode et, si l’on peut ainsi dire, ses lois. Dans "le Prince", MACHIAVEL nous décrit les jeux cruels du pouvoir, les mécanismes pour s’en emparer, le posséder et surtout le conserver. Il met ainsi à jour la pratique quotidienne et courante des gouvernants. Le Prince est, en effet, une enquête sur le pouvoir : son acquisition, son maintien, son accroissement ou son développement, sa perte. C’est une étude clinique du pouvoir, de son autonomie et de sa pathologie (Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, op. cit., p. 3). Le Prince est aussi un constat, un procès verbal. "Nolens, volens", Nicolas MACHIAVEL crée ainsi une science politique moderne, objective et non moralisante. Les peintures et les préceptes que MACHIAVEL a ainsi inventés échappent tellement aux normes courantes de la morale dominante que son nom a fini par être associé à des notions telles que l’égoïsme, l’absence de pitié, la méchanceté et la vengeance en politique. En effet, pour beaucoup de gens, MACHIAVEL incarne le principe du mal politique. Mais en fait, MACHIAVEL a voulu rapporter honnêtement ce qu’il voyait. Sa démarche est "positive" au sens où l’entendra Auguste COMTE. Elle coupe la science politique de ka théologie. Elle l’affranchit du religieux et de la métaphysique. MACHIAVEL se pose en observateur et non en juge. Il peint les hommes politiques tels qu’ils sont et non tels qu’ils devraient être. Ce faisant, il fait de la Science Politique une discipline descriptive. On dit ici ce qui est, et non pas ce qui doit être. L’étude politique doit, désormais, s’en tenir aux faits, reposer sur l’observation, la comparaison, l’induction. 3 Cité par Cot et Mounier, ouvrage déjà cité, p. 16. A son tour MONTESQUIEU (1689-1755) résume, de la manière la plus heureuse, dans "L’esprit des Lois" l’ambition de la Science Politique. Il y entreprend une vaste enquête sur les lois, sur les systèmes juridiques et politiques des divers pays. MONTESQUIEU voit dans les lois les rapports nécessaires dérivant de la nature des choses. Chaque loi, même apparemment arbitraire, n’est pas due au hasard, au caprice des hommes ou à l’action de la providence. Elle a sa raison d’être. Elle trouve sa cause dans le contexte (régime politique, religion, climat, population, nature du sol etc.…) ou dans son rapport avec les autres lois. En définitive, MONTESQUIEU soumet les lois à une étude scientifique et, par-là, prend place parmi les pères fondateurs de la Sociologie Politique. On peut citer, entres autres, Alexis de TOCQUEVILLE (1805-1859), Auguste COMTE (1798-1857). Mais, la contribution la plus essentielle à la nouvelle discipline est celle d’Emile DURKHEIM (1858-1917) qui se situe dans la lignée du positivisme comtien. Emile DURKHEIM est en effet l’auteur de Les règles de la méthode sociologique, code et manifeste de la nouvelle discipline. Reflet d’une conception positiviste, la science politique témoigne de la poussée des sciences sociales. Elle adopte, en ce sens, une démarche pluridisciplinaire (plusieurs disciplines sont conjointement utilisées pour mieux cerner une réalité sociale de plus en plus complexe ; ce que d’aucuns appellent interdisciplinarité). Cette approche traduit la conscience d’un univers global qui ne peut être cerné que par des explications multiples, complémentaires, voire contradictoires. D’où la pluralité de typologies que les théories développementalistes classiques permettront d’analyser. Mais, il convient de rappeler que la Sociologie Politique, comme science spécialisée, est récente et date du 20ème siècle. C’est, en effet, vers la fin du 19ème siècle que la Sociologie Politique retrouve une certaine autonomie par rapport à la sociologie générale. Entre 1890 et 1914, plusieurs universités américaines créent des départements de sciences politiques. Certaines universités en France, en Italie et en Grande Bretagne leur emboîteront le pas. La sociologie politique est beaucoup plus scientifique aujourd’hui qu’au temps de Littré. On dispose aujourd’hui de moyens d’investigations très perfectionnés et très nombreux dans le domaine de la vie sociale et politique. Des hommes d’Etat peuvent utiliser des statistiques, des sondages, des techniques de manipulation des masses, des calculatrices électroniques, etc. Il est cependant vain d’espérer qu’un jour la politique puisse uploads/Politique/ chapitre-introductif-socio.pdf

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