COURS DE POLITIQUES PUBLIQUES CADRAGE GENERAL Le cours que je vais vous propose

COURS DE POLITIQUES PUBLIQUES CADRAGE GENERAL Le cours que je vais vous proposer pendant 36 heures est un cours de Science politique qui porte sur les politiques publiques. Mon objectif est à la fois simple et très ambitieux. Je vais m’efforcer de vous donner des outils ou des clés pour comprendre la manière dont les politiques publiques sont décidées, définies et mises en œuvre. Vous avez déjà pour une partie d’entre vous suivi des enseignements de science politique en Deug et en Licence. L’analyse des politiques publiques c’est l’un des aspects de la science politique. Mais comme pour les autres cours de science politique, ce que je cherche ce n’est pas autre chose que de vous faire réfléchir sur la manière dont le monde fonctionne. Mon cours est aussi un cours d’instruction civique car n’oubliez pas qu’un citoyen c’est d’abord un citoyen éclairé capable de se faire son propre jugement sur la chose publique. Et ce jugement concerne aussi la manière dont il est dirigé au quotidien, c’est-à-dire en premier lieu les politiques publiques qui ont pour effet d’organiser la vie collective. Je serais à peu près satisfait si vous parvenez au bout de ce semestre à vous poser des questions sur le fonctionnement de ce qu’on appelle l’ordre politique. Il faut vous déprendre d’une tentation très forte lorsque l’on fait des études de droit qui est celle de la naturalisation du fonctionnement social. Autrement dit, il faut apprendre à se poser des questions sur des choses qui vous paraissent aller complètement de soi. Il faut donc que vous acceptiez d’être un peu bousculés dans vos certitudes. Le cours risque donc d’être un peu perturbateur surtout pour ceux qui en sont déjà 1 arrivés à un certain niveau de fétichisation du droit. La meilleure preuve en est que je ne suis pas là d’abord pour vous livrer un savoir tout préparé, vrai ou exact, qu’il suffirait de prendre en notes, d’apprendre puis de ressortir par cœur. Je vais évidemment vous apprendre des choses mais ce que je vise c’est moins que vous connaissiez le cours mieux que moi que vous acquériez des réflexes intellectuels simples et essentiels, ceux qui doivent vous amener à douter et à adopter en tout une posture critique et distanciée. PLAN DU COURS Cette première séance va donc consister en une introduction destinée à cadrer mon propos, à vous expliquer l’intérêt d’étudier les politiques publiques, les problèmes que cela pose et les moyens que l’on utilise pour y parvenir. Ensuite j’ai prévu de vous parler de diverses choses. Vous verrez dans le programme que j’ai indiqué à chaque fois un ou quelques lectures complémentaires pour aller un peu plus loin que ce que je vais dire dans le cours : —Comment fabrique-t-on un problème politique ? La mise sur l’agenda —Comment peut-on analyser les politiques publiques ? Les grandes théories de l’action publique —Qui sont les acteurs des politiques publiques ? Les “élites“, les “décideurs“, les groupes d’intérêts 2 —Les politiques publiques se définissent-elles encore au niveau national ? La constitution d’un espace européen des politiques publiques —Un exemple de politique publique : les politiques de l’emploi et de lutte contre le chômage en France —Un problème transversal : l’action publique face à la gestion des risques —Une remise en cause contemporaine de l’action publique : la “Crise“ et les réformes de l’Etat, le tournant néo-libéral des politiques publiques et la mondialisation. Je vais aborder cette introduction en développant 7 points différents en commençant par des choses assez générales puis en commençant à entrer dans les détails. 1- Les acteurs politiques ne font que ce qu’ils peuvent faire Etudier les politiques publiques c’est s’intéresser aux conditions pratiques et idéologiques dans lesquelles une décision publique est élaborée et mise en œuvre. Cela revient finalement à essayer de comprendre ce que fait ou ne fait pas l’Etat (ou ce que font plus généralement les détenteurs d’une autorité publique, l’Union Européenne mais aussi les diverses collectivités territoriales). Au risque de vous décevoir, tous les spécialistes s’accordent autour de deux idées de départ : —première idée, les gouvernants ne font que ce qu’ils peuvent faire et leurs marges de manœuvre ont tendance dans la période contemporaine à se réduire ; 3 —seconde idée, ce qu’on a l’habitude d’appeler l’Etat, c’est-à-dire la somme des administrations qui le composent, est tout sauf un outil facilement maniable. Plus largement, la production des politiques publiques résulte d’une multitude d’interactions, ou si vous préférez d’une multitude de relations entre des acteurs très différents. Des acteurs situés du côté de l’Etat, à la fois les acteurs politiques détenteurs sur le papier du pouvoir de décision, et surtout détenteurs de la légitimité démocratique, et les acteurs administratifs détenteurs des compétences techniques et juridiques. Des acteurs situés du côté de ce qu’on a l’habitude d’appeler la société civile : les associations, les organisations syndicales, les médias. Et la compétition n’est pas celle trop simpliste de l’Etat contre la société. Les luttes autour de la définition d’une politique publique se déroulent au travers d’alliances entre des segments de l’Etat et des mouvements associatifs affrontées à d’autre composantes de l’Etat alliées elles aussi à des acteurs de la société civile. Ainsi, la définition actuelle des lois Sarkozy sur la sécurité voit en gros s’opposer l’administration du ministère de l’Intérieur alliée aux syndicats de policier et à un très grand nombre de média à une coalition assez fragile associant les syndicats de magistrats et d’avocats, la LDH et les agents du ministère de la justice. 2- Qu’est-ce qu’un problème politique ? La question peut apparaître sans doute un peu étonnante mais elle n’est simple qu’en apparence. En effet, une politique publique c’est une action qui concerne un problème ou une question qui a été à un moment donné défini comme politique par un certain nombre d’acteurs, au premier rang desquels les détenteurs du pouvoir d’Etat. Or, vous êtes-vous déjà demandé comment un problème devenait politique ? Un problème ne naît 4 pas politique ou n’est pas politique par essence ou par définition, il le devient au travers de diverses opérations humaines ou sociales. Et c’est parce qu’il devient politique qu’il va faire l’objet d’un certain nombre de décisions destinées justement à le solutionner. Or il faut toujours vous demander pour quelles raisons et dans quelles conditions un problème devient politique : pourquoi, par exemple, les acteurs publiques vont-ils s’intéresser à l’euthanasie et envisager de légiférer alors que cette pratique existe depuis longtemps dans les hôpitaux ? En remontant dans l’histoire, j’en parlerai, pourquoi vers la fin du 19ème siècle, décide-t-on finalement de considérer que ceux qui n’ont pas de travail doivent faire l’objet d’une politique publique alors qu’ils n’étaient pas aidés par l’Etat auparavant ? Et en vous posant cette question très simple, vous pourrez aussi en négatif vous demander pourquoi certaines questions ne parviennent pas à être politisées ou alors ne sont politisées que par moment, par exemple à l’occasion d’un scandale ou d’une affaire médiatisée (marée noire, garde des enfants des couples binationaux divorcés, responsabilité sociale et environnementale des chefs d’entreprise...). Cela pour vous dire que l’ambition de l’analyse des politiques publiques c’est de proposer une sociologie critique des mécanismes par lesquels des décisions engageant tout ou partie de la collectivité sont prises et mises en œuvre, ou, bien entendu, ne sont pas prises, volontairement ou non. Ma perspective se situe donc du côté de ce qu’on appelle le constructivisme dans le sens où il s’agit d’aller voir ce qui se passe derrière les discours de justification pour montrer que l’action publique c’est aussi une manière de mettre en scène des problèmes et de participer au spectacle politique. Il existe schématiquement deux grandes manières d’appréhender les problèmes sociaux et les problèmes politique, et donc de rendre des 5 processus de transformation de l’un en l’autre : il s’agit de la perspective objectiviste et de la perspective subjectiviste. Dans la perspective objectiviste ou réaliste, on va s’efforcer de décrire les conditions objectives d’existence d’un problème social (par exemple, l’alcoolisme, l’illettrisme, la maltraitance). C’était à la fin du 19ème siècle le parti-pris du fondateur de la sociologie française, Emile Durkheim, lorsqu’il travaillait sur le suicide : on regarde les statistiques, l’évolution historique du phénomène, les conditions générales dans lesquelles il survient (culture, politique, économique…). Le postulat de Durkheim était que ce phénomène social faisait problème lorsque l’on considérait que les faits qu’il décrivait étaient collectivement ou socialement indésirables ou inacceptables. Cette approche est donc essentiellement descriptive. On en trouve encore l’influence aujourd’hui dans le travail statistique mené en France, par l’Insee notamment. La faiblesse de cette perspective réside dans le fait qu’elle ne permet pas de comprendre comment et pourquoi le problème en question dépasse en quelque sorte le statut de problème social pour faire l’objet d’une prise en compte collective, c’est-à-dire pour devenir un objet de politique publique. Je donne un très rapide exemple : on sait en France depuis plus de 30 ans ce que sont les effets sur la société de la violence routière —14.000 morts en 1970—, uploads/Politique/ cours-m1-politiques-publics.pdf

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