L’orfèvrerie comme outil politique: les commandes de Philippe le Bon, duc de Bo
L’orfèvrerie comme outil politique: les commandes de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, entre 1440 et 1450 Elise Banjenec To cite this version: Elise Banjenec. L’orfèvrerie comme outil politique: les commandes de Philippe le Bon, duc de Bour- gogne, entre 1440 et 1450. Art et Politique, May 2011, France. pp.15. halshs-00827583 HAL Id: halshs-00827583 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00827583 Submitted on 29 May 2013 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. BANJENEC Elise Histoire de l’art médiéval Sous la direction de Philippe Lorentz L'orfèvrerie comme outil politique: les commandes de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, entre 1440 et 14501 Le duc de Bourgogne Philippe le Bon avait compris, comme ses glorieux prédécesseurs, la valeur politique que peuvent posséder les objets d’art. Son patronage artistique est aujourd’hui surtout connu grâce à ses nombreuses commandes de tableaux, de manuscrits enluminés et de tapisseries. Cependant, c’est en grande partie grâce aux bijoux, aux objets religieux ainsi qu’à la vaisselle précieuse que Philippe le Bon a pu construire son image de seigneur comptant parmi les plus riches et les plus puissants d’Europe. Les ducs de Bourgogne étaient connus pour leurs somptueuses fêtes, leur luxe ostentatoire et leur grand nombre de dons au sein desquels l’orfèvrerie jouait un grand rôle. Certains témoignages du XVe siècle nous ventent d’ailleurs encore la magnificence de la cour de Bourgogne sous le principat de Philippe le Bon2. Les objets précieux constituaient alors des outils politiques de première importance puisqu’ils suggéraient immanquablement richesse et pouvoir. L’analyse des archives de la recette générale de toutes les finances3 du point de vue de l’orfèvrerie permet de mettre en évidence les pratiques d’achat et de dons d’objets précieux développées par le duc pour servir sa politique au sein de ses Etats mais également à l’échelle européenne. Ces documents contiennent des indications sur le décor et la typologie de ces objets ainsi que sur la variété et l’identité de leurs destinataires. L’étude de ces textes contribue ainsi à la recherche sur la relation entre l’art et la politique à la cour bourguignonne. Les années 1440 coïncident avec les dernières années de la guerre de Cent ans. Après la signature du Traité d’Arras avec la France en 1435, puis la négociation d’un « encours de marchandises » en 1439 suivie, en 1443, d’une trêve avec l’Angleterre, le duc réussit à s’extraire du conflit franco-anglais. Dès le début des années 1440 cependant, les relations franco-bourguignonnes redeviennent plus difficiles. En effet, l’hostilité du parti angevin envers Philippe le Bon et l’affermissement du pouvoir de Charles VII s’ajoutent à la 1 Cet article présente une étude des premiers résultats d’une thèse débutant tout juste et consacrée à l’ensemble du principat de Philippe le Bon. Nous nous proposons ici d’exposer les problématiques mises au jour par cette première analyse. La période chronologique est limitée par l’état d’avancement des dépouillements d’archives au moment de l’intervention à la journée doctorale. 2 Voir pour cet article La Marche O. (de), Beaune H. et d’Arbaumont J. (éd.), Paris, Renouard, 1883-1888. 3 Les archives comptables de la cour de Philippe le Bon sont conservées dans la série B des archives départementales du Nord à Lille. transgression par ce dernier de plusieurs closes du traité d’Arras4. Le duc de Bourgogne cherche alors des alliés dans le royaume afin de renforcer sa position en France et en Europe. Pour opérer ce rapprochement, il emploie plusieurs procédés au sein desquels sa politique matrimoniale et de dons tenaient une place importante. Il utilise aussi habilement son attachement à l’idéal chevaleresque. Enfin pour conserver la mainmise sur ses nombreux territoires et sur ceux soumis à son influence, il met en œuvre une méthode d’intimidation militaire. Les fastes de la cour bourguignonne : du champ de bataille aux grandes cérémonies. Les chroniqueurs du XVe siècle nous invitent à nous extasier à leur suite devant le luxe ostentatoire et l’abondance de richesses déployés par la cour de Bourgogne au temps de Philippe le Bon. Les objets précieux impressionnent et apportent une preuve de la santé financière du duc. Olivier de la Marche, alors page du duc, décrit dans ses Mémoires la brillante armée partie en 1443 vers le Luxembourg dans la perspective d’y asseoir le pouvoir bourguignon. Selon le traité de Hesdin signé en 1441 avec la duchesse du Luxembourg, ce duché revient en effet à Philippe le Bon mais plusieurs partis s’en disputent encore les droits5. « Il avoit dix-huict chevaulx d’une parure, harnachez de velours noir tixuz et ouvrez à sa devise qui furent fusilz garniz de leurs pierres, rendans feu ; et, par dessus le velours, gros cloz d’or eslevez et esmaillez de fusilz et faictz à moult grans coustz. Ses paiges estoient richement en point, et portoient divers harnois de teste garniz et ajolivez de parles, de diamans et de balais, à merveilles richement, dont une seule salades estoit extimée valoir cent mille escus d’or. Le duc de sa personne estoit armé gentement de son corps et richement ès gardes, tant de ses bras, comme de son harnois de jambes, dont icelles gardes, et le chanfrain de son cheval estoient tous pleins et enrichiz de grosses pierreries qui valoient un merveilleux avoir; et de ce je parle comme celluy qui estoye alors paige du duc, et de celle parure. Jehan monseigneur de Cleves, et son mignon Jaques de Lalain, furent fort en point d’escuyers, de chevaulx, de paiges, d’orfavrerie et de campannes. » 6 4 Schnerb B., 1999, p. 190-192. 5 Schnerb B., 1999, p. 218-219. 6 La Marche O. (de), vol. II, p. 11-12. Même si l’estimation du prix des casques est vraisemblablement exagérée, la description des vêtements des hommes et du harnachement des chevaux donnée par le chroniqueur n’est pas totalement extravagante. A plusieurs reprises dans les registres de comptes, le duc paie ainsi des brodeurs et des orfèvres afin de réaliser quantité de vêtements couverts de paillettes d’argent et de sa devise7. Les plus comblés sont les archers de corps et leurs capitaines dont les vêtements d’apparat sont renouvelés fréquemment8. La somptuosité de l’armée du duc, qui impose d’emblée celui-ci comme un seigneur riche et puissant, impressionne sans nul doute ses rivaux et octroie ainsi à l’armée bourguignonne un avantage psychologique sur l’ennemi. Philippe le Bon utilise d’une façon similaire ses bijoux personnels. Il porte ainsi un de ses plus somptueux joyaux lors d’un dîner organisé à Besançon en 1443 pour négocier avec le roi des Romains, Frédéric IV. Ce dernier conteste alors les possessions du duc de Bourgogne en Hainaut, Hollande, Zélande et Brabant. Olivier de la Marche décrit la forte impression produite par cet objet mentionné dans les comptes sous le nom d’ « écharpe ducale ». Celle-ci doit d’ailleurs particulièrement satisfaire la volonté d’ostentation de Philippe le Bon, puisqu’il la fait améliorer en 14479. « Chascun jour visitait le duc de Bourgoingne le Roy et le dimenche suyvant, fit le duc ung grand et riche disner où le Roy et les seigneurs de sa compaignie disnerent, et ay bien souvenance que le duc porta celluy jour une escherpe d’or garny de balais et de perles, que l’on estimoit à 100 000 escuz »10. Les grands évènements publics sont une autre occasion pour le duc de resplendir aux yeux de ses sujets et de toute l’Europe. Le 29 novembre 1440 à Saint-Omer, est célébré le mariage de Charles d’Orléans avec Marie de Clèves, nièce de Philippe le Bon. Peu de temps auparavant, ce dernier faisait encore libérer le duc d’Orléans d’un emprisonnement de 25 ans en Angleterre au terme d’intenses négociations et du paiement d’une rançon. Par ces gestes, Philippe le Bon cherche incontestablement à se faire un allier français de poids, membre d’une des premières maisons du royaume, celle d’Orléans. Le lendemain a lieu la fête de l’ordre de chevalerie de Philippe le Bon, celui de la Toison d’or11. Ces évènements constituent 7 Cf. P.J. n° 1. 8 Cf. P.J. n° 2. Pour davantage de précisions, cf. Élise BANJENEC, « Une cour cousue d’or : les ornements précieux utilisés par le duc Philippe le Bon », in L’Habit fait-il le moine ?, Questes, Bulletin des Jeunes Chercheurs médiévistes, n° 25, avril 2013, p. 45-64. (http://questes.free.fr/pdf/bulletins/0025/04-art_Elise.pdf ) 9 Cf. P.J. n° 3. 10 La Marche O. (de), vol I, p. 278. 11 Schnerb B., 1999, p. 190. d’excellentes occasions pour le duc de subjuguer ses invités. Il emploie donc tous les moyens à sa disposition pour rassembler le plus de vaisselle précieuse possible: la sienne, celle qu’il a mise en gage auprès de marchands ainsi que de la vaisselle empruntée à ces puissants proches comme Jean V, seigneur de Roubaix et chevalier uploads/Politique/ curtea-filip-le-bon 1 .pdf
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- Publié le Dec 30, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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