L’ÉVÉNEMENT 6 I LA TRIBUNE - VENDREDI 17 OCTOBRE 2014 - NO 104 - WWW.LATRIBUNE.
L’ÉVÉNEMENT 6 I LA TRIBUNE - VENDREDI 17 OCTOBRE 2014 - NO 104 - WWW.LATRIBUNE.FR « « Le fonctionnement de la démocratie participative Ce schéma n'inclut pas la dimension temporelle. La participation peut être circonscrite dans le temps (temps de préparation et de réalisation à une enquête publique par exemple) ou durable dans le temps (forum permanent, évaluation partagée, etc.) Source : Santé Canada 1 Individus ou groupe (public) 2 3 4 5 Collectivité ou maître d'ouvrage Communication Information Écoute Consultation Engagement Partenariat Coconstruction Travail collaboratif signe qui ne trompe pas. Ainsi, Alain Juppé, qui est loin d’être un novice en politique, appelle sur son blog les inter- nautes à « coconstruire » son projet avec les Français. Et d’annoncer que son « site d’initiatives citoyennes sera bientôt en ligne pour [me] permettre de dialoguer avec tous ceux qui veulent m’aider ». Cette initiative n’est pas sans rappeler « Désirs d’avenir », ce rassemblement citoyen lancé par Ségo- lène Royal dans la perspective de sa cam- pagne présidentielle de 2007. La candi- date socialiste avait su parfaitement humer ce phénomène, ce désir d’agir et de participer. Sept ans plus tard, large- ment discrédité, le personnel politique n’a plus d’autre choix que de jouer la carte de la démocratie participative pour assurer sa survie. C’est un peu le « tout changer pour que rien ne change », cher à Giuseppe Tomasi, prince de Lampedusa, auteur du célèbre roman Le Guépard. En quelque sorte, d’un mouvement du bas vers le haut, qui caractérisait les débuts de la démocratie participative, on passe plutôt à un mouvement du haut vers le bas. LE MONDE POLITIQUE CONTRAINT DE S’ADAPTER Même Nicolas Sarkozy, le roi des mee- tings monstres, a amorcé sa conversion. Signe des temps, c’est sur Facebook qu’il a annoncé son « retour »… Nicolas Baygert, spécialiste de la démocratie numérique et maître de conférences à l’université catholique de Louvain, y voit une volonté de l’ancien président de « créer sa propre marque » et « d’avoir une communauté qui le plébiscite ». Un modèle calqué sur celui adopté par Barack Obama, en 2008. Selon Nicolas Vambremeersch, auteur en 2009 du best-seller De la démocratie numé- rique (Seuil), « l’engagement est le nouveau défi des politiques. Ils ont bien compris qu’on ne pouvait plus demander à des sympathisants de simplement tracter sur les marchés le dimanche matin, ça ne marche plus. En fait, la démocratie numérique est au croisement de deux tendances. La première vient de loin, c’est la tentative de réappropriation par les citoyens de la prise de décision. Un mouvement qui a connu un nouvel essor avec la crise et le ras- le–bol à l’égard des élites qui se manifeste. On reproche à cette élite de ne pas savoir trouver des solutions à la crise. Le deuxième mouve- ment, c’est le formidable développement du numérique. Avec cet outil, les >>> ENTRETIEN – Nicolas Baygert, politologue « LE CITOYEN, CONSOMMATEUR DE POLITIQUE, VEUT EN COCRÉER L’OFFRE » S pécialiste de la démocratie en ligne et des partis contestataires à l’Université catholique de Louvain, Nicolas Baygert analyse l’effet des « foules sentimentales » du Web participatif sur la sphère politique. Pourquoi et dans quelle mesure le Web participatif chambarde- t-il la démocratie ? Parce que des mouvements nés sur les réseaux sociaux arrivent maintenant à se structurer, et décident parfois de rentrer dans l’arène politique. C’est le cas du Parti Pirate en Allemagne, du Tea Party aux États-Unis ou du Movimento 5 Stelle (Mouvement cinq étoiles) en Italie. Pour ce dernier, son leader, Giuseppe (« Beppe ») Grillo, est d’abord un humoriste. Mais pendant longtemps, il a surtout été le blogueur le plus suivi en Italie. Dans ces mouvements, il y a une source d’influence très importante de l’économie numérique. À travers le financement participatif, il y a bien cette idée de « foule » et de collaboration à la mise en place d’un projet commun. Toutefois, ces « projets communs » apparaissent souvent comme des critiques envers l’élite politique… Aujourd’hui, beaucoup de citoyens sont effectivement dans une posture de défiance. On le voit avec les Indignés, mais aussi à travers l’essor des modes de consommation alternatifs, comme l’économie du partage ou le troc organisé sur Internet. Il y a une volonté de sortir du système, d’avoir une posture plus ou moins anti-systémique, tant au niveau politique qu’économique. Le citoyen s’est mué en consommateur de politique, il veut aussi en cocréer l’offre. Or, le système actuel ne permet pas de le faire : on est encore dans une logique de hiérarchie, de casting interne de partis. C’est pourquoi on voit émerger parallèlement ces nouvelles formes d’organisations politiques. Elles se façonnent comme dans l’économie numérique. Comme la mobilisation des « Pigeons », qui pestaient en 2012 contre l’alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail ? Exactement. Ce sont des mouvements très ponctuels et qui vont s’inspirer du marketing collaboratif, participatif, pour donner une réponse presque immédiate à un problème donné. On n’a pas ici une offre politique plurielle et transversale qu’on retrouve dans des courants idéologiques et partisans classiques. Ce sont des combats rapides. Ils démarrent sur un thème, grandissent, et bifurquent parfois vers la création d’une véritable force politique. C’est le cas du Tea Party américain [qui s’est d’abord mobilisé contre les impôts, ndlr]. Tout repose ici sur l’interaction, la participation très forte des citoyens et internautes qui contribuent tous à la création d’une offre politique donnée. C’est vraiment © DR Twitter pour gérer sa ville ! Ridwan Kamil le clame haut et fort : « Je suis un utilisateur de Twitter qui est devenu maire. » D’après le journal Kompas (repris par Courrier international), ce maire de Bandung, en Indonésie, gère sa ville à grand renfort de gazouillis numériques. Grâce au réseau social, il demande à ses administrés de ne pas jeter leurs ordures dans la rue ou d’utiliser davantage les transports en commun. Son bras armé ? Ses plus de 770 000 followers, qui, selon lui, font le relais auprès des 2,5 millions d’habitants de la cité. Les budgets annuels participatifs à : Lisbonne : 2,5 millions d’euros New York : 25 millions de dollars Séville : 16 millions d’euros Paris : 71 millions d’euros Chendu : 270 millions d’euros Le référendum c’est la clef. Je voudrais prendre quelques exemples : quand certains corps intermédiaires, ou certaines élites françaises bloquent le débat parce que cela met en cause leurs propres intérêts, il faudra faire trancher cela par référendum. Et j’ai un certain nombre de sujets précis où nous ferons trancher par le peuple ce nœud gordien. » Nicolas Sarkozy, le 21 septembre 2014, sur France 2 Chaque Parisien, quels que soient son âge et sa nationalité, pourra se prononcer sur l’affectation de 5 % de l’investissement de la collectivité, soit un total de 426 millions d’euros entre 2014 et 2020. Ce montant est le plus important au monde pour une initiative de ce type. » Anne Hidalgo, maire de Paris, le 15 septembre 2014, dans Le Monde Votez pour les meilleurs bars aussi… Time Out Paris pour son nouveau city-guide qui rassemble le Top 100 des meilleurs bars parisiens a choisi cette année de soumettre au vote des Parisiens dix catégories de cinq bars chacune, sélectionnés par la rédaction. Vous avez jusqu’au 18 novembre pour voter en ligne sur timeout.fr/votez pour ces « Bar Awards ». Pour le lancement de cette élection le 25 septembre, Time Out a choisi de publier les cinq meilleurs bars en terrasse et les cinq meilleurs bars à bières. PLUS D’ÉVÉNEMENTS SUR LATRIBUNE.fr REPÈRES >>> Suite p. 8 I 7 LA TRIBUNE - VENDREDI 17 OCTOBRE 2014 - NO 104 - WWW.LATRIBUNE.FR une transformation de l’engagement politique. Reste que les mouvements participatifs semblent parfois en panne de propositions. Pourquoi ? Pour eux, le danger, c’est d’être dans une discussion permanente. L’exemple du Parti Pirate le montre très bien : en Allemagne, il s’est largement essoufflé parce que le projet n’est jamais terminé. Les débats ne s’arrêtent jamais, et cela empêche de passer à l’étape suivante : la concrétisation. Autre problème, il n’y a plus vraiment de hiérarchisation entre les personnes qui possèdent les connaissances et celles qui n’en ont pas. On assiste à un nivellement dangereux où les experts sont complètement laminés par une masse un peu excitée, qui ne donne plus la possibilité d’aboutir à des décisions calmes, tranchées et réfléchies. Les Indignés en sont un bon exemple : on est ici dans une forme d’hystérisation de l’indignation qui n’aboutit sur aucune proposition concrète. Si l’on compare les Indignés aux altermondialistes d’il y a quinze ans, ces derniers ont quand même réussi à se mettre d’accord sur la taxe Tobin et d’autres projets. D’un côté, on a donc des « cyber-ras-le-bol » et de l’autre, des politiques qui s’activent pour tenter de récupérer le buzz des réseaux sociaux. Est-ce vraiment constructif ? Je pense qu’aujourd’hui, il y a un risque de déconnexion entre les pratiques politiques et ces mouvements – au départ souvent uploads/Politique/ entretien-le-citoyen-consommateur-de-politique-veut-en-cocreer-l-x27-offre.pdf
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- Publié le Jan 04, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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