1 Les Z’Indignés Mars 2013 Le social-libéralisme : un oxymore mystificateur 1.
1 Les Z’Indignés Mars 2013 Le social-libéralisme : un oxymore mystificateur 1. Un « tournant » en ligne droite « Il est un peu désolant intellectuellement de voir la plupart des commentateurs parler d’un tournant “ social-démocrate ” de F. Hollande alors qu’il s’agit en réalité d’un tournant “ social-libéral ” », déplorait le philosophe marxiste Yvon Quiniou à propos d’une profession de foi plus droitière que les précédentes du Président de la République, émise lors d’une conférence de presse au début de l’année 2014. Il convient donc, ajoutait-il, de dissiper une fois pour toute cette confusion qui ne fait pas honneur à ceux qui font la politique ou sont censés l’analyser avec probité 1 ». C’était là faire preuve d’une belle naïveté. L’honneur n’a rien à voir dans cette affaire. Ce vétéran communiste aurait dû savoir que, depuis quelque temps déjà, « ceux qui font la politique » ne doivent de pouvoir gouverner qu’à leur allégeance aux puissants du monde capitaliste, et que « ceux qui sont censés l’analyser avec probité » ce que racontent les gens qui détiennent ce pouvoir sont préposés par leur fonction à l’enfumage de l’« opinion publique » qu’il leur revient de formater. Il n’est donc pas « un peu désolant intellectuellement », mais parfaitement logique « de voir la plupart des commentateurs parler d’un tournant “social-démocrate ” de F. Hollande ». Dès lors, outre que Y. Quiniou ne paraît pas percevoir le caractère contradictoire pour ne pas dire absurde de l’appellation « social-libéral » — nous y reviendrons plus loin — on voit mal comment un tel tournant, aurait pu s’opérer « dans l’idéologie politique de Hollande ». La carrière entière de cet apparatchik du PS, comme celle de la plupart de ses pareils, n’a été, en effet, qu’une suite de « tournants » où la part de l’« idéologie », si l’on excepte les motions de congrès et les discours de propagande qu’elle a servi à alimenter, a été réduite à la portion congrue. C’est pourquoi on ne comprendra jamais rien à l’évolution de ce que l’on appelle encore « la gauche » en France depuis son retour au pouvoir en 1981, si l’on persiste à prendre pour argent comptant les déclarations officielles de ses dirigeants, à commencer par la « rupture révolutionnaire » avec le capitalisme, à laquelle se réfère aussi Y. Quiniou avec nostalgie, que Mitterrand avait repris comme slogan à l’époque du programme commun. Passons sur d’autres erreurs de l’auteur de l’article, communes aux ex-staliniens recentrés — Marx n’a jamais été social-démocrate au sens où ils l’entendent, pas plus que le « système soviétique » ne constituait un réel danger pour les régimes capitalistes — pour arriver à celle, majeure, qui consiste à attribuer l’avènement du « social-libéralisme » en France à « un seul événement » : la chute du mur de Berlin. En réalité, c’est à la fin 1982 et surtout en 1983 — pour ne pas remonter beaucoup plus loin2 — que, sous l’égide du tandem Fabius-Delors, le 1 Yvon Quiniou, « Le social-libéralisme n’est pas la social-démocratie ! », in blogs. mediapart.fr/blog/yvon- quiniou Le social-libéralisme n'est pas la social-démocratie ! 30 janvier 2014 2 Les dés avaient déjà été jetés dès 1957, lorsque le gouvernement « socialiste » de Guy Mollet avait signé le Traité de Rome, l'entrée de la France dans la CEE, inaugurant ainsi la pénétration des principes du néo-libéralisme dans la gouvernementalité française. 2 coup d’envoi lui a été donné avec le lancement d’une politique dite de « rigueur » pour éviter le terme honni d’« austérité » lié à celle menée auparavant par Raymond Barre. Là résida le vrai « tournant », non pas « social-libéral » mais carrément néo-libéral. Inutile de revenir, tant elle est connue, sur la liste des conquêtes sociales tour à tour liquidées au gré des « alternances » tout au long de la période suivante, qui prendront le nom de « réformes » sous le règne de Nicolas Sarkozy. Ne voulant pas être en reste, François Hollande, élu avec l’aval et le même le soutien discret des patrons et des banquiers les plus avisés3, va poursuivre cette entreprise de démantèlement de l’« État social » que son prédécesseur ne pouvait mener à bien sans risquer de voir le peuple descendre dans la rue autrement que pour des manifestations traîne-savates. Conseillé par les mêmes « experts » économiques, à quelques individus près, que le précédent président de la République, son successeur à l’Élysée ne s’est pas seulement empressé de consentir aux desiderata des capitalistes. Du « pacte de stabilité » imposé par la Commission européenne au « pacte de responsabilité » inspiré du « pacte de confiance » concocté par le MEDEF, il s’est employé à les anticiper, foulant allégrement aux pieds sa déclaration de guerre électorale à « mon adversaire la finance ». À l’entendre, celui-ci n’avait « pas de visage ». Déclaration mensongère alors que les hiérarques du PS n’ont cessé de frayer depuis des années avec ses plus éminents représentants, et qui aurait dû faire s’esclaffer son auditoire militant au Bourget au lieu de susciter ses applaudissements, si celui-ci n’avait pas été composé d’incurables « gogos-de-gôche ». Faudrait-il ne choisir qu’un visage de la dite « finance », celui de l’un de ses serviteurs les plus attitrés et titrés suffirait : Serge Moscovici, ministre de l’Économie et des Finances, ex-vice-président du Cercle de l’Industrie fondé par DSK regroupant la fine fleur du CAC 40, et habitué des dîners du Siècle. On aura compris que le pseudo-« tournant social-démocrate » de Hollande n’est pas tombé du ciel, pas plus que la fameuse déclaration de Lionel Jospin au cours sa calamiteuse campagne électorale de 2002 selon lequel son projet n’était « pas socialiste », présentée à l’époque comme une révélation par nos médias asservis. Mais il serait tout aussi illusoire d’imputer, comme le fait Y. Quiniou, cette énième concession de la gauche gouvernante au patronat, à un déficit de « pensée » ou/et de « volonté», à une « culture du renoncement » de la part de ses dirigeants. C’est là une vision psychologisante et moralisante du comportement des politiciens professionnels — on nous pardonnera ce pléonasme —, typique des limites de la capacité critique de ce qui reste de l’intelligentsia progressiste en France, comme en témoignent, par exemple, sur le même registre idéaliste, les éditoriaux et les paragraphes conclusifs des articles du Monde diplomatique consacrés depuis presque trente ans à vitupérer la « dérive néo-libérale » du Parti solférinien. Sous peine de tomber à notre tour dans ce travers, nous nous garderons donc d’attribuer ce manque à une quelconque insuffisance intellectuelle ou à on ne sait quelle faille éthique. Quitte à passer pour « archéo-marxien » — et non « marxiste », le « marxisme » étant la version falsifiée de la pensée de Marx, ayant servi à légitimer en les masquant les impostures des régimes et des partis qui se réclamaient de lui —, seule une analyse matérialiste, c’est-à- dire de classes, de ce qu’est, socio-historiquement, la « gauche de gouvernement » aujourd’hui nous semble pertinente pour éclairer la raison principale non seulement de son ralliement au soi-disant « social-libéralisme », mais aussi de l’aveuglement persistant à son sujet de la plupart des intellectuels qui prétendent s’y opposer : l’appartenance de classe de l’une et des autres à ce « troisième larron de l’Hitoire », entre bourgeoisie et prolétariat, qu’est la petite bourgeoisie intellectuelle (PBI). 3 Sur ce soutien, voir la video « Le palnde bataille des fianciers »,www//Les Mutins de Pangée Reportages, débats, entretiens 3 2. L’irrésistible ascension de la petite bourgeoisie intellectuelle Pour résumer en quelques mots une thèse développée ailleurs4, il suffira de dire que la reproduction des rapports de production capitalistes ne peut s’effectuer, lorsque ceux-ci ont atteint un certain stade de développement, qu’avec le concours structurel d’une classe intermédiaire scolairement dotée et préposée aux tâches de médiation assurant le relais entre direction et exécution, soit entre « le haut » et « le bas » de la société. Ces tâches peuvent se subdiviser, en se combinant parfois, selon quatre fonctions : conception, organisation, contrôle, inculcation. Pour les accomplir, on trouve aussi bien les cadres, les ingénieurs et les techniciens, que les enseignants et les chercheurs, les technocrates de la planification, de la programmation ou de la gestion aux niveaux national et local, que le personnel qualifié des établissement médicaux et socio-éducatifs, sans oublier évidemment les professionnels de l’« info-com » (publicité et propagande) et les « créateurs » et « créatifs » en tout genre (architectes, artistes, écrivains, éditeurs…), ni les agents des échelons supérieurs et intermédiaires de l’appareil répressif d’État. Soit, pour l’ensemble, presque 40% de la population active. Dans une conjoncture « normale », l’accomplissement de ces tâches de médiation se réalise sans heurts, sur le plan politique, sous le signe et dans le cadre de l’« alternance » entre partis de droite représentant plus ou moins directement et ouvertement la classe dominante, et partis de gauche uploads/Politique/ social-libe-ralisme-1.pdf
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- Publié le Mai 01, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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