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0 ·- -c ca a: 144 l§.[.jWUJ Direction hasardeuse, hiérarchie pléthorique, grille incohérente, désertion en douze ans de la moitié des auditeurs, la radio phare des années 50 est en pleine morosité. Jacques Lehn sera-t-il, après Denis Jeambar, l'homme providentiel, le sauveur de la station? Euro e Tout va mal, on recomme ncore un coup dur pour Europe 1. Anou- veau, la désolation l'emporte. Pourtant, avec 1 'arrivée de Denis Jeambar, en juillet dernier, toute la station retrouvait le fier espoir d'un nouvel essor. Et puis, le 12 mars, il annonce son départ après huit mois de réflexion sur 1 'avenir. d'Europe. Aujourd'hui, c'est Jacques Lehn, le pdg, qui assure la direction générale. Il reprend le projet imaginé par Denis Jeambar, qui avait réussi le renouveau du Point. · Le temps de la splendeur passé, Europe 1 a toujours oscillé entre une hiérarchie pléthori- que et une direction hasardeuse. Alors, rue Fran- çois-I•r. dans les studios feutrés, l'enthousiasme s'est émoussé peu à peu, comme la vigueur des programmes. Résultat, èn douze ans, la moitié des auditeurs a déserté. Après avoir été dépassé par France Inter dans les sondages, Europe 1 a subi deux nouvelles terribles humiliations : bat- tue par France Info alors qu'elle a toujours eu la prétention d'être la meilleure sur l'actualité, elle a aussi été dépassée par NRJ, une FM musicale qui coûte peu à fabriquer. De quoi, évidemment, 'empire Lagardère Le Lagardère Groupe contrôle quasi entièrement Matra Hachette, qui détient : 100 %de Matra défense (missiles, système d'information et de commandement), de Matra transport (train, métro), de Matra automo- bile, d'Hachette livres, d'Hachette distribution services (Relais H), de Matra Hachette multimédia et de Grolier (multimédia). 74% de Matra datavision (logiciel). 66 % de Hachette Filipacchi presse. 51% de Matra Marconi Space (satellites de télécommunications, d'observation et sciences, programmes stratégiques et transport spatial et vols habi- tés ... ). 50 %de Matra Cap Systèmes (gestion et préparation de mission des avions de patroùille maritime ... ) et de Matra communication. 45,11% d'Europe 1 communication (Europe 1, Europe 2, RFM, Europe dévelop- pement international - 60 radios à l'étranger-, Europe Images, Giraudy). Chiffre d'affaires pour 1995 : 52,5 milliards. Bénéfice net : 630 millions. Le groupe est aujourd'hui candidat à la reprise d' Alcatel et de Thomson-CSF. Télérama N• 2414 -17 avril1996 démoraliser un peu les troupes. Pourtant, le malaise ne s'explique pas seulement par perte d'influence due à la concurrence acharnée que se livrent les stations. Europe 1 a aussi un passé politique lourd. Un sujet tabou, mais qui laisse des traces dans l'esprit d'hommes qui s'interrogent, en deman- dant l'anonymat, sur leur rapport avec la puis- sance politique.· Jusqu'en 1974, tout va bien. On .est heureux, la radio fourmille d'idées. C'est à ce moment, dit-on, que la station se giscardise. Etienne Mou- geotte donne une cuillerée à manger au président de la République chaque matin. Puis, c'est une lou- chée. Quand la gauche triomphe, la rédaction a la sensation d'avoir à payer l'addition d'une trop grande proximité avec le pouvoir politique passé. Le spectre de la privatisation se profile, consi- déré comme le meilleur moyen de couper le cor- don avec les anciennes habitudes. La station a des doutes sur sa propre excellence. En 1981, changement d'équipe, le nouveau pdg, Jean-Luc Lagardère, nomme Philippe Gildas à la direction de 1 'info. Celui-ci interdit aux journalistes de « fai- re de la politique» à l'antenne, et choisit d'engager des éditorialistes extérieurs, disent certains, pour chanter les louanges de leurs chefs çle parti : ainsi, chacun défend le sien. L'atmosphère devient irres- pirable. Exit Jean-Pierre Joulin. Jugé trop proche de l'ancien pouvoir politique, il est expatrié durant cinq ans à Washington. Alain Duhamel et Cathe- rine Nay, eux, goûtent quelque temps aux plaisirs stériles du placard. Avec la cohabitation, les exilés reviennent, le moral aussi. Et puis pan, pendant la campagne présidentiellè de 1995, les vieux démons se ré- veillent, quelques journalistes influents imposent leur candidat à leurs collègues, qui suivent comme des moutons. Ils soutiennent en chœur Edouard Balladur. Les mêmes retournent leur veste en un week-end quand, pour la première fois, un saiJ?edi de janvier, les sondages donnent Jacques Cht~ac gagnant. « On a souffert, reconnaît un témotn. Quand, le lundi, nous avons reçu le Premier ministre, les journalistes l'ont cassé. Lui-même ne comprenait pas. Il disait : "Vous êtes terri- blement politiques ce matin, qu'est-ce qui vous arrive ?" Il ne savait pas qu' iri on roule tou- jours pour quelqu'un. » Europe 1 qui ne souhaite pas avoir un train de retard, saute sur le mar- chepied des sondages. Ce comportement monolithique vécu par toute la rédaction révèle d'abord la peur. En 1994-1995, les patrons d'Europe 1 ont souvent perdu leur sang-froid : « Personnellement, j'ai compris com- ment sont nées les dictatures. Nous avions un chef qu'on appelait Ceausescu. Il compensait son manque d'autorité par la violence verbale. Un autre, plus virulent encore, nous balançait des "Je te tuerai, il y aura du sang sur les murs".· Je l'ai même entendu tenir des propos racistes à propos d'Arthur ou de Yan nick Noah, que la sta- tion voulait engager comme consultant ! » A l'antenne, les programmes trahissent ce malaise. ils s'adressent à tout le monde et à n'importe qui, en mélangeant les heures et les genres. Jamais la grille n'a été aussi incohérente. C'est le combat des chefs : chacun impose ses hommes et ses idées. Et, pour la première fois de l'histoire d'Europe 1, on voit même un directeur de régie commerciale intervenir sur la grille : Michel Cacouault embau- che à prix d'or les Nuls, pour remonter l'audience et« porter >> la tranche d'information de la mi- journée. Il~ placent la barre très haut pour dissua- der leur futur employeur. Europe accepte leurs exi- gences. Pendant une saison, ils touchent 150 000 francs par mois chacun (et ils sont trois, plus leur équipe) pour animer une heure d'émission quoti- dienne. De l'argent balancé par les fenêtres, puis- que l'audience ne remonte pas d'un poil. 1 En revanche, ces nouveaux cachets font jaser. ii! Les jeunes journalistes trouvent leur salaire bien ~ pâle et se barricadent dans leur pré carré. Ils gar- ~ dent pour eux leurs informations, évitent de se : parler. Leurs « papiers » ne sont pas relus par la direction de la rédaction. Un laisser-aller désen- chanté embrume l'allant défaillant des plus entre- prenants. Sûrs de leur talent, s'ils affirment pourtant aimer passionnément leur station. ils n'aiment guère leurs collègues. L'esprit maison s'entache d'arrogance. Les stagiaires sont ainsi accueillis: <<Si tu es mieux que les autres, on ne te dit rien, Si tu es aussi bon que les autres. c'est que tu es mauvais. Si tu es moins hon que les autres ... tu n'as rien à faire ici. » Les anciens regrettent, évidemment, le bon vieux temps où ils étaient perpétuellement sur la brèche. A la mort de Pompidou, se souvient avec mélan- colie un vieux briscard, le 2 avril1974, vers 21h15, tout le monde était revenu dans les studios. Jean Gorini faisait des listes : « Toi, tu restes. Toi, tu habites loin, tu reviendras demain. >>Lors de ras- sassinat d'ltzhak Rabin, le 4 novembre dernier, c'est tout juste si les trois journalistes de permanence ont osé prévenir leur rédaction en chef. L'absence d'encadrement se fait cruellement sentir. Aujourd'hui, seul Jean-Luc Lagardère, action- naire majoritaire. fait l'unanimité. On l'appelle «papa», son bureau,« le château». Admiré par tous, « papa Lagardère » n ·a que quelques mots à prononcer pour remettre de l'ordre dans la maison. Seulement, il n'a pas que cela. à faire. A l~;t tête d'un groupe militaro-industriel (voir encadré), il ne vient pas souvent rue François-Ter. Mais chacun sait qu'il ne les abandonnera pas, même en cas de crise. L'an dernier, paradoxe, après une autre chute d'audience, la radio a continué de gagner de l'argent : 70 millions de francs de bénéfice. Comme si les annonceurs ne s'étaient pas aperçus de la gravité de l'hémorragie. De toute façon, on ne craint pas ici de manquer- d'argent : si un jour Europe 1 avait des ennuis financiers, le groupe Lagardère voterait volon- tiers les rallonges nécessaires, une attitude qui encourage l'apathie générale. Les seules créations se font à l'étranger: cinquante radios en URSS, une à Prague, plusieurs en Chine ... Une internationa- lisation qui favorise le mélange des genres. On susurre que tel envoyé permanent très spécial a noué des contacts qui auraient permis à Matra de vendre des armes au Moyen-Orient et qu'un autre aurait servi d'intermédiaire pour d'autres négo- ciations. Un journaliste affirme, au contraire, que 1' appartenance de la station à un groupe ne ..,..... et nouveau directeur général : « Il faut se différencier des autres stations, introduire l'enthousiasme, prMiégler l'affeCtif. " t· Télérama N• 2414 -17 avrll1996 145 146 Europe 1 : l'audience en baisse Audience cumulée, duhmdl au vendredi (~œmn. ~~~~-----+-=~~------+-~--~-----+------t------~----~~~--1 concernent les mols de novembre- décembre de chaque année). ..,.._ pèse pas sur ses choix éditoriaux. « uploads/Politique/ europe-1.pdf
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- Publié le Jul 29, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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