Corruption et prédation dans l’exercice du pouvoir Les cas de l’Algérie et de l

Corruption et prédation dans l’exercice du pouvoir Les cas de l’Algérie et de l’Iraq Les livres de Assafir Al-Arabi Nº 1 - 2020 Contributions Direction Daho Djerbal, Rachid Sidi Boumedine, Muhsen Ahmad Ali, Abdulrahman AL Mashadani, Omar Al Jaffal Nahla Chahal Assafir al-Arabi a mené, tout au long de 2020, une étude concernant la corruption comme étant un des piliers du pouvoir, au même titre que la répression, la paupérisation, ou l’installation du désespoir. Ceci dépasse de loin la supposition, qui est généralement la base des travaux sur le sujet, et qui ne voit dans la corruption qu’un vol de l’argent public et un manquement aux lois, corrigibles par des mesures de redressement et de transparence. Les recherches ici publiées s’intéressent à une fonction majeure, accomplie par l’exercice de la corruption et son infiltration dans toute la société et dans les appareils d’Etat. L’objectif que vise cette fonction est le contrôle par les détenteurs du pouvoir de l’ensemble des relations sociales et politiques, en plus de la prédation. C’est un outil de maillage et de maîtrise, et un moyen d’établir des règles de jeu parallèles à celles officielles et déclarées. Nous avons choisi pour cet exercice les cas de l’Algérie et de l’Iraq, et espérons étendre notre recherche à d’autres pays. Les livres de Assafir al Arabi sont imprimés en trois langues : Arabe, Anglais et Français. Ils sont également disponibles dans une version en ligne sur le site assafirarabi.com Les Livres de Assafir Al-Arabi - Nº 1 - 2020 Corruption et prédation dans l’exercice du pouvoir - Les cas de l’Algérie et de l’Iraq www.assafirarabi.com 2020 RECOUPEMENTS est une association inscrite au Liban dont le but est de mettre en lumière les foyers de résistance du monde Arabe, une région dévastée par les guerres, la pauvreté, la corruption et les violences. Son projet principal est le journal en ligne Assafir Al-Arabi, lancé en 2012. ASSAFIR AL-ARABI est une platforme médiatique indépendante qui publie des analyses de première main sur et depuis la région Arabe. Les contributions sont écrites par des auteur(e)s concerné(e)s, engagé(e)s et ancré(e)s dans la réalité de leurs sociétés. La platforme compte plus de 6000 articles, 44 dossiers et 250 contributeurs dont une grande majorité est jeune et près de 35% sont des femmes. www.assafirarabi.com Ce projet de Recoupements / Assafir Al-Arabi a été réalisé avec le support de l’association Ford Foundation Les livres de Assafir Al-Arabi Nº 1 SOMMAIRE 09 Cadre Général 17 Chapitre 1: Algérie 101 Chapitre 2: Iraq Corruption et prédation dans l’exer­ cice du pouvoir - Préambule Nahla CHAHAL La corruption comme système de pouvoir en Algérie Daho DJERBAL Corruption: le cas de l’Algérie Rachid SIDI BOUMEDINE Système de gouvernance et de pérénnisation d’un régime prédateur Muhsen AHMAD ALI Abdulrahman AL MASHADANI Avec la participation de Omar AL JAFFAL 19 63 10 103 Corruption et prédation dans l’exercice du pouvoir Les cas de l’Algérie et de l’Iraq Cette publication est également disponible en Anglais et en Arabe Corruption et prédation dans l’exercice du pouvoir Cadre général 8 9 Cadre général Nahla CHAHAL Nahla Chahal est professeure en sociologie politique, directrice de l’associa­ tion Recoupements et rédactrice en chef de Assafir Al-Arabi. Traduit de l’Arabe par Saïda CHARFEDDINE Corruption et prédation dans l’exercice du pouvoir Cadre général 10 11 Corruption et prédation dans l’exercice du pouvoir Préambule Ces études concernant les exemples de l’Algérie et de l’Iraq cherchent à aborder la corruption non pas comme recours au « pot-de-vin » ou vol des deniers publics, mais comme un des plus importants mécanismes du pouvoir, une part essentielle de sa structure et du rouage de son fonctionnement. La corruption n’est pas un symptôme qui peut être traité par lui-même et par des mesures qui lui sont propres, mais plutôt un instrument qui permet au(x) dirigeant/dirigeants de se maintenir et de perpétuer leur pouvoir et leur hégémonie. Elle peut être plus efficace que l’oppression infligée à la société sous différentes formes et que l’asservissement des gens par leur domestication, leur réclusion dans le désespoir de tout changement et leur condamnation à l’appauvrissement. La corruption pénètre partout, elle implique un grand nombre de personnes à des de­ grés divers, les conduit à se compromettre, ou du moins à l’accepter pour se faciliter la vie. Il y a aussi des couches sociales qui en bénéfi­ cient plus particulièrement parce qu’elles collaborent avec les autorités existantes, parfois pour des considérations idéologiques, ou pour des affiliations tribales ou communautaires De nombreuses études traitent de la question de la corruption en tant qu’indicateur de mauvaise gouvernance, d’absence de transparence, de défaillance des systèmes de contrôle et de responsabilisation, ou encore en tant que signe de la faiblesse de l’autorité du droit. Cette approche est largement dominée par les visions et les analyses de la Banque mon­ diale et du Fonds monétaire international, ou même de l’organisation «Transparency International », etc. qui se sont concentrées sur le népo­ tisme, le vol, et la manière dont les personnes influentes se remplissent les poches. Elles ont aussi proposé des mesures pour protéger les lan­ ceurs d’alerte, améliorer l’accès à l’information, faciliter le rôle de la so­ ciété civile et mettre en place des mécanismes permettant à la société de demander des comptes aux fauteurs... Tout cela a fourni une base de données importante et utile. Mais se limiter à cela reste insuffisant, car toutes ces actions ne sai­ sissent pas la dynamique de la corruption ni sa fonction. Il est certain que ces aspects de la corruption ont un lien entre eux, qui leur donne du sens et en fait un véritable « système ». Les recherches présentées ici tentent justement d’examiner cette hypothèse et d’identifier les circons­ tances qui font fleurir la corruption. Il existe bien évidemment une relation directe aussi entre la propagation de ce fléau et la défaillance du projet de libération nationale - ou sa dé­ faite – car se débarrasser du vieux colonialisme ne peut être considéré en soi comme la réalisation accomplie de ce projet. De même que les privatisations massives concomitantes à cette défaillance ont ouvert des nouveaux accès à la corruption. On constate également que les véritables mécanismes de prise de dé­ cision ont été occultés en faveur d’un montage formel des décisions au sein des conseils de ministres ou des parlements, ou alors en faveur du recours aux décrets qui sont des couvertures légales pour les pratiques de la corruption. Dans son étude sur l’Algérie, intitulée « La corruption comme système de pouvoir en Algérie », Daho Djerbal1 affirme que « la corruption est dite institutionnalisée lorsqu’elle n’est pas seulement généralisée mais aussi organisée sur la base de réseaux socio-économiques de clientèle, installés dans les appareils d’Etat et la diffusant dans la société à travers des relais plus ou moins occultes ». Elle est fortement présente dans les pays qui ont mis en place une économie de monopole étatique, aussi bien dans le modèle capitaliste que socialiste. Il s’agit, pour le chercheur, d’un système rentier qui apparait comme « un système de régulation politique et économique, au sein duquel les rela­ tions entre l’État et ses institutions, les entreprises et leurs partenaires, la société civile et ses organisations, sont soumises, de gré ou de force, à une logique de régulation rentière pour l’allocation de l’ensemble des ressources nationales (humaines, naturelles, financières, techniques, organisationnelles), leur valorisation et la répartition des revenus qui en découlent. » La corruption est devenue « un passage obligé » pour l’ac­ cessibilité à plusieurs services publics. Quant aux décrets, Djerbal y voit autant de moyens de faire échapper les choix majeurs à la discussion des assemblées élues et aux pouvoirs dé­ mocratiquement délégués. Ce sont des outils mis en place pour assurer la reproduction élargie de ce nouveau système de gain et de profit, pour permettre l’évaluation des questions économiques par le seul pouvoir exécutif et pour mettre en place un arbitrage entre les intérêts contra­ dictoires afin de créer plus de rentes et d’en organiser la pré-répartition. 1 Daho Djerbal est historien, il enseigne l’Histoire contemporaine à l’Université d’Alger 2. En plus de ses nombreuses recherches en histoire économique et sociale, il travaille à la relation entre Histoire et Mémoire. Il est depuis 1993, directeur de la revue Naqd, d’études et de critique sociale. Corruption et prédation dans l’exercice du pouvoir Cadre général 12 13 Il considère qu’il y a aussi une relation entre corruption et démocratie. Ainsi l’émergence de « pratiques pragmatiques » de l’autorité repose sur « le système de prébendes et de distribution des largesses, la fragmen­ tation des espaces, des lieux et des acteurs quant à la perception de ce qui est licite et de ce qui ne l’est pas, de ce qui est moral et de ce qui ne l’est pas, de ce qui est légitime et de ce qui ne l’est pas… ». Le chercheur donne de nombreux exemples tirés de la réalité algérienne pour illustrer sa réflexion, et analyse les « scandales » qui avaient éclaté au grand jour, la logique des procès uploads/Politique/corruption-fr.pdf

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