______________________________________________________________________ Évolutio
______________________________________________________________________ Évolution de la situation énergétique allemande Paramètres et incertitudes pour la période 2012-2020 __________________________________________________________________ Michel Cruciani Mars 2012 . N No ot te e d de e l l’ ’I If fr ri i Gouvernance européenne et géopolitique de l’énergie L’Ifri est, en France, le principal centre indépendant de recherche, d’information et de débat sur les grandes questions internationales. Créé en 1979 par Thierry de Montbrial, l’Ifri est une association reconnue d’utilité publique (loi de 1901). Il n’est soumis à aucune tutelle administrative, définit librement ses activités et publie régulièrement ses travaux. L’Ifri associe, au travers de ses études et de ses débats, dans une démarche interdisciplinaire, décideurs politiques et experts à l’échelle internationale. Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), l’Ifri s’impose comme un des rares think tanks français à se positionner au cœur même du débat européen. Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que la responsabilité de l’auteur. ISBN : 978-2-36567-005-0 © Ifri – 2012 – Tous droits réservés Site Internet : Ifri.org Ifri-Bruxelles Rue Marie-Thérèse, 21 1000 – Bruxelles – BELGIQUE Tél. : +32 (0)2 238 51 10 Fax : +32 (0)2 238 51 15 Email : info.bruxelles@ifri.org Ifri 27 rue de la Procession 75740 Paris Cedex 15 – FRANCE Tél. : +33 (0)1 40 61 60 00 Fax : +33 (0)1 40 61 60 60 Email : accueil@ifri.org 1 © Ifri Synthèse À la suite de l'accident de Fukushima, l'Allemagne a pris trois décisions majeures pour son industrie électrique : l'arrêt immédiat de huit réacteurs nucléaires, la fermeture accélérée des neuf autres, afin d'avoir abandonné complètement l'énergie nucléaire en 2022, et l'utilisation massive des énergies renouvelables comme source de l'électricité consommée dans le pays. La part visée pour cette source se situe à 35 % dès 2020 et 80 % en 2050. En complément aux nouvelles décisions, la détermination à réduire rapidement les consommations d'énergie a été réaffirmée. Ces trois décisions soudaines ramènent en fait la politique énergétique allemande sur les rails posés dès 2000. La bifurcation fugitive opérée fin 2010 n'avait pas altéré l'orientation fondamentale antérieure ; malgré le délai allongé qu'elle accordait au parc nuclé- aire, elle confirmait son caractère volontariste, aussi bien pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre que pour la dimi- nution des consommations d'énergie. Cette relative constance dans les choix explique que le pays ait pu se doter en quelques semaines d'un corpus législatif très complet et marqué par une grande cohé- rence. Cependant, alors que l'émotion liée à l'accident de Fukushima s'estompe, l'importance de l'effort demandé par le nouveau cadre législatif commence à susciter des réactions de repli. Les réserves concernent notamment la loi encadrant la pro- motion des énergies renouvelables, dite loi EEG. Entérinant les objectifs ambitieux relatifs à leur part dans l'alimentation électrique, elle confirme le dispositif des tarifs d'achat garantis pendant 20 ans pour stimuler leur production. Le surcoût correspondant, au regard des sources conventionnelles, restera supporté essentiellement par les consom- mateurs domestiques, dont la facture sera sensiblement majorée. Dans ce cadre, pour un moindre volume d'énergie primaire en 2020, la proportion des trois grandes énergies fossiles devrait demeurer relativement stable, tandis qu'en pourcentage, les énergies renouvelables occuperaient la fraction abandonnée par l'énergie nucléaire. Dans le secteur de l'électricité, malgré une consommation réduite de 10 %, la capacité installée devra augmenter d'environ 15 % d'ici 2020 en raison du recours accru à des énergies inter- Michel CRUCIANI est chargé de mission au Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières (CGEMP), université Paris-Dauphine. M. Cruciani / Evolution de la situation… 2 © Ifri mittentes. Le photovoltaïque devrait représenter 26 % du parc de production allemand en 2020 et les éoliennes (terrestres et mariti- mes) 23 %, mais la production cumulée de ces deux sources ne four- nirait que 25 % de l'électricité, les énergies fossiles en apportant 55 %. La décision de fermer immédiatement les 8 réacteurs les plus anciens a d'abord été annoncée comme un moratoire. En raison de l'interdépendance des marchés de l'électricité en Europe, ce mora- toire sans préavis a provoqué une secousse sérieuse dans les pays voisins, aussi bien physique, en inversant des flux de courant, que financière, en majorant les prix. Placés devant le fait accompli, les autres pays européens se trouvaient dans l'impossibilité de prendre une décision comparable, sauf à engendrer un risque sérieux sur la sécurité d'approvisionnement électrique de toute l'Europe. Le moratoire est ensuite devenu une décision définitive. A court terme, le retrait d'une capacité de production nucléaire de 8,3 GW au cœur de l'Europe sera d'abord compensé par les centrales existantes, avant que de nouvelles unités puissent être construites. Les moyens de production sont suffisants, mais le réseau européen n'est pas adapté à la configuration ainsi créée. Dans la période de quelques années nécessaire à la mise en service de nouvelles centrales ou de nouvelles lignes, le réseau européen restera fragile, notamment en cas d'événement climatique exceptionnel. Dans les prochaines années, des centrales offrant une capa- cité de production garantie seront indispensables en Allemagne pour assurer la continuité de l'alimentation, en complément des unités intermittentes prévues (éoliennes, photovoltaïques). La fermeture des 9 derniers réacteurs nucléaires entre 2015 et 2022 et celle de plu- sieurs centrales conventionnelles très anciennes seront donc compensées par la mise en service de nouvelles centrales thermiques. La libéralisation du secteur électrique européen a donné une place accrue aux marchés pour la fixation des prix. Sur le marché spot, le retrait de l'offre nucléaire allemande à bas prix et son rempla- cement par des unités au gaz ou au charbon pousse mécaniquement les prix à la hausse lorsque la demande est inchangée. La mise en service progressive d'une production d'origine renouvelable, dont le coût variable est encore plus bas que celui de l'énergie nucléaire, ne compensera que partiellement cette perte, en raison d'une moindre disponibilité et d'un mode de rémunération des producteurs basé sur un tarif d'achat indépendant du marché. Toutefois, fin 2011, une chute des consommations d'électricité en Europe de l'Ouest a ramené les prix vers leurs niveaux du début de l'année Au regard du risque climatique, le recours accru à des sour- ces fossiles en remplacement de l'énergie nucléaire majorera les émissions de CO2. L'Allemagne dispose néanmoins de marges qui devraient lui permettre de respecter malgré cette hausse son enga- gement dans le cadre du protocole de Kyoto. Ces émissions entrent M. Cruciani / Evolution de la situation… 3 © Ifri aussi dans le système ETS ; l'augmentation des rejets devrait donc entraîner une hausse du prix du quota de CO2 sur le marché européen. Cependant, la réduction des émissions liée au ralentisse- ment économique et la disponibilité de quotas d'origine extérieure à l'Union Européenne ont exercé en 2011 une pression à la baisse sur le prix du quota, qui a plus que compensé le facteur majorant allemand. À partir de 2013, le prix du quota conditionnera aussi les recettes espérées par le gouvernement allemand. Ces recettes seront bienvenues, car le tournant énergétique place l'Allemagne face à un besoin considérable en investissements, dans une période de ressources financières réduites par la crise éco- nomique de la Zone Euro, et expose ses consommateurs domesti- ques à la perspective d'une augmentation des tarifs de l'électricité, dans une période marquée par l'aggravation de la précarité. Les consommateurs industriels se sentent également menacés. En revanche, la nouvelle politique énergétique donnera un avantage certain aux entreprises allemandes pour conquérir des positions for- tes sur les marchés internationaux de l'équipement énergétique. L'industrie vise la fourniture de produits à hautes performances technologiques, aussi bien dans les énergies fossiles que renou- velables. Le champ expérimental ouvert dans tout le pays favorisera aussi l'acquisition, par les entreprises allemandes, de compétences nouvelles dans le stockage et la gestion de la demande d'énergie. Sur le plan de la politique de l'Union Européenne, l'Allemagne s'efforcera selon toute probabilité d'influer sur les orientations énergé- tiques communes, afin qu'elles convergent avec ses choix nationaux. Elle militera vraisemblablement pour l'intégration du marché europé- en de l'électricité et pour le renforcement des sources renouvelables dans le mix électrique de chaque pays, deux mesures qui favorise- ront la convergence des prix et lui éviteront donc une perte de compétitivité. Elle plaidera aussi pour la réalisation d'interconnexions nouvelles, facilitant l'écoulement du courant d'origine renouvelable. L'Allemagne pourra également être incitée à se montrer exigeante à l'issue des "stress tests" sur la sûreté nucléaire, étant elle-même à l'abri de charges nouvelles, et être tentée de poursuivre une politique gazière peu solidaire, bénéficiant d'une position avantageuse à l'égard de la Russie. Les conséquences sur la politique communautaire de l'énergie des décisions prises unilatéralement par l'Allemagne pourraient se révéler plus délicates à gérer pour ses partenaires que leur impact à court et moyen terme sur la sécurité du réseau européen ou sur le prix du courant. 4 © Ifri Sommaire INTRODUCTION ................................................................................... 5 LE NOUVEAU CADRE LEGISLATIF ALLEMAND ET LES EVOLUTIONS ENGAGEES ........................................................... 7 Les étapes majeures, du premier choc pétrolier à 2011 ...................... 7 Le cadre législatif issu du tournant énergétique ................................ 10 Contenu de la uploads/Politique/ evolution-de-la-situation-energetique-allemande-parametres-et-incertitudes-pour-la-periode-2012-2020.pdf
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- Publié le Oct 07, 2022
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