Gérard Bergeron (1922-2002) Politologue, département des sciences politiques,

Gérard Bergeron (1922-2002) Politologue, département des sciences politiques, Université Laval (1970) “Pouvoir, contrôle et régulation.” Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Courriel: jmt_sociologue@videotron.ca Site web: http://www.uqac.ca/jmt-sociologue/ Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web: http://www.uqac.ca/Classiques_des_sciences_sociales/ Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Gérard Bergeron, “Pouvoir, contrôle et régulation.” (1970) 2 Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi à partir de l’article de : Gérard Bergeron “Pouvoir, contrôle et régulation.” Un article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. 2, no 2, novembre 1970, pp. 227-248. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal. [Autorisation formelle accordée, le 12 avril 2005, par Mme Suzanne Patry-Bergeron, épouse de feu M. Gérard Bergeron, propriétaire des droits d'auteur des œuvres de M. Gérard Bergeron] Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Comic Sans, 12 points. Pour les citations : Comic Sans 12 points. Pour les notes de bas de page : Comic Sans, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée le 30 septembre 2010 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, province de Québec. Gérard Bergeron, “Pouvoir, contrôle et régulation.” (1970) 3 Gérard Bergeron (1970) “Pouvoir, contrôle et régulation.” Un article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. 2, no 2, novembre 1970, pp. 227-248. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal. Gérard Bergeron, “Pouvoir, contrôle et régulation.” (1970) 4 Table des matières I. Une « marchandise » douteuse importée de la science politique II. Du pouvoir au pouvoir III. Le pouvoir comme fait relationnel IV. De l'influence, du contrôle et de quelques autres pseudonymes V. Social control ou régulation sociale ? Résumé / Abstract / Resumen Gérard Bergeron, “Pouvoir, contrôle et régulation.” (1970) 5 [227] Gérard Bergeron † (1922-2002) Politologue, département des sciences politiques, Université Laval “Pouvoir, contrôle et régulation.” Un article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. 2, no 2, novembre 1970, pp. 227-248. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal. « Si vous voulez converser avec moi, définissez vos termes. » Voltaire I. Une « marchandise » douteuse importée de la science politique Retour à la table des matières 1. En provenance de la science politique, le pouvoir est probablement la plus importante, sinon la seule importation conceptuelle des sciences psychosociologiques. L'opération n'est pas sans risques. Elle se produit au moment où le pouvoir subit une sévère dévalorisation chez les pratiquants d'une science politique qui, par ce concept, a naguère prétendu établir sa spécificité, affirmer sa relative autonomie et « cartographier » son domaine propre 1. Ce 1 Social Science Research Council, The Social Sciences in Historical Study, bulletin no 64, 1954, p. 68 ; Hans Morgenthau, « Power as Political Concept », dans Roland Young (édit.), Approaches to the Study of Politics, Evanston, Northwestern University Press, 1958, p. 74. Gérard Bergeron, “Pouvoir, contrôle et régulation.” (1970) 6 concept qu'on a déjà qualifié de « porte-manteau 2 » est fort « décevant » à l'usage 3. Il est à la [228] fois « trop ambigu » et « trop faible 4 » pour répondre aux besoins théoriques et analytiques d'une science, jusqu'à maintenant très peu inventive en concepts et qui a plutôt pris l'habitude de piller les sciences, plus agressives qu'elle sur ce plan, de la psycho-sociologie. Le pouvoir n'est pas ce que la science politique peut offrir de mieux aux sciences-soeurs. C'est même notre conviction que c'en est le pire. À moins que « le pire » ne consiste précisément en ce qu'on ne puisse en éviter totalement l'emploi, tant sont enracinées certaines habitudes (de facilité) du langage, tant sont par ailleurs fondamentaux les problèmes d'objets et de méthodes, communs à la psychologie sociale, à la sociologie et à la science politique, que permet d'évoquer tout au moins le concept de pouvoir. Comment éluder l'examen de cette Chose - The Thing, dit Robert Dahl que recouvre, en la désignant mal, le pouvoir ? Encore faudrait-il, en privilégiant la nation, bien se rendre compte qu'on risque de s'enfoncer dans un « marais sans fond 5 ». Plus récemment, un autre political scientist dénonçait son « caractère faussement concret » et en comparait l'usage à celui que les anciens chimistes faisaient de la phlogistique 6, ce fluide imaginaire, inhérent à tout corps, que la combustion libérerait. Cette espèce de principe premier de la vie politique, avec ses caractères d'ubiquité et d'omnipotence, c'est la notion de Dieu chez les panthéistes qu'il suggérait à un autre auteur. Constatant qu'à lui faire signifier « le tout et à peu près tout de la 2 P. H. Partridge, « Some Notes on the Concept of Power », Political Studies, juin 1963, p. 124-125. 3 James G. March, « The Power of Power », dans David Easton (édit.), Varieties of Political Theory, Englewood Cliffs (N.J.), Prentice-Hall, 1966, p. 70. 4 R. C. Snyder, « Toward Greater Order in the Study of International Politics », World Politics, avril 1955, p. 472. 5 Robert A. Dahl, « The Concept of Power », Behavioral Science II, 1957, p. 373. 6 Neil A. McDonald, Politics : A Study of Control Behavior, New Brunswick, Rutgers University Press, 1965, p. 26. Gérard Bergeron, “Pouvoir, contrôle et régulation.” (1970) 7 politique », il affirmait qu'il « ne signifie plus rien du tout ». Jugeant le concept comme irrémédiablement taré, cet auteur proposait de « bannir ce deus ex machina de la science (ou sociologie) politique : plutôt qu'un concept scientifique c'est un mot de passe qui, semblant ouvrir toutes les portes, n'en ouvre aucune. C'est, à la fois, une commodité trop facile et une complication inutile 7 ». 2. Le surchargeant moins que telle tradition tenace de science politique, les psycho-sociologues peuvent se servir du concept de pouvoir à moindres risques en le restreignant à l'état de variable parmi d'autres. Ils ont encore à leur disposition une batterie de concepts complémentaires et encadrants, assez bien éprouvés, permettant d'emblée d'en circonscrire la portée et d'en raffiner l'usage. Mais l'opération reste risquée. Tout se passe comme si le seul fait de nommer « le pouvoir » implique déjà, sinon une prise de position idéologique, du moins une option axiologique. Que l'on prétende le neutraliser pour le rendre strictement opératoire, il n'est pas sûr qu'il se laisse aseptiser aussi aisément... En outre, ce n'est guère que par des pseudonymes, ses qualificatifs ou ses composantes, qu'il présente quelque qualité heuristique. Pourquoi ne pas partir plutôt de ses diverses qualifications, tellement plus fécondes sur leur plan respectif ? Il y a d'abord la force de l'habitude sémantique, déjà évoquée, et aussi cette espèce de tonalité « magique » ou « métaphysique » [229] du terme 8, qui a incité jusqu'à ses adversaires les plus farouches à cette espèce d'hypostase subconsciente du Pouvoir - et la majuscule révérencieuse devient alors de rigueur. Sur le strict plan analytique, nous nous trouvons devant un faux « concept dur » qui, par son imprécision extrême, offre cette facilité, irremplaçable peut-être, de soutenir le flou de la pensée et la mollesse de l'expression. 7 Gérard Bergeron, Fonctionnement de l'État, Paris, Armand Colin, 1965, p. 40. 8 Bertrand de Jouvenel, Du pouvoir, Genève, Éditions du Cheval ailé, 1947, p. 29- 101. Gérard Bergeron, “Pouvoir, contrôle et régulation.” (1970) 8 Pour illustrer ce dernier jugement qui peut paraître sévère, en même temps que cette perméabilité idéologique du vocable, il n'est que de rappeler ce fait frappant : les études en science politique tendent à présenter le pouvoir comme « diffus », tandis que des œuvres marquantes en sociologie insistent sur son caractère « concentré 9 » ; et les unes et les autres le localisent « ailleurs qu'on serait porté à le penser » ! Il ne s'agit pas tellement de niveaux analytiques différents, ni des préférences ou options idéologiques des auteurs. C'est la flatulence même du concept qui doit d'abord être mise en cause. On peut lui faire dire ce qu'on veut. Ce concept « porte-manteau » peut contenir n'importe quoi. Le pouvoir des sociologues peut-il être à ce point différent de celui des politologues ? 3. Cet article voudrait apporter sa contribution à une discussion déjà engagée dans une autre revue 10. Il propose quatre couples de concepts de remplacement au pouvoir ou au Pouvoir, dont chacun peut s'y substituer utilement, dépendant des contextes sociaux ou d'expression : l˚ autorité et souveraineté, 2˚ fonction et compétence, 3˚ contrôle et influence, 4˚ contrôle (social ou politique) et régulation (sociale ou politique). Cette précaution conceptuelle est peut-être le prix initial qu'il faut payer pour une sociologie générale ou politique qui n'accepterait pas de s'enfermer, au départ, en discours tautologiques ou logomachiques. 9 Peter Bachrach et Morton S. Baratz, « Two Faces of Power », American Political Science Review, décembre 1962, uploads/Politique/ gerard-bergeron-pouvoir-controle-regulation.pdf

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