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HAL Id: halshs-00652826 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00652826 Submitted on 16 Dec 2011 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Pouvoirs et monnaie durant la seconde guerre mondiale en France : la monnaie subordonnée au politique Jérôme Blanc To cite this version: Jérôme Blanc. Pouvoirs et monnaie durant la seconde guerre mondiale en France : la monnaie subor- donnée au politique. International conference on War, Money and Finance, ” Monetary and Financial Structures: The Impact of Political Unrests and Wars ”, Jun 2008, Paris, Nanterre, France. ￿halshs- 00652826￿ Jérôme Blanc Université Lumière Lyon 2 / LEFI * Paper presented to the International conference on War, Money and Finance, « Monetary and Financial Structures: The Impact of Political Unrests and Wars », Economix, 19-20th of june, 2008. POUVOIRS ET MONNAIE DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE EN FRANCE : LA MONNAIE SUBORDONNÉE AU POLITIQUE Résumé La façon dont la monnaie a été transformée durant la seconde Guerre mondiale en France est exemplaire d’une subordination du monétaire au politique. Trois systèmes de pouvoir se déploient : la puissance occupante, le régime de Vichy et celui de la France Libre. Chacun tend à s’assurer la maîtrise de l’institution monétaire : essentiellement par le compte et le régime de monnayage pour le premier, établissant les conditions de drainage des ressources françaises au service de l’Allemagne ; uniquement par les moyens de paiement pour le second, qui de ce fait ne parvient qu’à restaurer une souveraineté monétaire nominale ; et par cet ensemble d’éléments pour le troisième, qui parvient, au bout de plusieurs années, à restaurer une souveraineté monétaire réelle. Là se jouent deux types de crises monétaires : une première est liée à la subordination conflictuelle du régime de Vichy à l’occupant allemand, et se fonde centralement sur un conflit relatif au monnayage ; une seconde est liée à l’articulation conflictuelle des gouvernements de la Libération avec les alliées anglo-saxons, et se fonde centralement sur un conflit relatif aux moyens de paiement. * Laboratoire d’économie de la firme et des institutions (ex Centre Auguste et Léon Walras), Institut des sciences de l’homme, 14 avenue Berthelot, 69363 Lyon cedex 07 (France). Tél : 04 72 72 64 07, fax : 04 72 72 65 55. E-mail : Jerome.Blanc@univ-lyon2. fr 2 POUVOIRS ET MONNAIE DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE EN FRANCE : LA MONNAIE SUBORDONNÉE AU POLITIQUE 1. Introduction 1 “Quant à la monnaie, elle fera évidemment ce qu’on lui dira de faire.” Eugène Schueller2 1.1. Monnaie en guerre Les situations de guerre concourent nécessairement à transformer la monnaie. En tant qu’institution sociale fondamentale, celle-ci met en jeu beaucoup plus que les simples échanges marchands : elle renvoie à un « fait social total » où ses dimensions politique, sociale et culturelle ne peuvent qu’être bouleversées par ces moments paroxystiques singuliers que sont les conflits armés. La monnaie est d’autant plus transformée lorsque ces conflits occasionnent des destructions matérielles et humaines significatives, qu’ils occasionnent une réorientation brutale et profonde de l’activité productive dans leur propre but, qu’ils se prolongent et qu’ils provoquent des transformations politiques majeures — s’ils ne sont pas provoqués par eux. Ce texte se concentrera sur le cas de la monnaie en France durant la seconde guerre mondiale. Bien que située dans un conflit européen (où un grand nombre de pays a subi aussi l’invasion allemande et en a connu des conséquences semblables en matière de monnaie) et mondial (où un grand nombre de pays a connu une conquête et une occupation militaires par les Etats-Unis, avec là aussi des conséquences monétaires semblables), il s’agit d’un cas singulier qui interdit toute généralisation : un contexte géopolitique spécifique et l’articulation d’un pouvoir ami de l’envahisseur (le régime de Vichy) et d’une reconquête du pays par des armées de la France Libre alliées aux armées américaines. Dans la guerre, il est plus évident que jamais que monnaie et pouvoir sont liés. Il apparaît d’abord que la monnaie est un instrument du pouvoir, c’est-à-dire issu de ce dernier, sa création voire sa créature — pour parler comme Knapp (1973). Mais il est bien vite entendu que la monnaie est aussi un instrument de pouvoir, c’est-à-dire un outil de gouvernement et de construction d’une légitimité, tout autant qu’un outil dans la lutte sociale pour les richesses. Enfin, la monnaie est un outil contre le ou les pouvoirs, parce qu’elle est l’objet de pratiques sociales susceptibles de dévier, lui faisant subir des transformations qui rendent difficile, et parfois caduque, l’exercice d’une souveraineté monétaire par les pouvoirs en place. 1 Ce texte reprend un premier travail présenté en 1994 à l’occasion du colloque d’Économie historique (Paris, 1-2 décembre). 2 Cité par René SÉDILLOT, Le franc enchaîné. Histoire de la monnaie française pendant la guerre et l’occupation, Paris : Sirey, 1945, p. 114. Eugène Schueller, fondateur de l’Oréal, fut aussi théoricien et acteur du fascisme à la française et auteur de plusieurs ouvrages dont La Révolution de l’économie (1941, Paris, Société d’éditions modernes parisiennes, 373 p.). 3 Le cas français est exemplaire de ces liens paradoxaux entre monnaie et pouvoir. Trois systèmes de pouvoir en conflit ont exercé une forme de souveraineté sur la monnaie durant la seconde guerre mondiale, chacun voulant transformer la monnaie dans le sens de sa conception de la France ou de ses intérêts économico-politiques : l’occupant nazi, dont l’objectif était de subordonner les ressources françaises à la machine de guerre allemande ; le régime de Vichy, qui mit en place une stratégie de collaboration et tenta d’asseoir une souveraineté monétaire formelle ; la France Libre, qui finalement gagna la guerre et lutta pour dégager sa souveraineté monétaire de la marque de Vichy mais aussi de l’encombrant allié nord-américain. Les travaux relatifs à la période ont porté sur l’état de l’économie en général (Baudin, 1945 ; le numéro 57/2 de la Revue d’économie politique, 1947 ; Sauvy, 1978), mais aussi sur la finance durant l’occupation (Arnoult, 1951 ; plus récemment, Occhino, Oosterlinck et White, 2007 et 2008) ainsi que les banques (Andrieu, 1990 ; Margairaz dir., 2002). Le terrain monétaire a été assez peu exploré de façon systématique, ou bien de manière décalée par rapport à notre objet : par exemple, Petrov (1967) a publié un travail très documenté sur la façon dont les forces alliées ont géré les questions monétaires dans les territoires qu’ils ont occupé dans le monde. D’autres ont travaillé sur l’inflation après- guerre et la façon dont elle a été difficilement maîtrisée (Casella et Eichengreen, 1993). Sur la question précise de la monnaie en France durant la guerre, des thèses ont été soutenues en 1942 et manquent inévitablement de recul (Desmurs-Moscet, 1942 ; Moliexe, 1942). Quelques rares travaux publiés dans les dix années qui ont suivi la guerre offrent des développements indispensables à ce sujet (Sédillot, 1945 ; Coulbois et Mérigot, 1950). Nous proposons ici non pas l’exploitation de nouvelles sources, mais un travail à partir de travaux épars, souvent anciens, de sorte que l’on ait une vue suffisamment claire des bouleversements monétaires de la période pour analyser le rapport complexe de la monnaie au politique. Ce texte vise ainsi à analyser la façon dont les trois systèmes de pouvoir (occupant allemand, régime de Vichy et France libre) ont tenté d’établir une forme de souveraineté monétaire. 1.2. Clés d’analyse de la lutte pour le contrôle de la monnaie Dans ce but, nous mobilisons deux cadres conceptuels, l’un relatif à la souveraineté monétaire et l’autre relatif aux crises monétaires. Le cadre conceptuel relatif à la souveraineté monétaire vise à caractériser de façon compréhensive ce qu’est la souveraineté monétaire, ses invariants et les diversité des mises en œuvre possibles (Blanc, 2002). La souveraineté monétaire s’identifie à un double niveau. A un niveau primaire, elle est le résultat de la déclaration de souveraineté d’une autorité se donnant la prérogative exclusive de définir l’unité de compte, de définir le revenu de souveraineté qu’elle souhaite prélever (le seigneuriage) et de définir les marques de la souveraineté. Ce niveau primaire est nécessaire et suffisant pour caractériser la souveraineté monétaire : il s’agit là de ses invariants. Un niveau supérieur permet cependant d’identifier des modes de mise en œuvre différenciés de la souveraineté, qui apparaît alors comme une capacité : elle est une capacité de maîtriser l’émission monétaire (par une politique monétaire), une capacité de maîtriser le champ des pratiques monétaires internes, une capacité de maîtriser la valeur externe de la monnaie (par une politique de change) et une capacité de maîtriser les flux externes (par une politique de convertibilité). Cette « capacité » correspond à un principe de souveraineté ; dans l’exercice réel de cette souveraineté il est possible que uploads/Politique/ jb-gm2-20080619-wmf.pdf

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