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Université de Bordeaux Faculté de droit et science politique Avenue Léon Duguit

Université de Bordeaux Faculté de droit et science politique Avenue Léon Duguit - Pessac Mémoire de recherche L’idéologie d’Alain Soral Entre novation et récupération, étude d’une composante singulière de l’extrême-droite française contemporaine. Sous la direction de Patrick TROUDE-CHASTENET Professeur de science politique, agrégé des universités Aurélien MONTAGNER Master II parcours recherche Politique comparée : pensée et régimes politiques Année universitaire 2013-2014 Remerciements Mes plus sincères remerciements sont premièrement adressés à monsieur Patrick Troude- Chastenet qui m’a permis de travailler au sein de ce master tout en me laissant la possibilité de choisir ce sujet. Une confiance et une liberté qui m’ont été accordées sans lesquelles la rédaction de ce mémoire n’eût pas été possible. Je tiens également à remercier tout spécialement messieurs Daniel Bourmaud et Philippe Claret pour les différents enseignements particulièrement profitables qu’ils m’ont professés au cours de la première et seconde année du master science politique de Bordeaux IV. Résumé du mémoire de recherche Alain Soral, essayiste atypique, s’est au fil des ans imposé comme un idéologue majeur de l’extrême-droite française. Porteur d’une idéologie composite à laquelle de multiples qualificatifs sont attribués, parfois contradictoires, sans qu’aucune analyse complète n’ait à ce jour été réalisée. Or, considérant que son idéologie occupe désormais une place conséquente au sein de l’extrême-droite française contemporaine, il s’avère intéressant et nécessaire de l’étudier précisément afin d’en comprendre les différentes caractéristiques. Nous exposerons en quoi il s’agit d’une idéologie radicale et singulière qui repose essentiellement sur une critique acerbe de la démocratie actuelle dénoncée comme étant une imposture et sur un rejet du mondialisme dans toutes ses composantes : immigration, économie, finance, jugées profondément néfastes. Soral estimant que ces deux éléments sont au service d’un véritable Empire oligarchique qu’il juge impératif de combattre en adoptant des positions nationalistes et par une réconciliation nécessaire entre ce qu’il qualifie de droite des valeurs et de gauche du travail, ainsi qu’entre les français de souche et les musulmans patriotes. Un ensemble d’idées puisant dans des critiques venant notamment de la gauche mais dont nous constaterons que les principales composantes qui sont le nationalisme, l’antisémitisme et le complotisme, constituent un ensemble doctrinal qui renvoie clairement à l’extrême-droite. Une mise en perspective de cette idéologie sera ensuite réalisée afin de déterminer quels peuvent être les précédents historiques auxquels il est possible de la rattacher, et quels sont les mouvements politiques contemporains susceptibles d’utiliser une idéologie similaire. Des comparaisons qui nous amènerons à constater que malgré un certains nombres de similitudes dues aux diverses récupérations qu’opère Alain Soral, la synthèse qu’il produit conserve une singularité telle qu’il n’est pas possible de l’assimiler complètement à un mouvement intellectuel ou politique, passé comme présent. Idéologie dont nous expliquerons enfin comment elle a pu connaître une diffusion réussie bien qu’ayant aujourd’hui un avenir et des effets incertains. Entre novation et récupération, puisque produisant une critique très actuelle aux multiples références tout en réutilisant des éléments propres à l’extrême-droite la plus ancienne et la plus radicale, l’idéologie d’Alain Soral est indéniablement singulière tout en s’inscrivant pleinement comme une composante à part entière de l’extrême-droite française contemporaine. Table des matières Introduction générale.........................................................................................................1 Partie I Une idéologie radicale et relativement novatrice : incarner la résistance face à l’imposture démocratique et à l’idéologie mondialiste.......10 1.1 La dénonciation de l’imposture démocratique...............................................................11 1.1.1 Les communautarismes comme atteinte à l’unité nationale et au progrès social.............11 1.1.2 Le mensonge du clivage gauche/droite : du libéralisme-libertaire au néolibéralisme.....16 1.1.3 La dérive du régime réduit à une démocratie de marché et d’opinion.............................20 1.2 Contre l’idéologie mondialiste, l’opposition à l’Empire................................................23 1.2.1 Au fondement du processus mondialiste : le pouvoir bancaire et financier.....................24 1.2.2 L’instauration du Nouvel Ordre Mondial : le démantèlement des nations......................28 1.2.3 La domination de l’Empire : réseaux et lobbies en action...............................................32 1.3 La résistance par la double réconciliation nationale et le soutien aux nationalismes étrangers..................................................................................................................................36 1.3.1 Pour l’union sacrée : gauche du travail et droite des valeurs...........................................37 1.3.2 Eviter le piège du choc des civilisations : la main tendue aux musulmans.....................40 1.3.3 Soutien à l’émergence de pôles de résistance à l’Empire................................................44 Partie II Récupération de certaines composantes traditionnelles des idéologies d’extrême-droite : nationalisme, antisémitisme et complotisme..49 2.1 Le nationalisme comme ligne directrice centrale...........................................................50 2.1.1 Un nationalisme de gauche ? Entre marxisme, syndicalisme révolutionnaire et considérations sociales..............................................................................................................51 2.1.2 Un national-populisme ? Entre justesse et imprécision...................................................56 2.1.3 Une pensée « national-socialiste » ? Un qualificatif fallacieux.......................................60 2.2 L’emploi d’une argumentation relevant de l’antisionisme, de l’antisémitisme et de l’antijudaïsme..........................................................................................................................64 2.2.1 De l’antisionisme à l’antisémitisme.................................................................................65 2.2.2 L’antisémitisme économique : de la gauche à l’extrême-droite.......................................70 2.2.3 Antijudaïsme théologique et négationnisme....................................................................74 2.3 Complotisme et décadentisme généralisé allié à une forte dimension mystique.........78 2.3.1 Une vision catastrophiste et décadentiste des événements..............................................79 2.3.2 Le complot comme clé de compréhension de l’histoire..................................................84 2.3.3 Une dimension mystique notable ....................................................................................88 Partie III Entre proximités et divergences, singularités d’une idéologie contemporaine.....................................................................................................................94 3.1 Les précédents historiques : entre héritage avéré et divergences importantes vis-à- vis d’autres courants intellectuels..........................................................................................95 3.1.1 L’héritage revendiqué du Cercle Proudhon......................................................................95 3.1.2 Des dissimilitudes considérables avec la révolution conservatrice allemande................99 3.1.3 Le rapport à la Nouvelle droite : entre convergence des critiques et différences de valeurs.....................................................................................................................................103 3.2 Des rapports inégaux avec l’extrême-droite contemporaine......................................108 3.2.1 Des divergences fondamentales avec l’extrême-droite identitaire et libérale................109 3.2.2 La proximité relative avec le Front National.................................................................113 3.2.3 Convergences partielles avec l’extrême-droite la plus radicale.....................................118 3.3 Entre diffusion réussie et devenir incertain..................................................................124 3.3.1 Une diffusion tous azimuts.............................................................................................125 3.3.2 Une influence limitée mais grandissante bien que paradoxale......................................129 3.3.3 Perspectives d’avenir : entre continuité et incertitude...................................................133 Conclusion générale........................................................................................................139 Abréviations AD : Aube Dorée BCE : Banque Centrale Européenne CFR : Council on Foreign Relations CP : CasaPound CRIF : Conseil Représentatif des Institutions juives de France E&R : Egalité et Réconciliation EU : Etats-Unis d’Amérique du nord FED : Federal Reserve Systeme (Réserve Fédérale des Etats-Unis) FMI : Fond Monétaire International FN : Front National GRECE : Groupement de Recherche et d'Etudes pour la Civilisation Européenne GUD : Groupe Union Défense LICRA : Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme MLF : Mouvement de libération des femmes MSI : Movimento Sociale Italiano (Mouvement Social Italien) NSDAP : Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei (Parti National-Socialiste des Travailleurs Allemands) OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economiques OF : Oeuvre française OMC : Organisation Mondial du Commerce OMS : Organisation Mondiale de la Santé KK : Kontre Kulture PAS : Parti Anti-Sioniste PCF : Parti Communiste Français PS : Parti Socialiste PVV : Partij Voor de Vrijheid (Parti pour la liberté) UE : Union Européenne UMP : Union pour un Mouvement Populaire URSS : Union des Républiques Socialistes Soviétiques 1 Introduction Alain Soral, « ancien communiste devenu nationaliste mais resté anticapitaliste »1 qui se serait « professionnalisé dans le recyclage de vieilles thématiques conspirationnistes »2 pour le politiste Pierre-André Taguieff. « Issu des milieux catholiques traditionalistes mais sa pensée est composite, attrape-tout »3 pour Stéphane François, historien des idées. « Figure actuelle du brouillage idéologique »4 et un des principaux « pôles émetteurs de l’idéologie néoconservatrice »5 selon le sociologue Philippe Corcuff. Le politiste spécialiste de l’extrême- droite Jean-Yves Camus parle quant à lui de « gaucho-nationalisme »6 pour définir son idéologie. Qu’on le qualifie d’essayiste, de pamphlétaire, de polémiste ou d’idéologue, il est frappant de constater à quel point l’idéologie développée par Alain Soral, outre le fait de susciter de nombreux commentaires, est l’objet de qualifications les plus diverses, parfois contradictoires, et en tout état de cause sans qu’aucun consensus satisfaisant n’en ressorte. Seule la classification à l’extrême-droite de cette idéologie est communément admise, tant de la part les observateurs de la vie politique française que des spécialistes de ce courant d’idées, qu’ils soient journalistes ou universitaires. Néanmoins, une telle dénomination est beaucoup trop large pour pouvoir rendre compte précisément de l’idéologie d’Alain Soral. Cependant, aucun travail universitaire détaillé et spécialement dédié à l’étude de cette idéologie n’a à ce jour et à notre connaissance été réalisé. Et ce, alors même que ces différents observateurs s’accordent pourtant à reconnaître que les idées d’Alain Soral occupent désormais une place non négligeable au sein de l’extrême-droite française et dont la parfaite compréhension constitue donc à ce titre un enjeu majeur. Raisons pour lesquelles il nous apparaît comme profitable voire nécessaire de nous livrer à un tel travail, d’autant plus qu’il s’inscrit dans un contexte ou l’extrême-droite et en forte progression, tant sur le terrain électoral qu’en ce qui concerne l’imprégnation de ses idées au sein de la population française.7 1 Taguieff Pierre-André, Court traité de complotologie, éd. Fayard, 2013, p.401. 2 Taguieff Pierre-André, Du diable en politique, éd. CNRS, 2014, p.122. 3 François Stéphane, Revue Politis, n°1285, janvier 2014, p.19. 4 Corcuff Philippe, Conférence Université populaire de Lyon, le 18 février 2014, disponible sur http://unipoplyon.fr/enregistrements-unipoplyon-2013-2014. 5 Corcuff Philippe, « Eric Zemmour à encore franchi le mur du çon », http://rue89.nouvelobs.com, 10 décembre 2013. 6 Camus, Jean-Yves, « Alain Soral rassemble Le Pen, Dieudonné et des islamistes », Actualité juive, n° 994, le 3 octobre 2007. 7 Voir notamment : Enquête Ipsos, « 70% des sondés considèrent qu’il y a trop d’étrangers en France », publié uploads/Politique/ l-x27-ideologie-d-x27-alain-soral.pdf