Cycle de conférences sur l’étude annuelle du Conseil d’État (2017‐2018) La cito
Cycle de conférences sur l’étude annuelle du Conseil d’État (2017‐2018) La citoyenneté Synthèse des dossiers du participant Pour la huitième édition de son cycle de conférences1, le Conseil d’État a choisi de retenir le thème de son étude annuelle 2018 : la citoyenneté. La finalité de ce cycle a été de faire intervenir, sous la forme d’un débat public, des personnalités qualifiées, françaises et étrangères, dont les échanges ont enrichi ses réflexions au‐delà du champ juridique qui est le sien, en direction par exemple de la sociologie, de la philosophie ou de l’histoire des idées politiques. L’objectif a aussi consisté à donner au public assistant aux conférences l’opportunité de contribuer à la réflexion du Conseil d’État au travers de la participation de chacun sur la citoyenneté, au travers de la participation de chacun lors des débats. Les sept thèmes suivants ont été traités : Peut‐on parler d’une crise de la citoyenneté ? Mercredi 18 octobre 2017 La citoyenneté dans la tradition républicaine Mercredi 29 novembre 2017 L’école de la République fabrique‐t‐elle encore des citoyens ? Mercredi 17 janvier 2018 Que reste‐t‐il des devoirs du citoyen ? Mercredi 14 février 2018 La citoyenneté européenne : réalité ou utopie ? Mercredi 28 mars 2018 Que veut‐dire « citoyen du monde » ? Mercredi 16 mai 2018 La citoyenneté, un idéal pour aujourd’hui ? Mercredi 20 juin 2018 Sont ici rassemblés les principaux éléments de présentation des conférences du cycle. 1 Régulation de crise, régulations en crise ? (2009‐2010) ; Droit européen des droits de l’Homme (2010‐2011) ; La démocratie environnementale (2010‐2011) ; Enjeux juridiques de l’environnement (2012‐2013) ; Où va l’État ? (2013‐2015) ; Droit comparé et territorialité du droit (2015‐2016) ; Entretiens sur l’Europe (2015‐2017). Cycle de conférences sur la citoyenneté (2017-2018) 2 Conférence inaugurale : 18 octobre 2017 Peut‐on parler d’une crise de la citoyenneté ? Discours d’ouverture : Jean‐Marc Sauvé, vice‐président du Conseil d’État La modératrice : Martine de Boisdeffre, présidente de la section du rapport et des études du Conseil d’État Les intervenants : Monique Canto‐Sperber, philosophe, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique Erik Orsenna, économiste, écrivain, membre de l’Académie française, conseiller d’État honoraire Dominique Schnapper, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, membre honoraire du Conseil constitutionnel, présidente de l’Institut d’études avancées et du Musée d’art et d’histoire du judaïsme Cycle de conférences sur la citoyenneté (2017-2018) Présentation de la conférence Il ne se passe guère de semaine sans qu’un média évoque la crise de la citoyenneté dans notre pays. Ce thème est même abordé sur les sites officiels de la République française2. Les plus hautes institutions représentatives3 se sont d’ailleurs efforcées d’en comprendre les causes et de proposer des solutions. Parallèlement, on assiste à un bouillonnement de la société civile en quête d’une renaissance citoyenne. Après avoir rappelé à quel point la citoyenneté est indissociable de notre idéal républicain, il faut s’interroger sur l’existence même d’une crise et, le cas échéant, explorer les pistes d’un possible renouveau. L’étymologie4 du terme « crise » nous rappelle en effet opportunément qu’une crise est aussi un moment de diagnostic et de renouveau possible. Selon l’idéal hérité des Lumières, à vocation universelle, les vertus civiques fondent la République et l’école a pour mission fondamentale de les inculquer aux futurs citoyens (I). La crise de la citoyenneté, qui se manifesterait par un affaiblissement du civisme, reflèterait une perte de confiance dans les institutions représentatives et leur capacité à prendre en compte les aspirations des citoyens (II) 5. En réaction à ce risque de délitement de l’idéal républicain, il y a une réaffirmation des valeurs civiques dans l’espace public et un foisonnement d’initiatives apparaissent pour renouveler la citoyenneté à l’heure du numérique, de l’Union européenne et de la mondialisation (III). I‐ Selon l’idéal hérité des Lumières, à vocation universelle, les vertus civiques fondent la République et l’école a pour mission fondamentale de les inculquer aux futurs citoyens. La Déclaration universelle des droits de l’Homme de 19486a donné une portée planétaire aux idéaux de 1789, même si l’effectivité de ces droits est très loin d’être atteinte dans un grand nombre de pays. Il est donc important de préciser que la « citoyenneté libérale »7 d’inspiration largement anglo‐ saxonne, qui peut se définir comme « l’espace à l’intérieur duquel un homme peut agir sans que d’autres l’en empêchent »8, n’est aujourd’hui que très rarement remise en cause. L’accès à la citoyenneté a été étendu à des catégories de la population qui n’en bénéficiaient pas ou que partiellement. Si l’on prend l’exemple de la France, il a fallu attendre 1944 pour que le droit de vote9, composante essentielle de la citoyenneté, soit reconnu aux femmes ! Et les droits civils, politiques et sociaux des citoyens sont aujourd’hui garantis avec un haut degré de protection dans tout l’espace européen10. Ce qui peut sembler le plus en état de crise aujourd’hui, c’est l’idéal hérité des Lumières et notamment du Contrat social de Rousseau qui fonde la citoyenneté républicaine11. Dans cette conception, la loi votée par les représentants exprime la volonté générale : la norme qui s’impose à tous est légitime parce qu’elle traduit les aspirations des citoyens. La citoyenneté républicaine n’est donc pas réductible à un ensemble de droits. Son exercice repose en définitive sur le civisme et la participation active de tous à la vie de la cité. Elle suppose l’éducation aux vertus civiques et la primauté du bien commun12, sans lesquelles il n’y a pas de République possible. Les citoyens doivent d’ailleurs être prêts à prendre les armes pour défendre la République quand celle‐ci est menacée par les ennemis de la liberté. C’est le sens même des paroles de notre hymne national, la Marseillaise13, née lorsque la Révolution était en péril et qui a été entonnée avec ferveur 2 V. Direction de l’information légale et administrative ‐ Vie publique : « Une citoyenneté en crise ». 3 V. le rapport de G. Larcher, président du Sénat, « La Nation française, un héritage en partage » (avril 2015) ; le rapport de C. Bartolone, président de l’Assemblée Nationale, « Libérer l’engagement des français et refonder le lien civique » (avril 2015); le rapport du Conseil économique, sociale et environnementale « Réfléchir ensemble à la démocratie de demain » de M. Gratacos d’octobre 2013. 4 Le sens étymologique du mot crise est « décider », « faire un choix » (du latin crisis et du grec krisis). 5 V. par ex. Direction de l’information légale et administrative, Vie publique : « Une citoyenneté en crise ». 6 Déclaration universelle des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948. 7 T. Marshall, Citizenship and Social Class, Pluto Press (1949) ; T. Marshall, The Right to Welfare and Other Essays, Heinemann Educational Publishers (1981). 8 I. Berlin, Éloge de la liberté, Calmann‐Lévy (1988), p. 171. 9 Le 21 avril 1944, le droit de vote est accordé aux femmes en France par une ordonnance du Comité français de la Libération nationale, signée par Charles de Gaulle depuis Alger. 10 V. Dossier du participant de la dixième conférence du cycle du Conseil d’État « Entretiens sur l’Europe », intitulée « Peut‐on parler d’une démocratie européenne ? ». 11 JJ. Rousseau, Du contrat social, Éd. Flammarion, 2011. 12 BS. Turner, “Outline of a Theory of Citizenship”, in Sociology, vol. 24, n°2 (1990), pp.189‐217. 13 Art. 2 de la Constitution de Ve République de 1958 : « La langue de la République est le français. L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. L'hymne national est la "Marseillaise". La devise de la République est "Liberté, Égalité, Fraternité". Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. ». 3 Cycle de conférences sur la citoyenneté (2017-2018) depuis sur tous les champs de bataille, quand l’existence de la Patrie était en jeu. Dès l’origine, le combat pour la République a une dimension universelle : il s’agit de défendre le droit des peuples à disposer d’eux mêmes et d’abattre toutes les tyrannies. En 1790, l’Assemblée nationale donne ainsi la possibilité à tous les étrangers établis en France depuis cinq ans d’accéder à la qualité de citoyen actif à la seule condition de prêter le serment civique14. Et en 1792, la citoyenneté d’honneur est inventée pour permettre aux « amis du genre humain » de devenir citoyens français15. Enfin, la constitution de 1793 institue un droit d’asile pour ceux qui sont « bannis de leur patrie pour la cause de la liberté »16. Cette visée universelle a pu d’ailleurs dans le passé conduire à des prises de position contestables pour un regard contemporain : c’est au nom de la vocation particulière de la France en charge du devoir de répandre la civilisation que Jules Ferry, alors président du Conseil, justifie en 1885 devant l’Assemblée nationale l’expédition coloniale en Cochinchine au cours d’un débat célèbre l’opposant à Georges Clémenceau 17. Les fondateurs de la IIIe République uploads/Politique/ la-citoyennete-synthese-des-dossiers-du-participant.pdf
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- Publié le Sep 27, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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