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ei Semaine ,:l lJne pa~flion frw•çaise r ... • La politique, une passion contrariée ... ----~-· Malgré une défiance de plus en plus grande, la politique occupe une place centrale dans la vie ,. des Français, nourrie par une mythologie républicaine issue é i ? f i blique et de désinvestissement. «Nous sommes depuis le début des années 1990, avec la chute du mur de Berlin, le traité de Maastricht et la déception de la gauche au.. pou- voir, dans une très nette phase de prise de distance, avec de temps à autre des poussées protestataires comme les émeutes de banlieue en 2005 ou, plus récemment, le phé· nomène Nuit debout, explique Bruno Cautrès. Les Français sont toujours prêts à se mobiliser quand -<-< ~ itique présente un double visage, dont l'un continue àsusciter plus et dans la grande tradition gaul- liste, aspirent à s;en remettre à un homme providentiel», ajoute Jean Garrigues. D'où la sacralisation de l'élec- tion présidentielle, qui a écrasé tous les autres scrutins, et n'a quasiment pas d'équivalent dans les autres pays démocratiques. «Avec la \.lt République, de Gaulle a en quelque sorte institutionna- lisé l'homme providentiel, note Sudhir Hazareesingh. En France, ' . \ . . . . . de la Révolution française. repères Un réel intérêt pour 2017 Pi de 7 Fr.me;~· ur 10 (74 %) témoignent de l'intérêt pour l'élection présidentielle de 2017, révèle l'enquête électorale réalisée en mars par le Cevlpof (1). 20 % se disent moyenne- ment intéressés et seulement 6 %peu ou pas intéressés du touL ce sont sans :r~ ~ a!lS qui sont les plus concernés (85 %), mals les jeunes de 18 à 24 ans sont quand même 67% à s'y Intéres- ser et les 25 à 34 ans, 68 %. u rutbi ;un7 passionne davantage les sympathisants de droite (84 %) que ceux de gauche (74 %), sans doute en raison des enjeux autour de la primaire. Au sein de la droite, ce sont les proches des Républicains (79 %) quJ se dé- clarent les plus intéressés. (1) Réalisée dun au 20 mars auprès d'rm échantillon de 20319 personnes inscrites sur les li sees électorales, dom 13 693 certaines d'aller voter en 2017. M al-aimée, décriée, rejetée, la poli- tiqu e n'en de- meure pas moins au cœur de nos vies. À la télévision, dans les jour- naux et même dans les conversa- tions, elle continue d'occuper une place essentielle sans qu'on s'en rende forcément compte. «En France, lorsqu'on dfne entre amis on commence par parler de soi, de ses vacances, des .films qu'on a vus et ça .finit toujours par la po- litique ... » Professeur à Oxford. l'historien Sudhir Hazareesingh, qui séjourne souvent en France et vient de consacrer un essai à Ce pays qui aime les idées (1), a tou- jours été frappé par l'extraordi- naire intérêt que les Français por- tent au débat public. «Quand on voit qu'une émission comme« Des paroles et des actes» réunit plu- sieurs millions de téléspectateurs, le succès de la presse hebdoma- daire avec ses unes politiques ou des polémistes de type Zemmour ou Finkielkraut, c'est très spécifique à la France. Il y a peut-être du scep- ticisme, mais certainement pas un désintérêt. » Malgré un niveau de défiance à l'égard de la classe politique, qui est devenu selon le politologue et chercheur au Cevipof Bruno Cau- très« gigantesque», l'intérêt pour la politique, lui. ne faiblit pas. Une majorité de Français (56%) continue à s'y intéresser, selon le baromètre de la confiance réalisée en janvier par le centre d'études de Sciences-Po. Les Français croient toujours à la politique mais avec une al- ternance entre des cycles de fort investissement dans l'action pu- une élection les motive, comme l'élection présidentielle où ils continuent de participer à plus de 80 %, ou à soutenir une cause hu- manitaire ou en dehors du champ électoral. ,. Au fond, c'est comme si nos compatriotes aimaient la po- litique mais étaient de plus en plus déçus par les formes qu'elle prend et par ceux qui l'incarnent. «Il y a un désaveu des partis qui ne jouent plus leur r6le de production des élites et des institutions dont on constate l'impuissance, mais la forme de l'élection pr~sidentielle, personnalisée à l'excès, a continué à cristalliser ce go at des Français pour la politique», estime Jean Garrigues, professeur d'histoire contemporaine à l'université d'Orléans (2). «Entre les Français et la poli- tique il y a, et ce n'est pas nouveau, une sorte de passion contrariée, analyse Olivier Ihl, professeur à l'Institut d'études politiques de Grenoble. Elle tient au décalage qui existe entre la démocratie telle qu'ils la rêvent depuis la Révolu- tion française et la réalité, c'est- à-dire celle d'un gouvernement représentatif Ils sont constam- ment dans l'attente d'une forme politique plus proche de la démo- cratie d'assemblées, où les gens se rencontrent et débattent. C'est une tradition historique très puis- sante en France et qui explique l'importance cllez nous des ras- semblements, depuis les banquets républicains jusqu'aux manifest-a- tions, et du rôle joué par la place publique.» Cette passion singulière est nourrie de tout un imaginaire républicain baigné de philoso- phie des Lumières, qui donne à notre modèle une portée univer- selle. «Les Français ont toujours eu le sentiment que leurs débats, ~u t: piu~ que de l'intérêt. et l'autre le rejet. Les Français s font tour à tour . , passionnes ou dégoûtés. >> Janine Mossuz-Lavau, Les Français etlapoUtique leurs valeurs, leurs choix revê- taient une forme d'exemplarité, confirme Jean Garrigues. Et le gaullisme, présenté comme une fa- çon de maintenir la France comme une grande puissance, a entretenu cette illusion.» Cette aspiration très française à une forme de démocratie chimi- quement pure ne peut cependant que générer de la déception. «La République est un horizon toujours repoussé, constate Sudhir Haza- rcesingh. Ses trois principes -li- berté, égalité,f raternité -,qui sont constitutifs de l'identité française, sont impossibles à concrétiser. Cela pousse les Français à les remettre constamment en question et à être déçus par leurs représentants.» La place centrale occupée par l'État, issu d'un triple héri- tage- monarchique, révolution- naire et bonapartiste- explique par ailleurs les rapports souvent ambigus que les citoyens culti- vent avec leurs gouvernements. «Ils cherchent en permanence à se débarrasser de sa tutelle tout en réclamant un État protecteur, la politique n'est pas seulement un horizon idéologique mais un en- semble incarné dans la figure d'un homme. Tout va toujours très mal, et dès que l'llection présidentielle arrive vous recommencez à parler d'avenir.,. Ce grand rendez-vous démocra- tique qui continue de susciter l'in- térêt à défaut d'espoirs est cepen- dant devenu le« cache-misère» de la désaffection des Français pour la politique. selon l'expression de Jean Garrigues pour qui «ce sys- tème en trompe-l'œil est en train d'exploser». « On a le sentiment d'arriver à la fin d'un cycle, ap- prouve Bruno Cau très. La France a besoin d'un grand audit démo- cratique. ,. Ce malaise, incarné par l'im- mense souhait de renouvelle- ment exprimé, cache un mal plus profond. Celui d'un fonctionne- ment démocratique très vertical et très binaire qui ne correspond plus à une société de plus en plus horizontale ni à une économie mondialisée. «Il faut se poser des questions sur l'ivresse des dis- cours républicains qui nous font constamment regarder dans le ré- troviseur», regrette le politologue. La France. orpheline des deux grands modèles politiques qui ont nourri son imaginaire au cours du xxe siècle, le gaullisme et le com- munisme, doit désormais redéfi- nir sa sphère publique. Or, ni le PS ni Les Républicains n'ont ac- compli ce travail de refondation idéologique.« Le paradoxe qui est effrayant. relève l'universitaire britannique, c'est que le FN est le seul parti qui semble porter rme vi- sion de l'avenir cohérente» Céline Rouden (l) Flammarion, 2015 (2) Les hommes providentiels. Histoire d'une fascination française, Seuil, 2012. ï uploads/Politique/ la-politique-une-passion-contrarie-e.pdf

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